La dernière note de chant tenue, un nouveau décors tomba et Riley n'eut pas le temps de souffler. Un autre groupe de danseuses était entré en scène afin de distraire le public, mais elle n'avait pas une seconde à perdre car dans quelques courtes minutes, la jolie blonde devait être de retour sur les planches complètement changée pour le tableau final qui était bien entendu le plus spectaculaire. Il clôturait le show du cabaret et était tout simplement grandiose. Les gens se pressaient aux porte de l'établissement juste pour être témoin de ce moment du spectacle dont tout le monde parlait sans pouvoir pourtant en montrer la moindre image à leurs proches ou simplement animer une discussion et pour cause, le patron de l'Oiseau de Nuit imposait l'interdiction aux photos et vidéo durant le show. Il prétextait vouloir le garder secret, garder la surprise totale pour son public mais la vérité était plus sombre que ça...
Riley fila en courant en coulisse où elle fut réceptionnée par la costumière et ses petites mains qui l'aidèrent à quitter son habit de lumière pour un autre, le dernier de la soirée. Nue au milieu de tous les danseurs et danseuses qui se changeaient également, elle se laissa habiller dans la précipitation et la précision, avant que la maquilleuse ne débarque afin de lui dorer tout le corps. C'était l'effervescence derrière tandis que les clients sirotaient tranquillement leur champagne attablés dans la somptueuse sale à l'ambiance si feutrée, se régalant les yeux sans avoir conscience d'à quel point ça s'activait à l'abris des regards. Lorsque Riley serait sur scène avec ses danseurs, ce serait comme si tout s'était passé en un claquement de doigt.
- Serre encore, dit-elle alors qu'on lui ajustait son corset d'or.
La jeune femme avait au moins cinq personnes autour d'elle car elle avait le costume le plus important étant la vedette des lieux et tout ce petit monde n'était pas de trop. On arrangea ses cheveux de quelques pinces et d'un bon coup de laque, on retoucha le rouge de ses lèvres et acheva de peindre et pailleté son corps, lorsque son patron entra en coulisses... L'euphorie du moment et l'excitation de la scène quittèrent instantanément le regard de Riley qui cessa de respirer. Son cœur venait de rater un battement et une enclume d'être jetée sur ses épaules. Chaque soir c'était pareil et pourtant chaque soir elle se retrouvait avec le ventre noué lorsque ce moment venait. En trois ans elle n'avait jamais pu s'y faire... Son geôlier donna ses instructions à chaque fille et elle le regarda faire sans cligner des yeux, appréhendant l'instant où il allait venir vers elle lui annoncer sa sentence du soir... Qui ce serait cette fois...? Un habitué ? Un nouveau...? Quelqu'un de doux ? De brutal...? Quelle importance au fond... Aucun des scénarios ne lui plairait d'avantage qu'un autre. C'était du pareil au même. Elle ne se réduirait pas à dire qu'elle préférait tel ou tel façon pour les choses de se passer. Qu'un client soit gentil ou non avec elle, elle n'en avait rien à foutre. Au final il avait payé pour elle et elle était forcée de se donner... Qu'on lui donne des fleurs ou un bijou au lieu d'une strangulation ou quelques griffures lui importait peu. Le dégoût était le même pour elle...
- Riley, promena-t-il son énorme paluche le long de ses courbes si joliment galbée tout en lui soufflant son souffle chaud qui lui glaça pourtant les os sur sa gorge.
Elle avait horreur qu'il la touche... La jeune femme se décala, prétextant replacer un bijou face au miroir mais il ne la laissa pas s'éloigner bien loin. Elle sentait qu'il voulait la caresser et la goûter mais elle était couverte d'or de le tête aux pieds alors il s'abstenait.
- Il va t'adorer. - Arrête ça...
Qu'il arrête de tourner autour du pot en jouant les mystères et lui dise ce qui l'attendait cette nuit ! Elle devait se dépêcher de rejoindre l'arrière de la scène ! Les autres n'allaient pas tarder à terminer leur numéro !
- Hoffendaur est dans la salle VIP avec un groupe de collègues. Tu les rejoindras dès que tu auras terminé ta prestation. - Je vais pas y aller comme ça ! - Il te veut d'or vêtue tu iras d'or vêtue. Et tu mettras ça, posa-t-il des boucles d'oreilles sur sa coiffeuse. C'est de lui ça lui ferait plaisir que tu les portes. - Je suis pas un chiwawa qu'il peut parer de trucs en tous genres hein ! Qu'il se les garde. - Des émeraudes y'a pire comme "trucs". - T'as qu'à les porter su tu les aimes tant. - Riley tu vas fermer ta si jolie petite bouche et te contenter d'être belle et lui plaire vu ce qu'il débourse ici tu m'entends ? D'ailleurs je compte sur toi pour m'en amadouer quelques uns ce sont de gros poissons.
Bon sang ce qu'elle pouvait le mépriser ! Elle l'assassina du regard et le bouscula avant de filer rejoindre le reste du groupe qui patientait. Elle se pencha afin de réajuster la boucle de sa chaussure et tourna son regard vert diablement hypnotique en direction de la vitre qui donnait sur l'espace VIP. Une trouvaille du boss afin de faire saliver les clients... Leur donner envie comme il aimait à le dire... Ça ne donnait pas sur le backstage profond, les hommes malgré la fortune qu'ils déboursaient pour jouir de cette salle où ils pouvaient fumer les meilleurs cigares et boire les meilleurs whisky, ne pouvaient pas pour autant voir les danseuses se dénuder, mais ils pouvaient néanmoins savourer le plaisir d'apercevoir ce qui se passait juste derrière le rideau. Ils avaient une vue privilégiée sur les danseuses et leurs formes affriolantes mises en valeurs dans des tenues faites pour suggérer et susciter l'intérêt.
Riley croisa le regard de celui qui l'avait acheté pour ce soir mais ne lui rendit pas son sourire. Elle n'entendait pas ce qu'il disait en compagnie de ses semblables mais étant donné leurs regards lubriques et leurs rires à gorges déployées, elle pouvait aisément l'imaginer. Ils étaient tous les mêmes après tout... Elle n'eut pour autant pas le loisir de s'attarder à les observer, c'était à elle. Elle retrouva son sourire et se propulsa sur scène afin de clôturer le spectacle comme il se devait ! Le moment passa beaucoup trop vite et comme chaque soir, elle eu droit à une véritable ovation qu'elle s'efforça de faire durer le plus longtemps possible, repoussant le moment fatidique du tombé de rideau qui malheureusement fini par arriver. Il couvrit son cœur autant que la salle... Elle resta quelques secondes à le contempler les yeux légèrement dans le vide tandis qu'elle laissait tout le monde quitter la scène puis elle se força à en faire de même, ses poings si serrés que comme chaque soir, ils creusaient un peu plus les petites cicatrices en forme de lunes laissées par ses ongles aux creux de ses paumes.
Elle repassa devant la vitre des VIP à laquelle elle ne prêta pas la moindre attention et rejoignit sa loge où elle allait avoir son moment de tranquillité avant de rejoindre les hommes qui l'attendaient... Elle avait la sensation d'être au purgatoire en attendant de se rendre en Enfer... Attendre qu'un client la rejoigne ici et endurer sa nuit était un chose. Devoir aller jouer la comédie au milieu de tout un groupe en était une autre... Elle avait horreur de faire ça mais avec un peu de chance si elle se débrouillait bien et selon comment ça se passait, peut-être réussirait-elle à repousser le moment où elle devrait se retrouver seule avec Hoffendaur. C'était en soit un mal pour un bien. Riley s’essaya face à sa coiffeuse et laissa s'échapper un profond soupir de ses lèvres qu'elle redessina au pinceau. Dans le miroir, son reflet dégageait une tristesse et une résilience douloureuse. Tant de beauté pour tant de douleur. C'était fou ce que sa réflexion contrastait avec ce qu'elle ressentait en elle... Elle rayonnait, elle était parée de strass et d'or et pourtant son cœur était étreint de tant de chagrin ! De tant de poids... Elle était si belle et elle se sentait si laide...
Elle retira sa coiffe imposante qui pesait une tonne et brossa ses cheveux blonds avec précaution histoire de ne pas abîmer la base de sa coiffure très burlesque. Le rituel pouvait commencer. Elle se mit à valser entre les fards, la poudre et les bijoux. Ses gestes étaient précis, assurés, instinctifs. Elle savait ce qu'elle faisait, c'était la même danse redondante chaque nuit... Elle n'avait pas grand chose à faire étant donné qu'elle était déjà apprêtée, mais elle devait ajuster les teintes et réunifier les couleurs. Le maquillage de scène, c'était beau sur scène. Elle devait atténuer un peu tout ça. Du moins ça c'était ce qu'elle se disait car en vérité, elle aurait pu aller telle qu'elle était à la salle VIP. C'était ce qu'on lui avait demandé. Mais Riley s'y refusait. Elle refusait de mélanger l'artiste et la prostituée. C'était hors de question. Elle aimait tant se préparer avant de monter sur scène ! Elle aimait tant se coiffer et se maquiller, se parer pour aller performer ! Elle ne voulait pas mêler sa passion à sa damnation. Jamais ça n'arriverait et tant pis si son boss venait lui hurler dessus ! Ça ne lui prendrait pas longtemps, mais elle n'irait pas rejoindre les clients avec son maquillage de scène qu'elle avait réalisé pour faire ce qu'elle aimait plus que tout au monde. On lui avait déjà pris beaucoup trop de chose, on ne lui gâterait pas celle là. Au fil du processus, Riley se regarda disparaître derrière les cosmétiques et les atours pour laisser place à son autre personnage. Elle allait mentir ce soir, une fois de plus. Elle rajusta sa tenue, puis jetai un dernier regard à son image dans la glace avant de se lever.
- Rah merde...
Les boucles d'oreille. Elle allait oublier... Elle les attrapa avec déplaisir et les passa. Elles étaient lourdes. Jolies, sûrement d'une valeur indécente, mais elle ne ressentit aucune émotion ni aucune excitation à les voir pendre à ses lobes et faire ressortir le vert de son regard de chat rendu hypnotique par son maquillage. Prête, elle quitta sa loge et gagna la salle VIP. Elle croisa quelques danseurs sur le départ pour chez eux qui n'avaient pas la moindre idée de ce qui se tramait pour elle et les 4 autres filles résidant ici une fois le cabaret fermé... Derrière la porte, Riley entendait les voix du groupe de clients qui échangeaient et s'esclaffaient. Son boss les avait visiblement rejoint du coup elle n'avait clairement pas le droit à l'erreur... Un faux pas et elle savait ce qui l'attendait... Elle inspira profondément, se composa son masque autant que son sourire, puis entra :
- Aaaaaaaah Riley ! Mon dieu que tu es belle ! l'accueillit Hoffendaur qui s'avançait déjà vers elle.
Il enserra sa taille ce qui la fit se crisper même si elle n'en montra rien. Elle s'efforça de lui rendre son sourire et de le suivre alors qu'il l'entrainait vers le groupe :
- Messieurs je vous présente Riley ! L'étoile de ce cabaret !
Elle serra "chaleureusement" les mains de chacun de ses hommes un par un, mais l'un d'eux attira son attention d'avantage que les autres. Elle l'avait déjà vu ici non ?
- Tiens Riley tu dois être assoiffée !
Hoffendaur lui mit un verre de whisky entre les mains avant de retourner servir les autres. Riley le contempla comme si on venait de la confronter à un fantôme étrange et au fond, c'était un peu le cas. La jolie hannovrienne avait une histoire particulière avec cet alcool et ne put faire autrement que crisper ses doigts autour du verre, rattrapée par un souvenir aussi amer que tendre. Elle releva son regard vers l'homme qui lui paraissait familier étant donné qu'il était non loin d'elle et cligna des yeux, comme si elle venait de reprendre corps avec la réalité et revenir de son passé. Son boss l'air de rien depuis l'autre bout de la salle, lui fit un signe discret de la tête. Visiblement il souhaitait qu'elle teste la fiabilité de ce type là quant au fait de l'impliquer ou non dans son petit business. Super...
- Je n'aime pas vraiment le whisky... dit-elle sur le ton de la confidence.
Si on n'était pas dans la confidence, il était impossible de savoir ce qui se tramait ici. Les employés eux-mêmes à par les 5 concernées, n'étaient pas au courant alors le monde extérieur ? L'Oiseau de Nuit était insoupçonnable. Il était célèbre et réputé à travers toute la ville, mais également le pays et en tous points plébiscité pour son élégance, sa classe mais aussi pour le raffinement sensuel de son spectacle. Le patron, homme au charisme indéniable savait charmer et amadouer son public comme personne et ainsi, trompait tout le monde... Le stratagème qu'il avait mit en place pour vendre ses filles étaient bien rodé et passait totalement inaperçu dans le show.
Pour autant, ça n'empêchait pas les ignorants des pratiques officieuses du cabaret de fantasmer sur ce qu'ils pensaient hors de porté et pourtant, qui n'était qu'à un secret et à une poigné de billets d'eux... Riley avait beau ne pas entendre ce que le collègue de l'homme lui glissa à l'oreille, elle pouvait aisément le deviner. Les mecs étaient tous les mêmes de toute façon. Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre... Ils s'étaient assez évertué à le lui prouver comme ça tout au long de sa vie... A part peut-être Björn, son grand frère adoptif ? Oui... Et encore... Après tout elle ne l'avait pas vu depuis près de 10 ans... Alors ok elle lui mentait habilement en lui disant qu'elle allait bien, qu'il n'avait pas besoin de se déplacer vu combien son travail à hautes responsabilités l'occupait en plus de sa petite famille, mais au fond d'elle, même si elle prétendant le contraire, Riley aurait aimé qu'il vienne... Au moins une fois...? Elle aurait prétendu qu'elle se plaisait ici. Qu'elle vivait son rêve. Elle lui aurait pris une place pour qu'il la voit sur scène ! Ensuite il serait reparti mais au moins le temps d'un soir, ou même le temps d'une heure, elle aurait pu avoir cette bouffée d'air.
Au lieu de ça tout ce qu'elle avait, nuit après nuit, c'était la compagnie de ces mecs qui avaient absolument tout dans leur vie ; argent, famille, situation très avantageuse, notoriété, privilèges... mais qui trouvaient distrayant de venir s'offrir une fille comme elle pour se distraire de leur quotidien... Il y avait des endroits légaux à Hambourg bon sang pour ça ! Mais non c'étaient ici qu'ils venaient... Pour elle... Parce qu'elle était belle, parce qu'elle était couverte d'or comme ce soir... Parce qu'en étant dans le burlesque elle était l'image même de l'érotisme envoutant. Il n'y avait pas de place pour la vulgarité ici. Juste pour la volupté et Riley en était la définition même... Ils venaient pour elle parce qu'elle était une vedette. Parc qu'elle était désirée de toute une salle qui la regardait danser et chanter, mais qu'un seul ne l'aurait ; celui qui paierait. Oh final c'était ça qui leur plaisait à tous ces porcs hein ? De se dire qu'ils auraient entre leurs bras celle qui avait fait fantasmer tout une salle sans pouvoir oser rêver la toucher un jour ! C'était ça qu'ils aimaient... Obtenir ce que tout le monde voulait mais que seul eux pouvait s'offrir. Obtenir l'objet de toutes les attentions et le faire leur... L'inaccessible était toujours plus attrayant non...? Hors dès qu'elle était sur scène Riley semblait aussi insaisissable et irréelle qu'une nymphe... La magie de la scène et sa malédiction à la fois... Mais voilà pour être de ceux pouvant prétendre à l'approcher, il fallait avoir la confiance totale et absolue du maître des lieux et il ne l'accordait pas si facilement. Pour entrer dans ses bonnes grâces, ça pouvait prendre du temps. Beaucoup de temps... Car il n'avait pas le droit à l'erreur. Il savait ce qu'il risquait si jamais ses activités clandestines venaient à être découvertes... Il prenait le temps qu'il fallait pour évaluer un nouveau potentiel "bienfaiteur". Il ciblait toujours le même genre de types... Ceux qui avaient une situation. Des Grands de ce monde qui avaient plus à perdre que lui si l'opinion public venait à connaitre à quoi ils occupaient leurs nuits plutôt que d'être chez eux dans leurs familles comme la bienséance le voulait... Quelques rares fois, il acceptait certaines chaudes recommandations. Mais même alors, le type devait passer sous son évaluation et il était seul final décisionnaire. Ce soir visiblement, c'était après l'homme qui lui faisait face qu'il en avait, sans doute recommandé par Hoffendaur et c'était à Riley de "tâter le terrain". Mais pour une curieuse raison, la jeune femme sentait que ce serait peine perdue... Il n'avait pas la même façon de la regarder que ses collègues. Elle essayait de ne pas s'y laisser prendre car elle savait combien les hommes pouvaient être fourbes et trompeurs avec chaque fibre de leur être, mais il avait une certaine douceur dans ses yeux à laquelle la jolie Hanovrienne n'était pas spécialement habituée.
- Je me permets, récupéra-t-il le verre d'entre ses mains pour le poser au milieu de plusieurs bouteilles vides.
Riley réprima les émotions liées à l'odeur du whisky qu'elle avait eu le temps de respirer de monter et fit mine de ne pas remarquer le clin d'oeil qu'Hoffendaur lui lança par dessus sa boisson qu'il était en train de déguster et lui tourna le dos. Elle aurait tout le "loisir" de voir sa tronche infâme plus tard...
- Qu'est-ce que vous souhaitez boire ? Si vous voulez quelque chose, bien sûr.
Si elle voulait quelque chose ? Il lui demandait vraiment son avis pour de vrai ou c'était juste pour la convenance ? se demanda-t-elle suspicieuse. Non vu son attitude patiente et souriante, apparemment il attendait vraiment une réponse... Sa réponse... Merde ça c'était une première depuis longtemps et la jeune femme s'en trouva légèrement prise de court. C'était sans doute idiot, d'être troublée juste parce que cet homme lui laisser le choix de décider de ce qu'elle désirait, mais elle en était si peu coutumière qu'elle eut un instant de blanc. Ici on décidait toujours tout pour elle. Constamment... Même pour des choses aussi insignifiantes que quoi boire lorsqu'elle se trouvait avec un client. Ils commandaient toujours tous du champagne, comme si la baiser était une sorte de super évènement à fêter et elle ne devait pas les contrarier... Alors qu'elle le veuille ou non, elle devait les accompagner. Au final ce n'était pas plus mal car ça lui permettait de se saouler et rendre les choses si non pas moins pénibles pour elles, en tout cas moins... réelles. Du moins le temps que ça durait... Car au matin lorsqu'elle se réveillait avec le souvenir de son client sur sa peau échaudée, aucune gueule ne bois ne pouvait réussir à l'en chasser...
- Je sors de scène alors j'aimerais beaucoup un verre d'eau...
C'était pas très "ambiance VIP" mais c'était vraiment tout ce dont elle rêvait là tout de suite. On l'avait tant pressée pour qu'elle vienne rejoindre le groupe ici ce soir qu'elle n'avait même pas eu le temps de se désaltérer après avoir quitté les planches. Elle aurait sans doute du demander de la vodka ou même un truc plus fort étant donné ce qui l'attendait ce soir mais elle savait que son patron l'avait à l'œil. Il ne la laisserait pas se saouler à vu d'œil. Il ne voudrait surtout pas qu'elle perde son "éclat" et risque déplaire à un de ses plus assidus clients...
- Je vous ai déjà vu ici plusieurs fois non ? Avec votre épouse ? Mais jamais au salon VIP.
Riley s'efforça de sourire et rendre la conversation légère et innocente mais elle était en réalité loin de l'être. Quiconque franchissait la porte de cette pièce était un potentiel prétendant aux "extras" proposés par le patron du cabaret alors forcément même si la jeun femme en était venue par la force des choses et les claques de la vie à masquer ses émotions et à mentir à la perfection, son cœur lui en revanche était loin d'avoir la même résilience... On lui aurait demandé de creuser sa tombe que la sensation n'aurait pas été différente. Autant lui demander de préparer aussi le lit où ce mec la baiserait sans doute d'ici un mois ou deux non, tant qu'à faire ? On n'était plus à ça près niveau culot de la part de son boss...
- Garrett ! Tu fais connaissance avec ma Riley ?
Elle n'était pas SA Riley putain ! Une fois de plus il glissa son bras autour de sa taille et dans son personnage, la belle sourit quand pourtant tout son corps se révulsait à son contact. Plus encore lorsqu'elle sentit sa main effleurée sa cuisse couverte de peinture d'or et s'égarer jusqu'à ses fesses. Il avait vu quelques verres et visiblement s'autorisait des gestes qu'il n'était pas supposé faire ! Pas si tôt ! Avant qu'elle n'ait le temps de dire ou faire quoique ce soit, son patron fut près d'elle et attrapa le bras d'Hoffendaur pour le faire reculer.
- Pas de ça ici !
Sans cérémonie, il l'entraîna dans un coin plus reculé de la salle où visiblement, il allait lui rappeler quelques règles de la maison... D'apparence le propriétaire des lieux veillait de toute évidence bien sur elle. D'apparence il tenait à son bien être et ne tolérait pas les bavures de la clientèle. D'apparence, il la protégeait... La réalité elle en revanche, était bien moins altruiste et héroïque... Il vérité il ne voulait pas risquer que son business soit dévoilé à cause d'un faux pas dicté par l'alcool ou la jalousie ! Si Hoffendaur était client au courant des pratiques secrètes du cabaret pour en profiter régulièrement, les autres eux ne l'étaient pas encore et ce satané vieux con ne trahirait pas son secret à cause d'un verre de trop ! Il ne le tolérerait pas !
Riley elle, recommença à respirer dès qu'il cessa de la toucher et se tourna vers... Garrett...? un rictus quelque peu gêné accroché à ses lèvres rouges.
- Je crois qu'il a un peu bu... feint-elle de rire pour dédramatiser le geste déplacé.
C'était surtout un immonde porc mais ça, elle n'était pas autorisée à le dire.
- Riley ma belle, peux-tu venir un instant ? - Excusez moi...
Putain qu'est-ce qui l'attendait encore ? Elle n'avait rien fait c'était l'autre qui était parti en vrille d'un coup en la tripotant !
- Elle est pour moi pas pour lui ! - A la fin de la soirée en attendant tu gardes tes pattes dans tes poches tu m'as compris Hoffendaur ?! Tu connais les règles m'obliges pas à te les rappeler !
L'homme la regarda d'un air entendu puis retourna rejoindre son groupe de collègue alors que le boss de Lorna enserra son épaule de sa main puissante. Un geste de réconfort en apparence, mais qui en réalité lui faisait un mal de chien. Il avait une poigne à lui en briser les os !
- J'ai rien fait ok ?! - Je sais. Ça se présente comment avec lui là ?
Riley tourna son visage vers Garrett et soupira.
- Il a un femme... plaidai-je. - Et alors ? Ils en ont toutes Riley. - J'aime pas ça...
Non pas qu'elle préférait les célibataires pour autant mais la sienne à lui, elle la "connaissait"... Elle était déjà venue à plusieurs reprises ici avec son époux la voir se produire... Riley savait à quoi elle ressemblait et sans pour autant rendre les choses plus amères qu'elles ne l'étaient déjà, ça ne les lui facilitait pas non plus...
- Mais j'en ai rien à foutre que t'aimes ça ou pas, serra-t-il son menton entre ses doigts brusques, rattrapant les apparences en replaçant une mèche de cheveux avec douceur derrière son oreille. Démerde-toi et prouve-moi que le Seigneur t'as pas donné tes yeux de chat et un cul pareil juste pour les exhiber sur scène. Sers t'en !
Super... Très classe... La danseuse soupira et reforma son visage de convenance et son sourire avant de retourner s'asseoir près de Garrett. Elle prit son verre d'eau et l'avala d'une traite.
- Il voulait juste s'excuser, mentit-elle. Merci pour le verre. Je n'en pouvais plus j'ai tellement chaud !
Ça pouvait paraître étrange étant donné le peu de vêtement qu'elle portait, mais le corset commençait à sérieusement la gêner, autant que la peinture qui la couvrait et faisait scintiller sa peau d'albâtre. Puis dans cette pièce pour des raisons évidentes, il n'y avait pas de fenêtre où prendre l'air...
Les grands de ce monde se pensaient intouchables et au dessus de tout. Leur argent et leur position sociale leur donnait une assurance qui faisait qu'ils se permettaient des choses inconsidérées. Comme si les limites de la morale changeaient avec le poids d'un compte en banque. Ils se sentaient sans doute tous puissants. Au dessus des lois... Et sans doute l'étaient-ils après tout. L'argent ouvrait toutes les portes. Plus encore lorsque la loi, c'était ces hommes justement. Des hommes comme Hoffendaur...
Riley s'était retrouvée dans bien des bras depuis son arrivée dans sa jolie prison dorée... Des bras brutaux, doux, possessifs, tendres... Elle avait eu droit à toutes les sauces dans la façon d'être courtisée. Certains étaient amoureux. D'autres possessifs. Mais chaque fois ce manège quel qu'il fut, la rendait malade. Ce moment où elle était dans sa loge à attendre que la porte ne s'ouvre sur son client du soir était toujours un moment d'angoisse pour elle. Elle avait beau savoir ce qui l'attendait, même après trois ans la jeune femme ne parvenait pas à s'y faire. Elle s'en fichait de découvrir si elle allait prendre des coups ou se faire dorloter. Le résultat final demeurait le même ; elle se faisait baiser contre de l'argent. Chacun la souillait et salissait son cœur et son âme encore bien plus que son corps. Riley rayonnait et vibrait dès lors qu'elle était sur scène à chanter et à danser, mais un fois dans sa loge, une fois la grande aiguille de sa pendule sur le 12 fatidique, s'éteignait... Elle se fanait. Alors elle se fardait. Elle maquillait sa tristesse et masquait sa détresse. Parce qu'ils ne voulaient pas voir une femme craquelée entre leurs bras. Et son boss ne tolérait certainement pas qu'elle le soit. Elle pouvait se cacher autant qu'elle voulait derrière d'innombrables couches de maquillage mais jamais, elle ne devait laisser voir son dégoût et son aversion pour tous ces types qui défilaient entre ses cuisses. Malgré ça, Riley se fermait une fois seule avec eux. Elle s'en foutait de se faire corriger après par son patron si certains avaient à y redire. Elle n'était clairement pas femme à simuler son plaisir alors que tout ce qu'elle voulait dès qu'ils la touchaient, c'était de disparaître tant leur contact la révulsait. Chaque coup de rein la brisait toujours un peu plus... Alors souvent elle se droguait... Pas beaucoup. Juste de quoi lui permettre de s'échapper un peu. De faire défiler le temps plus vite... Son amorphisme rendait les choses mois difficiles à supporter pour elle. Parfois. Lorsqu'elle parvenait à s'illusionner elle-même un minimum. Elle avait besoin de ces affabulations pour ne pas devenir totalement folle. Elle avait besoin de se tromper toute seule un minium, de se laisser croire que ces petites solutions éphémères marchaient. Sinon elle aurait perdu la raison depuis bien longtemps...
Elle ignorait quel serait le comportement d'Hoffendaur ce soir... Le Magistrat pouvait prendre bien des visages... Il venait souvent. Très souvent. Beaucoup trop souvent et particulièrement ces derniers temps. Avant il changeait de fille mais depuis quelques temps il ne demandait plus qu'après elle et aujourd'hui visiblement, il avait l'alcool facile et la jalousie sensible. Ce n'était pas forcément de bonne augure pour elle. Sans doute lui ferait-il payer ce moment qu'elle passait avec Garrett et le fait que son boss ait du le reprendre quant à son geste déplacé "par sa faute". Parce qu'elle avait sourit à un autre. Accepté un verre d'un autre après avoir repoussé le sien... Il faisait la Loi. Il ne tolérait pas qu'on lui fasse la morale comme ça venait d'être le cas. Mais dans un sens, limite Riley préférait ça. Elle préférait lorsque les hommes étaient violents avec elle. Au moins ils étaient cohérents avec leur degré de pourriture. Ceux qui la traitaient comme la chose la plus précieuse au monde et se complaisaient dans un espèce d'acte amoureux ils, lui donnaient envie de vomir plus que les autres encore. Leur façon de la toucher, de la caresser, l'embrasser ou encore la cajoler la dégoûtait. Ils pouvaient lui murmurer tous les mots d'amour et compliments du monde, lui offrir les plus beaux cadeaux, ils l'avaient acheté putain !
- On ne vous laisse jamais prendre de douche après un spectacle ? Ça doit être très certainement une chose dont vous rêvez actuellement.
Riley tourna son visage vers le Magistrat alors que Garrett prenait place sur la banquette. Elle s'y essaya à son tour, son verre d'eau fraîche nouvellement rempli entre ses mains. Une douche bon sang si elle en crevait d'envie... Sauf que Hoffendaur lui la voulait d'or cette nuit... Il avait visiblement été très insistant sur ce point et c'était d'ailleurs loin de lui plaire... Il voulait l'artiste... Il voulait Lorna. Non Riley et ça, elle ne pouvait pas lui donner ! Elle le refusait ! Elle pouvait pas le laisser toucher à ça ! Le cabaret, c'était son rêve ! Son essence ! C'était elle, tout simplement et rien que l'idée qu'il puisse abîmer une chose aussi sacrée pour elle lui noua le ventre à la plier en deux. Un instant elle se décomposa, presque livide. Le fait qu'elle ait modifié son maquillage ne changeait rien pour elle au final et elle s'en rendait compte... Il ne l'aurait pas en costume de scène ! Elle devait absolument trouver une solution pour palier à ça mais en attendant, elle devait garder son masque et se reprendre. Retrouvant son sourire feint, elle haussa ses épaules avec nonchalance :
- D'habitude si mais pour les rencontres VIP je me dois de venir en costume de scène non ? C'est ce qu'attendent les clients.
C'était pareil partout en somme. Les rencontres avec les artistes, c'étaient généralement ainsi car les visiteurs voulaient approcher le rêve et non le banal... Hors les tenues faisaient partie intégrante du show autant que des personnages. Ça ne dérangeait pas Riley de rencontrer les gens ainsi en somme. Non ce qui la débectait surtout présentement, c'était surtout que Hoffendaur voulait qu'elle reste ainsi pour sa nuit avec lui... Mais ça n'arriverait pas. Elle se le promettait. Elle ne savait pas trop comment elle allait s'y prendre et avait conscience que ça lui retomberait dessus d'une façon ou d'un autre ensuite voir même pendant, mais tant pis ! Elle préférait être battue ou punie cent fois plutôt que de laisser le Magistrat souiller la seule chose qui lui restait et à laquelle elle tenait plus que tout !
- Je pense que je les intéresserais beaucoup moins sans tout ça, confia-t-elle sincèrement. Mais oui, j'en rêve.
Riley était femme jusqu'au bout des ongles sur scène, d'une sensualité, d'une grâce et d'une volupté à couper le souffle mais dans la vie, elle avait un look très grunge. Sexy pour le coup, mais pour autant vachement moins glamour que les corsets strassés, les plumes colorées et les escarpins à paillettes !
- Et vous ? Vous préféreriez pas être chez vous avec votre femme plutôt qu'ici avec eux ?
Il était tard et elle imaginait qu'il devait avoir sa journée dans les pattes. Malgré ça il était ici avec son boss et ses collègues. Si elle-même avait eu un endroit où rentrer, elle aurait tout donner pour être là bas plutôt qu'ici. Particulièrement ce soir où Hoffendaur ne cessait de la guetter la lubricité au fond de ses yeux emplis de convoitise...
Dernière édition par Lorna von Rosen le Mar 15 Sep 2020 - 18:31, édité 1 fois
Les envies des clients ne devraient pas passer avant le bien-être de l'artiste disait-il... L'attente les ferait bien plus désirer sa présence... Riley le dévisagea un instant et chercha refuge dans une nouvelle gorgée d'eau qu'elle porta à ses lèvres. En ce qui la concernait, tous la désiraient déjà bien assez comme ça... Quant au reste... Elle se demanda un instant sans pouvoir retenir un sourire un peu fataliste de quelle planète il venait. Les envies des clients passaient TOUJOURS avant celui des artistes... C'était ainsi, ici comme ailleurs. Mais Garrett était riche. Et il était juge. Dans son monde à lui, c'était lui qui rythmait les choses. Qui dictait sa vie autant que sa loi. Il était maître des ficelles qu'il choisissait de tirer. Elle non... Quelque part elle l'enviait. Elle aussi aurait aimé être aussi insouciante que lui pour être capable d'avoir ce genre d'opinion. Mais elle ne l'était pas. La vie ne lui avait pas appris cette légèreté là. Elle ne lui avait pas permis d'être illusionnée de la sorte... Garrett était payé pour décider. Elle était payée pour obéir...
- Je ne suis pas certaine que mon patron ou même vos collègues partagent votre opinion... Puis mon bien-être n'est pas tant mis à mal que ça ! Après tout il y a pire que de porter ce genre de tenue !
Mensonge... Les paillettes de son costume de scène brillaient de toutes parts et son maquillage la rendait rayonnante mais pour autant elle souffrait à s'en arracher la peau d'être là à sentir toutes ces œillades courir dessus. Mais elle devait faire bonne figure. Elle devait maintenir les apparences et prétendre qu'elle était ravie d'être là quand elle se sentait plutôt comme au purgatoire avant de passer les portes de l'enfer égales aux bras d'Hoffendaur, qui l'attendaient ce soir... Les regards sur elle se faisaient de moins en moins discrets à mesure que l'alcool les désinhibaient quand pourtant la plupart de ces hommes auraient pu être son père mais le magistrat veillait. Il était jaloux et possessif autant que fier de la savoir aussi convoitée. Il savait que cette nuit, contrairement à tous ceux qui observaient la jeune femme avec envie, lui l'aurait. Il avait payé cher pour s'en assurer et le clin d'œil qu'il adressa à Riley lorsqu'elle croisa malencontreusement son regard lui porta au cœur au point de la faire se détourner de lui afin de se reconcentrer sur Garrett. Sa compagnie à lui n'était pas désagréable. Il semblait quelque peu différent des autres. Son regard courait également sur elle mais pas de la même façon. Il était plus... doux ? Plus prévenant. La jolie hannovrienne n'y était clairement pas habituée ce qui la déstabilisait autant que ça lui faisait brandir ses barrières. Se sentir à l'aise était un luxe qu'elle ne pouvait pas se permettre. Elle refusait de s'autoriser à un peu de bien-être aussi insignifiant fut-il car ce serait beaucoup trop compliqué à gérer pour elle une fois qu'il lui serait à nouveau arraché. Elle était coutumière de sa tristesse et de sa colère. De sa lutte et ce besoin constant d'être forte pour traverser les journées et plus encore les nuits. Mais pour autant... sa présence était reposante pour elle, d'une certaine façon. Du moins lorsque son boss ne la rappelait pas à l'ordre quant à sa mission concernant le juge ; déterminer si il était apte ou non à entrer dans leur petit monde très fermé duquel Hoffendaur faisait déjà partie... Alors elle tata le terrain, abordant l'air de rien le sujet de sa femme... Car tout commençait toujours de là après tout. Hoffendaur et la majorité de tous ces hommes qui venaient la réclamer à son patron étaient mariés avec une situation et des enfants. Pourtant ils avaient besoin d'elle. De la pincée d'excitation et de danger qu'elle représentait au cœur de la morosité de la routine de leur existence. Elle représentait une part de rêve. Un fantasme. L'inatteignable que seuls eux pouvaient avoir. Elle les grisait et ils y devenaient accros. Certains beaucoup plus que d'autres, comme Hoffendaur qui était passé du stade de client occasionnel à admirateur transi régulier en à rien de temps... Le gérer devenait compliqué pour le patron de Riley car l'homme se faisait de plus en plus possessif et se mettait à de moins en moins tolérer qu'elle soit donnée à d'autres. Il la voulait pour lui seul, ce qui était bien entendu hors de question pour le maître des lieux...
- Tout comme vous, vous préféreriez sûrement ne pas être avec des hommes qui vous sont inconnus, je suppose.
Il supposait bien. Même si malheureusement certains lui étaient de moins en moins inconnus, voir même bien trop familiers...
- Je passe mes journées complètes avec eux, vous ne pouvez pas imaginer ce que je donnerais pour simplement aller la retrouver.
Non c'était hors de question. Elle ne le ferait pas rentrer là dedans et quelque part elle fut soulagée de la réponse qu'il lui donna. Il aimait clairement sa femme et paraissait intègre. Il ne plongerait pas dans les vices que le cabaret cherchait à lui proposer. Riley capta le regard de son boss et hocha discrètement la tête pour lui signifier qu'il n'aurait pas le juge dans ses filets. Au pire elle mentirait et dirait qu'elle avait tout essayé pour le faire flancher. Il n'était pas assez prêt d'eux pour déterminer si elle lui dirait ou non la vérité. Au pire il serait fâché mais elle s'en cognait. Ce serait pas la première fois. Qu'il aille se faire voir.
- Vous devriez y aller alors... L'alcool et les cigares commencent à faire effet je suis sûre qu'ils ne remarqueront même pas que vous êtes parti.
Riley essaya de teinter sa voix d'une certaine jovialité, sans vraiment y parvenir. Si elle avait un endroit ou une personne auprès de laquelle rentrer, elle s'y serait précipitée... Mais ça n'arriverait sans doute jamais car son boss ne la laisserait pas partir d'ici et que même si c'était le cas, personne ne voudrait d'elle après tout ça et elle ne pourrait même pas les blâmer. Elle-même peinait à se regarder dans un miroir. Elle avait toujours l'impression de voir les empreintes de toutes ces mains qui s'étaient posées sur elle...
- Dinckel cessez un peu d'accaparer Riley ! fit mine de s'amuser le Magistrat. Riley viens donc un peu par ici ma beauté.
La jeune femme se crispa et fit appel à tout son self contrôle pour ne pas l'envoyer paître ! Elle n'était PAS à lui putain ! Elle tourna ses yeux verts en direction du juge et lui sourit, contrite.
- C'est votre occasion de vous échapper, murmura Riley en se levant.
Et pour elle de tomber dans la fausse au lions... Hoffendaur allait la vanter aux autres et marquer sa familiarité avec elle pour les faire le jalouser. Il aimait ça, être envié. Il allait leur exhiber leur "complicité" et leur "amitié" quand elle aurait envie de lui arracher chaque doigt qu'il poserait sur elle... Riley s'avança vers le petit groupe mais une fois à leur hauteur, un des avocats se tourna avec un peu trop d'empressement et renversa son verre sur son décolleté. Riley accusa la fraîcheur de la boisson d'un petit sursaut tandis que l'homme se confondait en excuses.
- Ce n'est rien. Je reviens dans un instant.
Ce type venait de lui rendre service ! Il venait de lui filer la parfaite excuse pour retourner aux loges se changer ! La magistrat n'aurait pas le dernier mot ce soir et elle en était ravie ! Elle allait prendre sa douche, changer de tenue et le priver ainsi de ce qu'il voulait ! Riley s'éclipsa et regagna les coulisses. A peine sortit de la salle VIP, elle souffla profondément comme si elle soulageait du poids incommensurable du masque qu'elle s'efforçait de porter, puis s'empressa backstage. Elle ne regarda même pas le groupe qu'elle venait de laisser à travers la vitre qui donnait sur l'arrière de la scène. Elle les avait assez vu pour le moment ! Pourtant sans doute aurait-elle du le faire car elle aurait sûrement remarqué qu'un visage était manquant dans l'assemblée...
Seule avec elle-même, Riley s'installa face à son miroir et attrapa quelques mouchoirs afin d'éponger sa gorge et ses bras. Son corset était tâché et sentait le whiskey... Elle réprima les souvenirs de son père qui ne demandaient qu'à venir l'étreindre et se mit à délasser sa tenue de scène afin de s'en débarrasser. Il y avait deux moments extraordinaires lorsqu'on portait un corset ; lorsqu'on le serrait et lorsqu'on le retirait ! Le vêtement la libéra mais laissa sur sa peau les traces de ses armatures telle une peinture. Elle le regarda encore en grimaçant. Pourvu que la costumière parvienne à rattraper tout ça... La jeune femme adorait cette tenue c'était sans doute sa préférée du show. Une fois libérée, elle le fit glisser sur elle et allait le déposer sur sa table à maquillage vide, lorsqu'elle se sentit agrippée et poussée contre le mur qu'elle rencontra si fort qu'elle en eu le souffle coupé.
- Qu'est-ce que tu fais ? - Je me change ! répondit-elle le cœur battant.
Qu'est-ce qu'il foutait là lui ?!
- Hors de question ! J'ai dit que je te voulais en tenue de scène Riley.
Elle durcit son regard, haineuse et le repoussa violemment pour aller sous la douche. Mais Hoffendaur ne la laissa pas partir si facilement. Il n'était pas homme à qui l'on disait non et fondit sur elle, la coinçant une fois de plus. Riley se retourna dans un sursaut et devint livide face à l'expression du regard du Magistrat. Elle la connaissait cette expression... Elle savait ce qu'elle voulait dire... Elle ne chercha pas à analyser d'avantage et se mit à se débattre telle une possédée !
- NON !
Le magistrat la bâillonna de sa grosse main moite et se pressa contre elle.
- C'est bien la première fois que je ne te sens pas inerte contre moi Riley. C'est plutôt plaisant... Je vois que tu as mis mes boucles d'oreilles...
Il l'embrassa sous son lobe, y déposant son haleine avinée et elle manqua exploser de rage autant que de répulsion, se mettant à se contorsionner de plus bel ! Sale connard ! Elle essaya de le frapper, de le mordre mais il avait plus de force qu'il n'y paraissait et elle dut réprimer un sanglot lorsqu'elle sentit son genou venir s'immiscer entre ses cuisses afin qu'il y prenne place.
- Vous serez mis dehors ! - J'ai payé ! Et vu ce que j'ai payé j'ai bien droit de t'avoir à moi un peu plus longtemps ! Tu crois que je t'ai pas vu avec Dinckel ? T'espérais te le mettre dans ton lit à ma place à cause de sa belle gueule ? T'es à moi ! - Je suis pas à vous ! - On va voir ça.
Il l'entrava plus fort lui arracha une plainte douloureuse et le sinistre bruit de la boucle de ceinture qu'il défaisait vint torturer ses oreilles. Haletante, Riley gémit malgré elle de détresse et crispa ses doigts contre ce corps qui l'emprisonnait de son poids autant que des ses assauts écœurants. Elle sentait ses barrières faiblir et se craqueler. Ses larmes affluer à ses yeux, elle qui ne pleurait pourtant jamais. Elle avait cessé depuis longtemps après être arrivée ici... Pleurer n'avait jamais soignée aucune de ses plaies ni apaisé aucune de ses douleurs... Pas plus qu'arrangé les choses pour elle. Mais là c'était plus fort qu'elle. Il touchait à une chose que personne n'avait encore jamais approché ! Il la touchait elle. La vraie elle... Elle aurait pu se laisser faire. Elle aurait pu faire comme à chaque fois et rester inerte le temps que ça se termine bien que sans la drogue pour l'y aidait c'était plus compliqué, mais elle en était incapable ! Il avait Lorna entre ses bras là tout de suite et non Riley... Il l'avait comme il la souhaitait mais comme elle se refusait ! Pourtant aussi excité fut-il par cette nouvelle expérience de ne pas avoir un corps sans vie et un regard vide face à lui, il perdit vite patience face au fait de se faire repousser et se fit plus violent. Riley gémit encore et réprima un sanglot, commençant à être dépassée. Elle pouvait tout supporter mais pas ça ! Il n'avait pas le droit de lui prendre ça, ce qu'elle était en costume de scène, c'était tout ce qu'elle avait !
Et c'était ce qu'il voulait. Lorsqu'il força en elle, elle serra ses cuisses à s'en briser les os pour l'en empêcher, criant à loisir contre la paume de sa main qui étouffait ses suppliques.
Avec la drogue, le temps se distorsionnait et Riley parvenait à s'échapper dans les méandres de son esprit anesthésié. Elle parvenait à quitter la prison de son corps pour voleter dans un entre deux perdu être rêve et réalité. Si elle avait du répondre à la question de ce que ça lui faisait que de prendre des produits dopants alors qu'un homme la prenait elle, elle aurait sans doute répondu qu'elle ne sentait qu'un point distant peser sur elle alors que le client la ravageait des ses assauts, qu'ils furent tendres ou beaucoup plus brutaux. Les formes étaient floues, les couleurs plus éclatantes et il y avait cette sensation de pouvoir flotter alors que quelque chose pesant sur elle l'en empêchait. Elle avait vaguement conscience des caresses et des baisers qu'on lui imposait. Vaguement conscience qu'on la manipulait d'une position à une autre. Elle était telle Alice tombant au fond du terrier, sombrant tout en étant portée, observant une réalité biaisée. Le plus dur, c'était plutôt au matin lorsque les effets de la drogue étaient dissous et que son corps lui racontait la nuit qu'elle venait de passer... Elle n'avait pas besoin de voir son reflet dans un miroir pour découvrir ce qu'on lui avait fait. Les marques sur son corps qu'on avait trop serré ou trop adoré, elle pouvait les camoufler derrière son maquillage. Non le pire pour elle était de sentir le fantôme du tracé des mains sur sa peau. De ressentir où des doigts s'étaient refermés sur elle parce que leur force la piquait encore... Le souvenir d'une morsure sur son derme dont pas une trace ne demeurait mais que pourtant elle était capable de situer... L'odeur qui la couvrait...
Mais là avec Hoffendaur, Riley n'était pas vaporeuse ! Elle n'était pas à moitié assommée afin de mieux se préserver. Elle était douloureusement consciente de tout ce qu'il était en train de vouloir lui faire ! Lui prendre ! Et lorsqu'il y parvint, elle eut la sensation de se briser littéralement en mille morceaux dans sa trop rude étreinte. Elle n'eut même pas la force de crier, accusant le choc de cette sensation de tomber en elle-même lorsqu'il la poignarda de sa virilité... Elle crispa ses doigts sur la veste de son agresseur et attendit juste qu'il finisse comme elle le faisait à chaque fois. De toute façon c'était trop tard... A l'instant où il avait réussi à forcer son passage en elle il avait brisé sa volonté à lutter. A quoi bon désormais...? Pourquoi se défendre ? Pour sauver quoi ? Il avait réussi à débusquer Lorna jusque là si bien cachée et à l'assassiner... Elle n'avait plus rien à protéger... Choquée et totalement désespérée, Riley se fit poupée de chiffon entre les bras du magistrat, son regard aussi mort qu'elle l'était désormais. Elle perdit notion de tout et ne réalisa même pas lorsqu'il la lâcha et la laissa enfin. Elle n'entendit pas sa voix pas plus que ses pas qui s'éloignaient. Elle resta figée contre ce mur si froid qui lui sembla d'un coup être son linceul et agrippa le robinet dans un geste mécanique qui ouvrit la pluie d'eau sur elle. La pluie de la douche la ramena lentement à la réalité et au bout de plusieurs minutes elle remua enfin, clignant des yeux pour réaliser où elle était et ce qui venait de se passer. Avec toute la force dont elle était capable, Riley se retint de pleurer et se releva dans la douche pour s'envelopper de ses bras alors que l'eau la lavait... Dans un geste de rage elle arracha les boucles d'oreille que ce sale enfoiré de magistrat lui avait offert et les balança à l'autre bout de la pièce avant de presser ses mains contre son visage. Elle ne pleurerait pas ! Elle ne lui donnerait pas ça en plus ! Elle voulait croire que les perles salines étaient bravement restreintes mais même si quelques unes lui échappèrent, elles se confondirent avec l'eau de la douche et lui permirent de se leurrer... Elle avait besoin de ce mensonge pour ne pas totalement s'effondrer. Ce n'était rien... ne cessait-elle de se répéter. Tu l'as déjà vécu. Cette fois était juste plus... consciente. Elle devait se raccrocher à cette pensée. A n'importe quoi. A ce qu'elle pouvait ou elle disparaîtrait... Enveloppée dans une serviette bien trop blanche pour ce qu'elle était, elle retourna s'asseoir face à son miroir et reconstruisit son masque à l'aide de son maquillage. Elle camoufla ses fêlures et musela sa détresse. Elle recouvrit sa douleur et l'enferma sous les couleurs. Ses gestes étaient ceux d'une automate mais lorsqu'elle eut terminé, elle était à nouveau Riley. Ses grands yeux verts avaient perdu le peu d'éclat qu'il leur restait mais son visage lui était ce qu'on attendait de la vedette du cabaret. Lisse, frais, captivant, parfait. Si on avait retourné le velours de son masque on y aurait pourtant vu toutes les craquelures...
La jeune femme fila ensuite débusquer une nouvelle tenue qu'elle passa et inspira profondément afin de se rebâtir une contenance avant de retourner dans la fausse aux lions. Elle savait qu'elle n'avait pas le choix. Son patron ne tolérerait pas qu'elle lui fasse faux bond pour le restant de la soirée. De toute façon, tout était bientôt terminé. Il ne restait pas longtemps avant que le salon VIP ne ferme ses portes et alors tout le monde partirait. Mais alors elle se retrouverait à nouveau avec Hoffendaur et ça, c'était au dessus des ses forces ! Est-ce qu'elle pouvait dire à son boss ce qui s'était passé ? Il ne compatirait pas. Il serait juste furieux que le Magistrat ait désobéi aux règles, lui ferait une remontrance puis la collerait malgré tout dans ses bras pour la nuit monnayant compensation. Rien que l'idée qu'il la touche à nouveau lui glaça le sang. Elle allait devoir trouver autre chose. N'importe quoi pour lui échapper, au moins pour ce soir...
Lorsqu'elle regagna le salon, les hommes étaient plus ou moins tous vautrés dans les canapés dans des états plus ou moins léthargiques à fumer et à boire les fonds de bouteilles. Riley prenait sur elle pour cacher à quel point ses jambes tremblaient. Elle se détourna lorsqu'elle aperçu son agresseur discuter et rire à gorge déployée avec certaines de ses collègues comme si rien ne s'était passé. Elle serra ses poings afin de se contenir du mieux qu'elle le put mais fut surprise de découvrir Garrett toujours là, lui aussi installé dans un des divans. L'idée germa immédiatement. Elle la regretterait sûrement ensuite mais là tout de suite elle lui apparut comme sa seule salvation possible. L'heure tournait et elle si elle devait faire quelque chose, c'était tout de suite. Les premiers clients commençaient déjà à partir et l'attention de Hoffendaur qui avait remarqué son retour ne la quittait plus. Riley l'ignora et marcha vers Garrett en faisant de son mieux pour ne pas montrer à quel point elle était bouleversée. Elle avait beau être forte et avoir traversé et survécu à plus de choses que certaines personnes n'en endureraient jamais en l'espace d'une vie entière, elle restait jeune et tout ça commençait à faire beaucoup pour elle à porter. A croire que la vie la maudissait et faisait tout pour l'en dégoûter...
- Je peux vous parler ?
Arrête Riley ! Mauvaise idée ! Tourne les talons ! se disait-elle quand pourtant son attitude contredisait ses réflexions. Elle l’entraîna à peine plus loin, juste assez pour que les autres n'entendent pas leur échange puis jeta un regard à son patron qui la surveillait lui aussi. Il devait sans doute se dire qu'elle était toujours en train d'essayer d'amener le juge Dinckel dans son affaire, ce qui semblait le satisfaire.
- Si je vous demande de faire quelque chose pour moi vous le feriez...?
Il était encore temps d'arrêter ! De prétendre une folie passagère - ce que c'était - et de se taire ! Elle le pouvait encore ! Elle essayait de trouver toutes les excuses possibles pour le faire d'ailleurs. Il la connaissait à peine, pourquoi voudrait-il faire une chose pareille pour elle ? Une chose avec aussi peu de sens ? Mais ses lèvres refusaient de rester scellées...
- Donnez moi un chèque... que je le donne à mon patron. Le plus gros que vous pouvez ? Je ne peux pas vous dire pourquoi là tout de suite mais je... elle regarda Hoffendaur qui commençait à s'agiter de la voir discuter à nouveau avec le juge. S'il vous plait.
Elle l'implora de son regard clair de façon bien plus probante qu'elle ne l'aurait voulu, n'ayant jamais paru plus son jeune âge qu'à cet instant. Elle n'avait pas d'arrière pensée elle ne comptait pas mettre le juge dans son lit à la place du magistrat. Elle voulait juste qu'il achète son temps... Si le chèque était assez conséquent son patron la laisserait être avec Garrett plutôt qu'avec son violeur et après le lui avoir remit, elle pourrait entraîner le juge avec elle dans un lieu plus privé encore où il n'y aurait plus qu'elle et lui. Si tout se passait comme elle l'espérait, elle ne lui dirait rien de ce qu'elle était réellement et il ne saurait rien de ce dans quoi il s'impliquait involontairement mais au moins cette nuit elle serait avec un homme dont elle désirait la compagnie et qui pour la première fois depuis longtemps ne la regardait pas comme un bout de viande à dépecer...
Dernière édition par Lorna von Rosen le Sam 31 Oct 2020 - 21:17, édité 1 fois
Riley avait passé bien plus de temps livrée à elle-même dans la rue et les familles d'accueil ne se souciant pas d'elle que choyée dans un véritable foyer. Ce qu'elle avait été forcée de vivre et ce dès son plus jeune âge, lui avait apprit à être maligne afin de pouvoir s'en sortir. Observatrice, sondeuse, elle avait tiré les enseignements nécessaires de son quotidien afin de mieux s'y fondre et le traverser, ce qui lui avait parmi de faire face quand la vie semblait lui dire chaque jour qu'elle ne voulait pas d'elle. Qu'elle n'était pas faite pour être aimée. Ça avait été sa routine dès sa naissance. La jolie hannovrienne ne connaissait rien des plaisirs et bonheurs de son monde. Personne ne les lui avait montré. Au mieux elle avait connu la sérénité à Paris le temps qu'elle y était restée. Là bas elle avait effleuré l'épanouissement du bout de ses doigts et commencé à goûter à la sensation d'appartenir enfin à un endroit, de s'y sentir bien, mais son patron l'en avait arraché en l'appâtant. Elle aurait du se méfier... Elle avait voulu se méfier. Pourtant, attirée par son rêve qu'il lui proposait sur un plateau d'argent elle ne l'avait pas fait assez. Elle avait voulu y croire. Et elle avait signé... Elle aurait du savoir pourtant. Non, elle savait ! Elle savait comment étaient les gens. Jamais rien n'était gratuit. Jamais rien n'était offert. Jamais rien n'était altruiste. Ca n'existait pas... Elle avait apprit ça des gens toutes sa vie... Elle aurait du s'y tenir. Son boss ne lui avait pas inspiré confiance mais elle avait vu le document au semblant très officiel qu'il lui avait présenté. Les lettres d'or en haut du contrat... Incapable de lire, elle avait cru en la beauté des alinéas et des calligraphies si professionnelles.
Chaque évènement de sa vie, du jour où on l'avait arraché à ses parents biologiques au jour où on l'avait amené ici, n'avaient fait que l'enseigner pour mieux s'adapter et survivre dans son environnement. Le cabaret ne faisait pas exception. Si elle s'était bien sûr d'abord battue et révoltée contre ce qu'on avait voulu faire d'elle ici, elle n'avait finalement pas eu d'autre choix que de s'y plier. Riley avait appris à dealer avec les clients de l'établissement. A savoir quoi dire selon le profil devant elle. Elle était devenue maîtresse dans l'art du mensonge et des apparences. C'était nécessaire. Son masque était lissé et parfait chaque jour malgré les innombrables fêlures qu'il comptait. Sous le marbre attrayant de son maquillage, le velours était éraflé et déchiré mais jamais elle ne montrait cette façade d'elle. Elle ne le pouvait pas.
Mais là avec ce qui venait de se passer, pour la première fois la jeune femme perdait ses moyens. La panique et le traumatisme qu'elle tentait de son mieux de dissimuler la rendait irrationnelle. Jamais elle n'aurait parlé ainsi à Garrett en temps normal. Jamais elle n'aurait osé lui demander ça ni même pris le risque de le mettre dans cette position, surtout après la façon dont il l'avait traité. Il avait été... gentil avec elle. C'était un homme bien et elle avait tout de suite voulu le laisser en dehors de tout ça. Sinon pourquoi l'aurait-elle encouragé à partir dès que possible...? Elle n'aurait pas pris le risque non plus pour elle d'ailleurs car elle risquait gros à faire ça... Si son patron venait à se rendre compte qu'elle mettait son petit business fort lucratif à risque elle ne donnait pas cher de sa peau. C'était de la folie et une énorme erreur que de demander de l'argent de la sorte à Garrett mais Riley était tétanisée à l'idée de se retrouver à nouveau seule avec le magistrat cette nuit. Elle ne pouvait pas c'était au dessus de ses forces ! Même sous drogues ! Rien que de sentir son regard sur elle et elle se sentait se liquéfier sur place. Son corps tout entier se révulsait et tremblait. Le juge était prévenant et doux. Il était l'un des premiers depuis longtemps à ne pas la regarder tel un bout de viande et à avoir une actuelle vraie conversation avec elle. A se soucier un minimum de son bien être. A la regarder dans les yeux... Riley n'était plus habituée à ça et à présent elle y cherchait son refuge.
Elle déglutit lorsqu'il écarquilla son regard, visiblement plus que pris de court par sa requête qui sonnait d'avantage comme une supplique dans l'intensité de ses grands yeux verts. Mais lorsqu'il se mit à froncer ses sourcils, Riley se tendit et jeta une œillade craintive vers son patron. Pourvu que le juge n'explose pas ! Pourvu qu'il la laisse au moins s'expliquer ! Fébrile, la jeune femme tenta de se justifier et entrouvrit ses lèvres tremblantes mais Garrett ne lui laissa pas le temps de formuler ses mots :
- J'espère que vous vous moquer de moi. - Je... Non je..., tenta-t-elle de s'expliquer. - Pourquoi je vous donnerais de l'argent ?
Riley avait la sensation qu'elle allait vomir son palpitant tant il cognait en elle. Sa cage thoracique s'étriquait à mesure que l'homme de Droit parlait et elle chercha une nouvelle fois où se trouvait son boss. Il les regardait. Est-ce qu'il avait entendu ? Pourvu que non !
- Vous essayez d'arnaquer vos clients ? - Non !
Bon sang il faisait le tour du bar ! Non ! Non non non ! Riley blêmit et accrocha ses doigts à la manche de Garrett à s'en briser les phalanges. C'était comme être dans une pièce où chaque mur se resserrait autour d'elle. Son boss s'approchait. Le Magistrat la regardait. Une bouffé de chaleur étouffante l'envahit et lui fit perdre toute retenue. Submergée, elle ouvrit la porte dérobée près d'eux et poussa Garrett derrière avant de la refermer. Son boss comprendrait le message et à lui de gérer Hoffendaur ! Quant à l'argent eh bien... tant pis... Elle préférait se prendre une raclé plus tard que de devoir subir encore une fois les mains de l'autre porc sur son corps ! Problème réglé ! Enfin si le juge restait avec elle et ne ressortait pas en trombe de là où elle l'avait attiré. Ses deux mains toujours plaquées sur son torse après l'avoir poussé, Riley tremblait. C'était n'importe quoi ! Elle faisait n'importe quoi et il ne devait rien comprendre à ce qui se passait ! Elle ne pouvait pas le blâmer d'être en colère ou de ne pas apprécier ce qui était en train de se passer mais c'était plus fort qu'elle !
- Je veux pas vous arnaquer et je veux pas votre argent pour moi c'est juste que...
Elle ne devait pas lui dire ! Elle ne pouvait rien lui dire ! Mais comment le faire rester autrement ? Comment le pousser à l'aider ? Elle ne voulait rien d'autre de lui que ce moment de sécurité et de répit ! Elle n'avait jamais demandé la protection de personne dans sa vie et ne savait pas vraiment comment gérer ça. Tout ce qu'elle savait c'était que si il la laissait livrée au Magistrat cette nuit elle ne s'en remettrait pas. Elle disparaîtrait dans un état dont elle ne ressortirait probablement jamais... Elle perdrait le peu qu'il lui restait d'elle...
- S'il vous plait restez juste avec moi ! Je ne veux pas aller avec lui ! S'il vous plait ! S'il vous plait !
Riley sentait encore la poigne de son agresseur sur elle. Sa peau en étant encore marquée à quelques endroits et apparents sous son maquillage hâtif.
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