Trust dies but mistrust blossoms ♦ ft Annabella

"- Hey ! Tu suces ?"

La situation ne pouvait pas être pire s'était-il dit sur le coup alors que trois homophobes l'avait abordé pour lui en faire baver, il allait juste passer un sale quart d'heure. C'était tout. Les gars roulaient des mécaniques, prêts à le frapper. Mais avant comme toujours, il avait droit à un flot d'insultes. Et même s'il avait voulu fuir, un quatrième l'avait pris par derrière, le chopant au niveau du cou. Il était coincé. Ce n'était pas rare que ça arrive. Il était connu maintenant comme étant gay. Il n'avait pas fait de coming out mais les homophobes savaient repérer leurs proies pour venir se défouler. Parfois, Emmerich se demandait si certains n'essayaient juste pas refouler quelque chose en agissant comme ça. Mais souvent il comprenait que c'était des cons qui s'étaient laissés lessiver le cerveau par des préceptes dépassés.

"- Allez fais pas ta mijaurée !"

Emmerich les foudroyait du regard, visiblement pas prêt à obéir à leurs ordres. De toute façon aucun ne souhaitait en arriver là. C'était des paroles en l'air juste pour le rabaisser. Pourtant ils étaient bien le genre d'hommes à apprécier qu'une femme s'occupe d'eux. Et qu'est-ce que ça pouvait leur faire ce que le blond faisait avec ses partenaires ? Il les forçait pas à regarder ! Mais non, les gars s'acharnaient et maintenant que la partie des insultes étaient finies, ils se jetèrent sur lui. Si au début, Emmerich résistait, il finissait souvent par se laisser faire, histoire de les pousser à se lasser. Taper une proie qui ne réagit pas, c'est pas drôle.

"- Hey ! Mais attendez ! C'est pas lui qui traîne avec l'autre bonasse ?", S'exclama un des homophobes qui calma ses potes un instant. Sur le coup, Emmerich ne capta pas ce qu'ils avaient en tête. Il venait de se prendre un méchant coup de genou dans le ventre et sa lèvre était en sang. Mais en voyant l'un se mettre à le fouiller en le tapotant au niveau de ses poches, les pièces du puzzle se mirent enfin en place. Ils essayaient de récupérer son portable pour piquer le numéro de la jeune fille qu'ils appelaient "bonasse" ! Emmerich ne pouvait pas les laisser faire ! Hors de question de mêler son amie à cette histoire, encore plus si l'amie en question était Gabi. Elle ne méritait pas que des connards pareils viennent la harceler !

Une fraction de seconde plus tard, Emmerich donnait un violent coup de coude à celui qui était le plus près, réussissant à repousser celui qui le fouillait par la peur de se faire frapper à son tour. Il détestait se faire toucher de la sorte -la sensation mettait du temps à disparaître- mais à cet instant c'était pour son amie qu'il agissait plus que pour lui. Il ne supportait vraiment pas qu'on touche aux personnes qu'il aimait alors cette fois, le blond décida de se défendre. À un contre quatre ce fut difficile. Il était dépassé mais ça l'empêcha pas de mettre un bon coup de pied dans la figure d'un de ses assaillants. Il n'avait pas eu besoin de sauter pour ça, juste de lever la jambe, en utilisant celui qui le tenait pour ne pas perdre l'équilibre.

"- On file les gars !", S'exclama brusquement l'un des homophobes en prenant ses jambes à son cou, suivi d'un autre. Emmerich ne laissa pas celui qui le retenait réagir puisqu'il le força à reculer jusqu'à ce qu'ils rencontrent un mur, profitant de l'effet de surprise pour agir. Et un deuxième d'assommer -en comptant celui qui se tenait le nez entre les mains après le coup de pied ! Mais son soulagement fut de courte durée lorsqu'un police l'attrapa et le plaqua contre le mur. Il n'était pas seul puisque ses deux adversaires furent maîtrisés aussi. Le blond jeta un coup d'oeil vers la voiture de police garée au bout de la ruelle. Une vieille dame donnait des indications au dernier policier en les pointant du doigt. Super ! Elle les avait appelés. Maintenant Emmerich allait se retrouver au commissariat ! Comme si sa journée ne pouvait pas être pire !

"- Non mais c'est lui qui nous a attaqué monsieur l'agent ! On faisait que se défendre !"

Ah ben si ! Comme les policiers le connaissaient déjà, ils allaient forcément croire ces citoyens lambda qui n'avaient pas eu affaire à la police contrairement à lui. Et puis c'était sa parole contre la leur, il était encore en minorité. C'était foutu. Il allait en prendre pour son grade. Donc perdu pour perdu, il se laissa embarquer dans la voiture de police jusqu'à la station où il se retrouva menotté à une chaise dans un couloir. Les agents essayaient de lui parler mais il se contentait de regarder dans le vide et d'attendre que le temps passe. Il pourrait dire ce qu'il voulait personne ne le croirait ici. Il n'y avait qu'à entendre le ton de reproche des agents qui lui parlaient actuellement. Il avait mal partout et une lèvre en sang mais c'était pas grave. Il avait troublé l'ordre du quartier et avait blessé de pauvres citoyens alors c'était sa faute... Quelle bonne blague.

Coincé sur sa chaise, il devait attendre que le lieutenant ait fini d'interroger les deux autres. C'était toujours comme ça. Il passait après les connards qui s'en prenaient à lui donc forcément sa version des faits n'avait plus aucune valeur aux yeux des agents. Et puis bon, comme tout le monde le détestait ici parce que son casier se faisait effacer par sa grand soeur, ils le prenaient tous pour un gosse de riche qui aimait foutre la merde, il n'avait aucune chance de se faire entendre. Heureusement il était majeur, il n'avait pas besoin d'appeler sa mère pour venir le chercher. Il n'avait pas de père donc forcément, il avait toujours été coincé avec elle, même si parfois il faisait appeler son aînée. Il se sentait largement plus à l'aise avec Angelika.

Perdu dans ses pensées, il émergea que lorsqu'il entendit une jeune femme disputer un des agents qui l'avait menotté. Elle était nouvelle. Il ne l'avait jamais vu auparavant. Mais même si son visage ne lui disait rien, il n'avait guère l'espoir d'être mieux traité ou écouté qu'avec les autres. Certes, elle lui retiré les menottes mais rien n'était gagné. Il avait tellement connu de déception qu'il refusait de se laisser avoir par le moindre petit espoir.

"- Ils ne t'ont pas raté on dirait bien. Tu as mal quelque part d'autre ?", Demanda-t-elle en le libérant enfin. Il se massa le poignet par réflexe avant d'hausser les épaules. Il avait mal partout mais à quoi bon le dire. Ce n'était pas nouveau, ça lui arrivait souvent. Même si avec l'intervention de Max pendant les vacances d'été l'avait aidé à calmer les ardeurs de certains de ses attaquants.

Attrapant le flacon et le mouchoir, Emmerich suivit la jeune femme dans son bureau. Il prit place comme elle le lui disait et il s'occupa vite fait de sa lèvre avec ce qu'elle lui avait donné. Il n'esquissa même pas une grimace, étant bien trop habitué à la douleur. Il avait connu bien pire. Ces quatre idiots étaient des novices. Ils avaient voulu jouer les gros durs mais ils avaient fui à l'arrivée de la police. En plus, niveau coups, ils savaient pas frapper. La preuve ? Emmerich avait fait bien plus de dégâts dans leur groupe avec bien moins de coups.

"- Emmerich Hohendorf", Lança-t-il en reposant le coton. Il avait été tenté de dire que le reste des informations se trouvait dans la base de données. Mais s'il faisait ça, il allait indiquer l'adresse de sa mère. Or il n'habitait plus là-bas depuis un petit moment maintenant. Il précisa donc qu'il avait 23 ans avant de donner l'adresse de son pote chez qui il squattait. Il était tout juste en train de se chercher son appartement donc il n'avait pas encore d'adresse à lui.

"- Ma version des faits ?"

Habitué aux agents qui lui répétaient les faits pour qu'il les accepte, il fut pris au dépourvu lorsqu'on lui demanda sa version à lui. Il pouvait s'exprimer, c'était une bonne chose, mais il savait que ça ne changerait rien à sa situation. Et puis avait-il vraiment envie d'avouer la raison de leur attaque ? Il avait encore du mal à l'assumer publiquement à cause des regards, des insultes et des attaques. Cette pensée le rendit un peu nerveux et cela se sentit puisqu'il replaça sa capuche sur sa tête, comme pour se protéger du monde extérieur. Il ne le faisait plus aussi souvent qu'avant mais ce tic ne l'avait jamais quitté.

"- J'allais chez un pote et quatre mecs me sont tombés dessus. Ma tête leur revient pas. J'étais parti sur l'idée que j'allais les laisser se défouler comme ça ce serait plus rapide. Mais ils ont voulu prendre mon portable alors je me suis défendu. Et là vos mecs me sont tombés dessus. Et maintenant je suis là."

La jeune femme ne laissa pas échapper le changement d'adresse. En entendant sa question, Emmerich soupira et s'enfonça un peu plus dans la chaise. Elle n'était pas confortable mais ce n'était pas pire que d'être menotté à un siège du couloir à la vue de tous les agents et citoyens présents. Il était mieux ici -sans aucun doute, pourtant ça ne lui donnait pas plus envie de parler et de se confier à son vis-à-vis.

"- Je me suis barré de chez moi", Finit-il par dire, "Je squatte chez un pote."

Il était majeur, il avait le droit de ne plus dépendre de sa famille. La dernière chose qu'il souhaitait c'était de voir sa mère se retrouver mêler à ça. Elle lui avait bien fait comprendre qu'elle ne voulait pas l'écouter tant qu'il ne serait pas le fils modèle dont elle rêve alors s'il se faisait remarquer en se retrouvant au poste, il était bon pour perdre des points. Même si à cet instant, il n'avait aucune envie d'être bien vu par sa mère. Il lui en voulait vraiment. Elle osait le faire passer pour le mauvais fils et réclamer qu'il se montre fiable pour pouvoir lui pardonner son passé, alors qu'elle-même n'avait pas été une bonne mère. Mais elle refusait de le voir ! Elle ne lui présenterait jamais d'excuses. Et cette réalité lui faisait mal, plus qu'il ne voulait l'admettre.

"- Je vois que tu es connu de nos services. Tu as un bon palmarès à ton actif. Connu depuis tes dix-sept ans. Je remarque que tu t'es calmé pendant un moment. Jusqu'à aujourd'hui."

Emmerich se mordit la lèvre pour éviter de faire une remarque sarcastique. Il savait que ça n'aiderait pas son cas. Malheureusement quoi qu'il dise, il était toujours le mauvais élément dans l'histoire. Il avait donc pris la mauvaise habitude de ne plus faire d'efforts. Si personne ne voulait l'écouter à quoi bon se fatiguer ? Sauf que depuis quelque temps, le blond essayait de se reprendre en main donc il essayait d'être différent, de ne plus agir comme les autres le voulaient.

En silence, Emmerich laissa la jeune femme parler. Il se contenta d'un simple hochement d'épaule lorsqu'elle lui demanda si ce n'était pas la première fois que ça arrivait. Des homophobes lui tombaient régulièrement dessus. Par contre, c'était la première fois qu'il croisait la route de ces hommes. De toute façon même s'il avait voulu être plus précis, le téléphone de la jeune femme sonna les coupant dans leur discussion -enfin si on pouvait vraiment qualifier ça de conversation vu la mauvaise volonté qu'Emmerich y mettait !

Lorsqu'elle raccrocha, Emmerich s'était penché en avant, le coude sur la table et la tête posée dans le creux de sa main. Il donnait vraiment l'impression qu'il n'avait pas envie d'être là, comme s'il s'en fichait. Mais au fond, ça le saoulait vraiment. Il ne pouvait pas profiter d'une vie normale. Il avait droit aux insultes, aux regards dégoûtés et aux violences, n'était-ce pas déjà suffisant ? Oh non ! Il devait faire face à une mère qui n'était pas du tout à l'aise avec sa sexualité et qui ne le comprenait pas, sans parler qu'il était en train de galérer pour trouver ce qu'il aimait faire de sa vie. Heureusement qu'il avait des amis pour le soutenir !

Muet comme une carpe, il poussa un long soupir lorsque la jeune femme essaya encore une fois de lui tendre la main. Était-elle comme Mr Tillinghast ? Comme Max ? Ou était-elle aussi hypocrite que les autres adultes ? C'était le bon moment de le savoir.

"- J'aime les hommes. Voilà leur problème ! Et non je ne les ai jamais vus ! Mais comme les autres connards qui viennent s'en prendre à moi, ils ont juste eu à me voir en compagnie d'un autre homme pour savoir ce que je suis !"

Ça sortait du fond du coeur mais il ne s'arrêta pas en si bon chemin.

"- Alors oui je suis connu des services mais bon parce que j'ai foutu le feu à un terrain de foot au lycée, pour faire peur à un type qui s'en prenait à moi et mon copain, ben je deviens soudainement un menteur quand j'essaye de me défendre. À cause d'un mauvais choix, je suis catalogué à vie !"

Il n'avait pas été sanctionné pour le feu mais pour avoir dégradé un bien du lycée. Il avait maîtrisé les flammes et tout ce que les gens avaient vu c'était les lettres gravées sur l'herbe du terrain le lendemain. Pourquoi Emmerich s'était fait prendre ? Parce qu'il avait dit à son bourreau -uniquement pour lui faire peur- qu'il brûlerait autre chose si l'autre continuait. Klaus, l'homophobe, avait vendu la mèche -sans expliquer la raison de l'attaque du blond, mais il l'avait finalement laissé tranquille. Jusqu'à la fac. Emmerich avait eu le malheur de le recroiser et ce dernier avait repris ses attaques. Heureusement Max l'avait aidé à calmer la bande en faisant peur au chef. Mais ça c'était une autre histoire !