Tu perdais le nord Romane, tout simplement. Quelques semaines plus tôt, tu avais cédé. Pour la première fois en 30 ans, quelque chose s’était brisé en toi et tu n’arrivais pas à le reconstruire. Tu avais pourtant essayé de rattraper chacun des morceaux de ta vie pour les recoller ensemble. Ça fonctionnait quelques jours et après tu avais l’impression que tout se brisait de nouveau. Alors tu recommençais. Tu prenais ta colle mentale et tu recollais tes morceaux. Tu n’arrivais pas à comprendre pourquoi aujourd’hui tout éclatait. Tu avais toujours très bien vécu avec
ça. Pourquoi ça changeait si soudainement ? Pourquoi tu prenais ce tournant dans ta vie ? Ça n’avait aucun sens pour toi, ni même pour tes proches. Même si tu essayais d’enfiler ton masque chaque jour, tu n’y arrivais plus comme avant. Tu soulevais des questions et tes réponses floues ne suffisaient plus. Tu le voyais dans le regard de tes proches.
Ce soir-là, tu étais seule. Patrick était sorti comme ça lui arrivait parfois de le faire et… la vie aurait dû continuer normalement. Tu aurais dû t’installer devant ta télévision et continuer ton projet actuel au crochet. Pourtant, la télévision ne s’était jamais allumée. Tu n’avais pas eu envie. Ton regard s’était arrêté sur la bouteille de vin blanc que vous aviez acheté pour vos invités du week-end prochain. C’était bien la première fois que ton regard louchait sur un alcool. Tu perdais le nord Romane. Tu n’étais pas une grande buveuse, au contraire, tu te contentais d’un unique verre lors d’événement important. Alors tu ne pus expliquer pourquoi ta main avait attrapé cette bouteille, pourquoi ton autre main avait récupéré l’ouvre-bouteille et pourquoi tes lèvres s’étaient déposées sur le goulot de la bouteille. Mon dieu… Combien de fois avais-tu réprimandé ton fils d’avoir osé voir directement à la bouteille ? Tu détestais ce comportement que tu étais en train de reproduire. Une gorgée, deux, trois… Tu t’étais trainée jusqu’à ton salon où tu t’étais assise directement au sol. Olive vint prendre place sur tes cuisses et tu la caressais d’une main tandis que l’autre s’occupait toujours de cette bouteille qui se vidait au fur et à mesure. Et tu ne supportais pas l’alcool Romane. La moitié d’une bouteille, c’était beaucoup pour toi, alors le trois-quart ? Le sol avait commencé à tourner et tu étais contente de te trouver au sol. Sol sur lequel tu finis par t’allonger. Tu avais lâché la bouteille pratiquement vide et tu fixais le plafond en écoutant la musique que tu ne te souvenais même pas d’avoir mise. Un éclat de rire t’échappa. Tu ne sus même pas pourquoi, mais il te fit du bien. Ce son soudain fit réagir Olive qui bondit sur ton ventre pour remonter jusqu’à ton visage que le chien lécha.
« Arrête. Lâche-moi. » soufflas-tu avant de rire de plus belle sous l’envie de jouer soudaine de ton animal. Tu la repoussais avec tes mains, mais elle revenait à l’assault ce qui te faisait rire de plus belle. Ton rire s’arrêta lorsque tu entendis un bruit provenant de l’entrée et que quelques minutes plus tard ton regard se posa sur une silhouette que tu connaissais par cœur. Ton regard s’illuminait d’un coup et tu tendis les mains vers cette personne.
« Mon amour !! Tu es rentré ! » T’exclamas-tu sans chercher à te relever. Il fallait croire que malgré ton état d’esprit loin de l’optimiste, tu avais un alcool-joyeux. Tant mieux, non ?
« Tu m’as trop, trop, trop manqué. » Un nouveau rire t’échappa avant que tu n’attrapes ton chihuahua pour le tendre vers Patrick.
« Olive veut te dire bonjoooour ! » Tu avais chanté ton dernier mot.
@Patrick Hardt