Ralphidy ♔ From the day I started crawling, I was on my way to find you

Est-ce qu'elle comptait vraiment faire ça encore longtemps ? Est-ce qu'elle comptait vraiment venir dans ce parc -immense- se perdre à loisir dans l'espoir d'enfin retrouver le guitariste qu'elle avait écouté jouer il y a de ça quelques temps ? Il semblerait que oui, bien que ses tentatives de le retrouver se soient montrées infructueuses jusqu'à aujourd'hui. Elle passe dans le parc régulièrement dans l'espoir de l'entendre jouer de nouveau mais rien n'y fait. Le jeune homme a comme déserté les lieux. Aujourd'hui ne devrait pas être différent des autres jours, alors qu'elle regarde le lourd portail ouvert sur le parc. Peut-être qu'elle devrait seulement se faire une raison. Accepter que leur rencontre ait été unique, qu'il était peut-être seulement de passage en ville et reparti, depuis, bien loin du Stadtpark. Mais elle n'y arrive pas. Si elle avait osé lui demander son nom la dernière fois, voire un réseau social, elle n'en serait pas là, aussi. Mais, évidemment, elle avait eut peur qu'il refuse de le lui donner. Peur d'un non. Alors, elle ne l'avait pas demandé. Elle avait fuit après l'avoir écouté un moment, assise sur son banc, sans le reconnaître, alors même qu'ils avaient pourtant fréquenté le même lycée, qu'elle l'avait vu de loin, à l'époque. Qu'elle avait même été dans la classe de son père. Mais le lycée, c'est loin. Plus de dix ans, pour elle.

Elle pousse un soupir en entrant dans le parc, l'étuis de son violon au bout du bras. Aujourd'hui, comme elle n'a pas de représentation, comme elle n'a rien de prévu du tout, elle a prévu de rester un moment dans ce parc. Qui sait, elle sera peut-être plus chanceuse que pour ses précédents essais... Comme si ça pourrait changer quelque chose, ceci dit. Comme si, cette fois, elle trouverait le courage d'aller lui parler. Cette simple idée lui arrache un rire sans joie. Plus une moquerie, à vrai dire. Elle se connait. Elle sait qu'elle n'ira pas. Elle sait qu'elle paniquera. Qu'elle se contentera de l'écouter et de disparaître, comme la dernière fois. Elle ferme les yeux, prend une inspiration. Elle est vraiment pathétique. C'est pas nouveau.

Une heure qu'elle tourne en rond, sans succès, dans le parc. Cass se laisse tomber sur un banc en soupirant. Il ne sert à rien de continuer, même si elle n'a pas parcourut les 148 hectares du parc. C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Et elle déteste ça. Ne pas avoir le contrôle d'une situation, être soumise aux imprévus, aux aléas, c'est quelque chose qu'elle déteste. Quelque chose à quoi elle n'arrive pas à s'adapter.

Elle pousse un soupir. C'est raté pour aujourd'hui. C'est peut-être raté pour toujours. Pourquoi n'a-t-elle pas été foutue de l'aborder la dernière fois ? Ce n'est pas comme si elle devait lui dire qu'il lui plaisait ou quelque chose comme ça, non. La seule chose qu'elle avait à faire c'était de lui parler, et d'au moins demander son nom, un contact sur les réseaux sociaux... Rien de fou. Il jouait de la guitare et elle l'avait écouté un moment, appréciant ce qu'elle entendait. Elle aurait pu demander. Elle aurait pu, mais elle ne l'avait pas fait. Évidemment. Elle n'en avait pas eu le courage. L'anxiété avait fait son oeuvre, comme toujours. L'angoisse, celle de la honte, celle de se faire recaler... Et maintenant, elle était stupidement dans un parc à essayer de retrouver un musicien qui n'y remettrait peut-être jamais les pieds. Très intelligent. Vraiment très intelligent. Elle pousse un soupir.

Une voix se fait entendre, essayant d'attirer son attention et elle relève la tête, s'arrêtant net. Le type à la guitare. Ce n'est pas possible. Elle reste interloquée tandis qu'il lui parle, la bouche grande ouverte. Arrêt de toutes ses fonctions réflectives. Il est vraiment là ? Non ce n'est pas possible. Elle déglutit. Bon sang. Elle hallucine, c'est sûr. Comment peut-elle l'avoir cherché sans le trouver pendant tout ce temps, pour que finalement il apparaisse devant elle comme ça ? Ce n'est pas possible. Elle rêve. Elle pince son bras aussi discrètement que possible, le regardant toujours. Il est toujours là. Elle déglutit de nouveau.

"- T'es... Le.. " elle se fou une claque mentale. "La guitare. Tu... Tu jouais de la guitare. Ici." parvient-elle à dire finalement.

Mon dieu. Elle doit avoir l'air stupide. Parfaitement stupide. Mais elle ne s'attendait tellement pas à le voir devant elle là, d'un coup. Il la prend par surprise. Depuis la première fois, elle a pensé à le revoir. À l'entendre de nouveau. Jamais elle n'a réfléchit à ce qu'elle dirait. Elle déglutit.

Quelle imbécile ! Elle est en train de lui faire peur, avec son comportement, quand elle tient enfin une chance de lui parler et de demander ses réseaux sociaux, histoire de pouvoir l'écouter, encore et encore. Peut-être que sur le net, il diffusait certaines pistes de ses musiques, de ses interprétations ? Elle avait une chance de le savoir et de pouvoir l'écouter à sa guise, mais il fallait qu'elle fasse tout capoter en lui donnant envie de prendre ses jambes à son cou. Il devait la prendre pour une folle, vraiment. Plus encore quand elle parle de sa guitare, parce qu'il semble surprit, les yeux écarquillés. Oh bon sang, est-ce qu'elle peut faire pire que ça ? Elle ne le pense pas. Elle se couvre de ridicule, voilà ce qui se passe. Sa jambe commence à trembloter légèrement.

Il confirme qu'il vient de temps en temps par ici. Elle hoche la tête. Elle sait. Enfin, elle sait... Elle sait surtout qu'elle l'a croisé une fois dans ce même parc en train de jouer et que, depuis, sa mélodie n'a pas vraiment quitté ses pensées. Enfin, si, mais pas suffisamment pour qu'elle l'oublie complètement. Pas complètement pour ne plus y penser, pour ne pas s'efforcer à le chercher et essayer de le retrouver. Mais ça, elle ne peut pas lui dire. Elle ne peut pas, parce que ce n'est pas son genre de trop s'ouvrir sur ce qu'elle ressent ou tout ce qui est lié à... tout ça

"- Oui je... Je sais." elle souffle. "Je t'ai entendu, il y a... quelques semaines."

En fait, elle sait exactement combien de temps ça fait qu'elle ne l'a pas vu. Combien de semaines se sont écoulées depuis cette dernière fois, qui était aussi la première. Mais, parce qu'elle ne veut pas lui faire peur, elle évitera de le lui dire. Elle évitera de le lui faire savoir. Ce n'est vraiment pas une bonne idée.

Il pouffe et elle oublie de respirer, pendant deux ou trois secondes. Il se gratte la tempe, se justifie, confirmant ne pas être venu depuis un moment. Des choses à faire. Elle voit. Enfin, elle ne voit pas réellement quoi, bien sûr, mais... Elle voit. Ce sont des choses qui arrivent à tout le monde. Il n'a pas à se sentir coupable pour autant. Pourquoi le mouvement de sa main sur sa tempe lui fait pourtant croire que c'est le cas ? Parce qu'elle est gênante, voilà pourquoi ! Parce qu'elle est partie du mauvais pied avec lui, en le faisant flipper directement. Bon sang.

Son sourire lui donne l'impression de vaciller et elle s'offre une nouvelle claque mentale. Bon sang, il est mignon ouai. C'est pas vraiment ce qui a retenu son attention la première fois, alors qu'elle s'est surtout perdue dans sa musique mais... Elle se gratte le coude de la même manière que lui sa tempe et se décale un peu sur le banc pour lui faire de la place, même s'il n'en manque déjà pas, comme il propose de s'asseoir et de lui jouer quelque chose, si elle veut. Elle hoche la tête, avant de froncer les sourcils. Vous ? Qu'elle se sent vieille !

"- Tu ! Tu peux dire... tu." affirme-t-elle avec un sourire avant de tendre la main. "Cassidy. Enfin, tout le monde dit Cass."

Nouveau sourire.

"- Tu vas jouer quoi ?"

Enchanté Cassidy. Il prononce son prénom dans son intégralité, chacune des trois syllabes et, bon sang, il semble tout à coup à la demoiselle qu'elle porte le plus beau prénom du monde. Non pas qu'elle ne l'apprécie pas le reste du temps, elle doit bien avouer qu'elle apprécie ses sonorités, sa mélodie mais, dans sa bouche à lui... Dans sa bouche à lui il semble plus beau encore, plus mélodieux, comme nimbé d'une aura particulière. Et elle ne sait pas exactement comment il est capable de changer quelque chose d'aussi quelconque et habituel à ses yeux en quelque chose d'aussi beau et inédit. Elle n'est pas certaine toutefois qu'une réponse existe, si ce n'est qu'il est particulier. Spécial. Ce n'est pas une découverte, elle le sait depuis qu'elle l'a entendu jouer dans ce parc. A croire qu'il peut changer n'importe quoi en mélodie.

"- Enchanté, Ralph..."

Ralph, c'est donc son prénom. Un prénom court et finalement peu courant, bien qu'une célèbre maison de couture en soit dotée. Il est le premier Ralph qu'elle croise et elle doit admettre que ce prénom semble plutôt bien lui aller. Être plutôt bien à son image. Ou à l'image qu'elle a de lui, alors qu'elle le connait si peu.

Curieuse de savoir ce qu'il va jouer, elle opine de la tête quand il explique se laisser porter par ce qu'il voit, en général. S'inspirer de la vie qui passe, des lambdas à qui l'on imagine des vies... N'est-ce pas ce qu'elle a fait elle-même avec lui ? Une rougeur légère pare ses joues. Bien sûr que si, c'était ce qu'elle avait fait. He was in that park, with his blue eyes, with his guitar and when his fingers danced on the rope, time seemed to be suspended. Elle ne le lui dirait pas, bien sûr, mais... Elle comprenait parfaitement.

Elle le laisse se concentrer et, quand il commence à jouer, elle retient son souffle sans même s'en rendre compte, restant suspendue à ses notes, à la course de ses doigts sur les cordes. Si elle s'écoutait, elle sortirait presque son violon dont l'étui repose à ses pieds, mais pour rien au monde elle ne voudrait perturber sa prestation. Elle n'était pas capable, contrairement à lui, de s'exposer à jouer une composition personnelle, ou une inspiration soudaine.

"- C'est beau..." souffle-t-elle comme il tire les dernières notes, se mordant la lèvre en remerciant intérieurement la mèche de cheveux qui vient voiler à demi son profil. "Et tu..." Elle cherche son courage, tâtonne un peu. "Est-ce que tu as une page sur les réseaux ? Pour... écouter ce que tu fais ?"

Il joue bien, mais elle le savait déjà, elle l’a déjà entendu faire. Et son oreille musicale est suffisamment bonne pour reconnaître un bon son quand elle en entend un. Il faut dire qu’elle a fait le conservatoire, qu’elle a eu de bons professeurs, de bons camarades, aussi. Certains qui jouent désormais dans de grands orchestres. Qui font des concerts philharmoniques. Des pointures auxquelles elle n’arrive sûrement pas à la cheville mais dont elle sait qu’ils lui ont apporté beaucoup dans sa propre pratique.

Malheureusement, s’il a bien un instagram, il avoue ne pas vraiment partager ses musiques sur celui-ci, le dédiant surtout au travail, affirme-t-il, alors qu’il est assistant ingénieur son dans un studio d'enregistrement. Dans le domaine musical, finalement, même s’il ne joue pas vraiment de musique pour le travail. Il n’en reste pas moins un élément très important de l’univers musical. Sans ingé son, pas de disques, pas d’émissions, pas de concerts, non plus. Dommage, malgré tout. Elle aurait aimé pouvoir écouter d’autres de ses compositions. Ou, plus honnêtement, elle aurait aimé pouvoir le regarder jouer encore et encore.

Il lui tend son téléphone pour lui présenter la page en question et instinctivement, elle porte son regard sur le nom de celui-ci pour pouvoir aller le suivre, ensuite. S’il ne poste pas de compositions sur sa page, ça ne veut pas dire pour autant qu’elle n’est pas intéressée par l’idée d’avoir son contact, un moyen de ne plus avoir à le chercher désespérément dans le parc en attendant de l’y croiser de nouveau. Une seconde, elle pense à chercher son propre compte et s’y abonner, pour le retrouver facilement un peu plus tard, avant de se rétracter en songeant que ça ne se fait tout simplement pas. Alors elle lui rend son téléphone et prend le sien, le temps d’ouvrir instagram et le chercher lui pour s’abonner à sa page. Est-ce que ce n’est pas trop bizarre de s’abonner à un inconnu ? Il peut toujours penser qu’elle s’intéresse juste à ce qu’il fait, non ? Ou est-ce qu’il est trop évident, avec ce mouv, que c’est surtout lui qui l’intéresse ? Cette pensée fugace lui arrache un frisson de malaise mais, comme il vient de la questionner sur sa propre pratique de la musique, il lui offre une porte de sortie à ses pensées. Elle désigne son étui à violon à ses pieds.

"- Violon. J’ai été au conservatoire mais… Ce n’est pas mon métier, non plus."

Elle grimace. Elle n’ose pas lui dire ce que c’est son travail. Elle n’ose pas lui dire alors même qu’il s’en rendra compte assez vite, avec son following sur le réseau social. Mais… Elle ne sait pas. La peur, probablement, qu’il soit de ces gens qui trouveraient ça stupide, ou que ça n’est pas un vrai boulot.

Il se rapproche et elle oublie de respirer, une seconde, focalisée sur le mouvement de ses lèvres qui la questionnent alors qu’il cherche à comprendre pourquoi elle n’a pas fait de la musique son métier. A-t-elle cessé de jouer ? A-t-elle rencontré un problème qui l’a empêché de continuer ? Rien de tout ça, en réalité. C’est seulement que, comme pour lui, la musique est un loisir, un passe-temps. Une passion qu’elle préfère garder pour elle et pour l’anonymat des parcs où elle vient s’exercer. Il faut dire qu’elle n’est pas des plus à l’aise avec l’exposition. Enfin, elle manque surtout de confiance dans ce qu’elle produit, trouve toujours des défauts dans sa pratique. Être une sirène, c’est plus facile. Parce qu’elle porte un costume, qu’elle se met dans la peau d’un personnage, qu’elle n’est plus Cassidy mais Ariel.

"- Non, pas du tout, c’est seulement que je préfère jouer pour moi. Juste pour le plaisir."

Comme lui, en fin de compte. Elle préfère pouvoir jouer sans ressentir aucune pression, pouvoir jouer sans se poser milles questions. Pouvoir sortir les notes qui lui plaisent et produire les mélodies qui lui font du bien, qui apaisent son âme, sans chercher à plaire à d’autres. Si elle s’y employait, elle perdrait probablement de son goût pour la musique, gangrénée par la nécessité d’exceller comme par la pression qui en résulterait.

Mais forcément, comme elle fait savoir qu’elle n’est pas dans le domaine musical, le jeune homme souhaite savoir ce qu’elle fait de sa vie, alors, et la demoiselle se raidit un peu. Il y a des gens devant qui assumer ce qu’elle fait de son existence n’est pas un problème. Et puis il y a les autres, ceux qui considèrent que ce n’est pas un vrai travail, qu’elle s’amuse plus qu’autre chose. Ceux qui considèrent qu’elle doit trouver autre chose parce que “dans dix ou vingt ans, tu ne seras plus aussi joli, ce n’est pas viable.” Et ne connaissant pas Ralph, elle ne peut pas affirmer qu’il ne serait pas décontenancé par la nouvelle.

Il promet pourtant, presque immédiatement, comme s'il pouvait sentir sa réticence, ses peurs, ses craintes, qu’il ne jugera pas. Qu’il existe plein de métiers fabuleux que l’on ne connaît pas et qui ont leur utilité. Il désigne un jardinier qui passe à proximité, d’ailleurs, remarquant l’utilité indéniable de son travail, de ses responsabilités, alors même que certains se contenteraient de voir que c’est un poste “au bas de l’échelle”, au même titre qu’un éboueur ou un agent d’entretien. Lui ne voit rien de tout ça. Et son sourire, quand il reporte son attention sur elle, finit de la remuer alors qu’elle l’observe quelques secondes, déglutissant.

"- Je... suis sirène. Je fais des spectacles à l'aquarium..."

Est-ce qu’elle avait imaginé un instant que cet homme incroyable pourrait avoir une telle réaction ? Non, pas un instant. Pas une seconde. Elle n’avait pas pensé qu’il pourrait vraiment paraître si… excité ? Parce que c’est exactement l’énergie qu’il dégage et ça lui fait bizarre. Vraiment. Elle n’avait pas imaginé qu’il pourrait vraiment trouver ça génial. Parce qu’elle sait bien que ce n’est pas un métier comme un autre et que ce dernier, plutôt méconnu, soulève pas mal de questions pour certains, qui ne la prennent pas toujours au sérieux.

"- Oui"

Elle rougit un peu comme il parle, tapant même dans ses mains, presque plus excité que si elle avait dit être une magicienne. Ouai, elle fait le bonheur des enfants et ça demande, en plus, pas mal de performance, mais les intermittents du spectacle ne sont pas toujours bien considérés. Elle sait que sur les réseaux sociaux, certains lui demandent parfois de trouver un “vrai travail” comme si la performance artistique et technique n’était pas un travail. Bien sûr, elle est payée pour faire quelque chose qu’elle aime quand d’autres se lèvent la boule au ventre pour aller travailler. Mais ressentir un tel stress n’est pas une condition sine qua none au fait de travailler.

"- Non on ne voit rien sous l’eau. Les spectateurs pensent qu’on les voit, qu’on leur fait coucou mais… On fait coucou dans le vide. Enfin, on distingue la forme de la foule mais… c’est flou, on ne voit pas de visages en particulier."

Et quand elle performe dans les bassins salés, ce n’est même pas la peine d’y compter. Ce n’est pas ce qu’elle fait le plus souvent, mais ça arrive. Elle ne risque cependant pas d’y ouvrir les yeux. La peau et les cheveux n’apprécient pas forcément ça, mais alors les yeux… Elle n’essaie même pas, pour dire le vrai.

"- Peut-être, oui ! Je performe trois après-midi par semaine en temps normal, encore plus en période de vacances scolaires, oui. Jusqu’à 4 ou 5 spectacles par jour." explique-t-elle en ouvrant instagram pour montrer les photos qu’elle a dessus.

Il siffle, comme si les chiffres annoncés par la demoiselle l’impressionnaient, alors même que pour elle ça semble assez normal. C’est son rythme naturel en période de forte activité, mais ce n’est pas toute l’année. C’est seulement pendant les vacances scolaires, quand le flux de visiteurs est plus intense. Le rythme l’est forcément d’avantage, aussi. Mais en compensation, elle ne travaille pas sur de nouveaux spectacles à ce moment-là, et ça se vaut. Pas qu’elle ne soit pas fatiguée à la fin de la journée, après s’être déplacée dans l’eau avec une nageoire de plusieurs kilos sur les jambes, mais elle aime ce qu’elle fait. Et elle sait qu’elle a de la chance, aussi, de pouvoir vivre de son art, de ce travail qui la passionne. Alors elle ne se plaint pas le moins du monde. Tout le monde n’a pas la chance qui est la sienne. Certains se crèvent en plein soleil tous les étés, certains se ruinent le dos, les bras, avec des travaux plus que physiques, dans des métiers sous-payés qu’ils détestent. Elle ne peut pas cracher dans la soupe. pas alors qu’elle fait le métier dont elle rêve, celui qu’elle a été la première à choisir en Allemagne.

Elle donne le nom de sa page instagram et rapidement après, un follow et des likes commencent à arriver, l’homme affirmant que ce qu’elle fait est très beau, avant de poser des questions plus techniques sur tout ça, sur ses séances photos, sur l'entretien de la page, en quelque sorte.

"- Hé bien des fois ce sont des photos prises par les proches ou des shootings, mais la majeure partie du temps, ce sont juste des clichés et des rushs pris avec un trépied. Le montage prend un peu trop de temps et je ne suis pas très douée pour ça alors je me contente du minimum. Les vidéos aquatiques c’est par des pros. Avec du matériel normal ça ne donnerait rien et puis tout le monde n’a pas le matériel étanche adéquat pour ça."

Un jour elle pourrait peut-être espérer aller un peu plus loin, peut-être avec un pro en termes de plongée, pour frôler les profondeurs. Pour l’instant, elle se contente de frôler le sable à trois ou quatre mètres du rivage, guère plus. Mais ça rend déjà bien et c’est ce qui lui a permis de gagner en notoriété dans ce qu’elle fait. Une notoriété qui lui a permis au fil du temps d’investir de plus en plus dans les accessoires, les nageoires…

"- Quand j’ai commencé, j’ai créé mes premières nageoires toute seule. Je continue de le faire parfois mais maintenant, on m’en fait aussi, parfois. Et oui, disons que c’est… un investissement. Sans parler des couronnes et tout le reste mais… sans ça, le spectacle est moins grandiose. Une couronne peut tout changer pour les enfants, même si le plus important pour eux reste la nageoire."

Il semble s’arrêter sur un cliché et affirme qu’il était là ce jour-là. En tout cas, il a déjà vu ce costume là. C’est un de ses plus impressionnant, difficile de la louper. Il y a plein de LED dans la nageoire pour l’illuminer à un certain moment du spectacle.

"- Ah oui ? C’était une des nageoires les plus difficiles à faire. On s’y est mis avec des professionnels mais ça nous a pris des semaines pour passer du prototype à une version finale aboutie et fonctionnelle…"