DARWINI ☩ a little bit of sunshine

Tu soupires profondément. Si ce n'était pas pour Sahar, tu n'aurais pas perdu du temps à venir jusque là. Pour ta sœur, tu aurais traversé toute la ville sous la tempête s'il l'avait fallu, même si cela devait se résumer à lui acheter du pain ou lui faire de la soupe si elle était malade ou simplement pas en état de faire par elle-même. La quarantaine n'a pas fait de toi une personne raisonnable sur le côté maman et tu te retrouves bien souvent à materner ton entourage, malgré ton besoin d'indépendance, du moins cet apparence qui semble en avoir besoin plus que ton cœur, à vrai dire. Pourtant, quand sur ton téléphone tu vois qu'elle retarde l'échéance de son arrivée dans ce salon de thé, tu soupires un peu plus fort, te pinçant l'arrête du nez pour ne pas t'énerver. Tu l'aimes ta sœur. Plus que tout. Mais ce qu'elle peut t'agacer quand elle te donne un horaire qu'elle ne prend même pas la peine de respecter !

Tu t'assois, tu te prends un truc chaud à boire et tu profites, j'arrive.

Tu parles, oui ! Avec un regain d'espoir, quand tu entends la porte s'ouvrir, faisant sonner la clochette juste au dessus de celle-ci, tu lèves les yeux vers la personne qui entre, espérant y découvrir la petite brune avec sa grosse frange devant les yeux. Si ce n'est pas elle et que cette attente précise n'est pas remplie, lorsque tu croises son regard, tu réalises que ce n'est pas la première fois que tu t'y perds. Déjà croisé lors du fameux gala qui a eu lieu quelques jours, peut-être des semaines, auparavant. Avant même d'esquisser un sourire, tu décroches ton regard du sien pour laisser tes yeux fuir.

- Tu me le paieras, Sahar, que tu marmonnes quand son message t'annonce qu'elle ne viendra finalement pas, mais qu'elle t'a envoyé quelqu'un pour que tu ne te sois pas déplacée pour rien. Dans le fond, t'espères vraiment que c'est une vanne. Parce que tu la connais, ta cadette, et t'as bien peur de ce qui peut lui passer par la tête, parfois.

@Darren Ellington

Il y avait quelque chose qui clochait. Tu ne savais pas quoi, mais tu sentais que cette situation n’avait rien de normal. Tu sentais que tu t’étais fait embarqué dans quelque chose un petit peu contre gré et pourtant, tu avais décidé de jouer le jeu jusqu’au bout. Tu étais curieux. Tout avait commencé dans une soirée de charité. Il y avait cette brune avec qui tu avais beaucoup discuté. Sahar. Vous aviez passé une partie de la soirée à échanger sur tout et sur rien. Ça avait été un moment agréable qui s’était terminé par un échange de numéro de téléphone. Elle affirmait avoir quelque chose à te proposer et depuis ce jour, tu attendais de ses nouvelles. Enfin, il ne fallait pas croire non plus que tu attendais comme si ta vie en dépendait. Ça, il y avait longtemps que tu ne le faisais plus. Tu avais fait ton petit bout de chemin et aujourd’hui, les gens avaient plus besoin que toi que toi, tu pouvais avoir besoin d’eux. Le temps était passé depuis cette rencontre et tu fus presque étonné d’avoir des nouvelles quelques semaines plus tard. Tu avais fini par balayer cette possibilité de ta tête. Au point où tu t’es demandé si tu allais répondre à l’invitation soudaine que tu avais reçue. Sauf que tu étais curieux. Tu voulais savoir ce qu’on voulait te proposer. Tu restais très ouvert aux propositions même si tu en acceptais de moins en moins.

Tu avais un rendez-vous dans un petit café. Déjà, ça aurait dû te mettre la puce à l’oreille. On ne parlait pas de ce type de projet artistique dans un café. Il y avait trop de monde, trop de bruits et des oreilles indiscrète. Sauf que tu n’avais pas cherché plus loin et tu t’étais présenté à l’adresse pour finalement recevoir un message quelques instants après avoir pénétré dans la place que ton rendez-vous ne pouvait pas se présenter. Tu soupiras. Bruyamment et tu fus à deux doigts de tourner les talons pour partir lorsque ton regard croisé le sien. Encore. Tu aurais pu ne pas la reconnaître, votre « relation » se résumait à des dizaines de regards échangés lors de soirée commune. Sauf qu’une femme d’une beauté pareille, ça ne s’oubliait pas. Elle avait toujours su accrocher ton regard et aujourd’hui ne fit pas exception. Pourquoi partir ? Pourquoi ne pas profiter de cette occasion pour simplement lui demander son prénom et savoir ce qu’elle faisait dans la vie ? Tu t’étais imaginé des dizaines de trucs, c’était aujourd’hui que tu allais tout savoir. D’un pas décidé, tu avanças vers elle et tu lui souris. « J’ai l’impression que nous nous sommes faits poser un lapin tous les deux. Je me trompe ? » Oh si seulement tu savais Darren… Si tu avais compris que tu étais exactement où tu voulais qu’on soit et que tu parlais exactement à la personne à qui tu devais parler. « On s’est croisé en ville la semaine dernière, non ? Au gala ? » Il se retint d’ajouter que sa robe était incroyable, mais il l’avait bien remarqué. Elle était incroyable.

@Ashwini Sharma

Pas un instant en premier lieu tu t'imagines que c'est lui ce "quelqu'un". Pourtant, au fond de toi, tu ne peux pas t'empêcher de penser qu'il est typiquement là où Sahar n'est pas. Tu repenses vite fait à cette journée dans laquelle le gala a eu lieu, où elle ne s'est pas pointée, ne répondant à aucun appel ni aucun message, pas même te laissant une vue sur ceux-ci. Autrement dit le comportement de Sahar dernièrement aurait dû te mettre la puce à l'oreille, surtout quand il implique ce regard bleu océan dans lequel tu ne cesses de te perdre, même vaguement, tant il est hypnotique. Pourtant tu lâches son regard pour poser tes yeux sur le message et râler.

Il te faut quelques minutes pour comprendre. En fait, il faut qu'il s'approche. Presque flattée qu'il choisisse de te parler là où toi t'aurais certainement passé ton chemin comme une femme hautaine, tout ça juste pour cacher ton incompréhension, tu ne peux pas t'empêcher de sourire. Flattée on a dit ? N'abusons pas, amusée serait un terme plus correct.

- Non vous ne vous trompez p... Voilà, c'est à ce moment-là que tu commences à douter. La mention du gala, elle, te met pleinement sur la voie. J'ai fait venir quelqu'un pour me faire pardonner de ce lapin. C'étaient ses mots exacts, après tout. Ha ! Sahar et son amour pour les guet-apens. À croire que les stupides traditions de vos parents ne lui ont rien appris.

- Le gala... tu soupires. T'es prête à parier que son lapin c'est une petite brune, typée indienne, avec une grosse frange. Ça vous rappelle quelqu'un ? Toi oui. Pourtant t'es surtout grandement amusée du culot de ta sœur, si tu mises dans le mille. Tu t'adoucis sans perdre ton sourire et ton amusement. Mais oui, en effet. Je faisais partie des organisatrices avec Sahar, ma petite sœur. Autant la mentionner directement pour vérifier ta théorie, après tout.

Tu n’étais pas certain de comprendre ce qui se passait. La brunette à tes côtés sembla faire des liens dans sa tête que tu n’arrivais pas à suivre. Est-ce qu’il te manquait des informations ? Tu l’observais tandis qu’elle affirmait que tu te ne trompais pas, mais elle ne termina pas sa phrase. Elle semblait déjà en train de réfléchir. Elle mentionna le gala avant de soupirer. Tu vins à te demander si tu n’avais pas fait quelque chose de mal en l’abordant. Peut-être que tu aurais mieux fait de partir pour vaquer à tes occupations habituelles. Néanmoins, plus les secondes passent et plus elle semblait amusée par la situation. « Oh, c’était justement avec Sahar que j’avais rendez-vous, elle avait… » Ce fut à ton tour d’arrêter ta phrase pour partir en mode réflexion. Tu observas la femme devant toi et tu pris ton téléphone pour relire le dernier message de ton rendez-vous manqué. Tu soupiras à ton tour. « Je suppose qu’elle n’a rien à me proposer finalement. » Tu ris doucement. Il aurait été facile à cet instant précis de tourner les talons et rentrer chez toi, mais tu n’en fis rien. « Le gala était vraiment superbe. Félicitations pour votre organisation. Les autres ont de quoi vous enviez. » Aussi bien dévoiler le fond de ta pensée. Tu avais passé un bon moment ce soir-là et tu jugeais que c’était important que ceux qui soit derrière l’organisation soit au courant du succès.

Ton regard dévia vers la porte tandis que tu hésitais. Tu avais bien envie de rester, de faire connaissance avec cette femme qui savait attirer ton regard, mais d’un autre côté, tu n’étais pas certain d’apprécier les conditions autour de cette rencontre planifiée contre votre gré. Finalement, tu reportas ton attention vers la brune et tu lui souris. « Sahar ne m’a pas donné votre prénom. » Aussi bien vous présenter, non?

@Ashwini Sharma

Quand il te confirme ce que tu penses, tu lèves les yeux au ciel, sans pour autant perdre ton amusement. En d'autres circonstances, t'aurais appelé ta soeur pour l'incendier, mais étrangement tu n'es pas sûre que ce soit l'action à réaliser. En effet, pour ce faire encore faudrait-il mettre un terme à cette entrevue, et tu n'en as pas particulièrement envie, sans vraiment savoir pour quelle raison ni même te poser la question. Tu ricanes.

- Je ne sais pas pourquoi vous aviez rendez-vous, mais il semble que Sahar ait un goût très prononcé en ce qui concerne le fait de ne pas respecter ses engagements. Non, tu la connais ta soeur et tu sais bien qu'elle n'est pas comme ça, c'est plutôt la situation qui te fait dire ça. Bien entendu, tu lui en toucheras deux mots, mais t'es beaucoup trop obnubilée par ces yeux face à toi que par l'idée de remonter les bretelles une bonne fois pour toutes à ta soeur. Son sourire et son rire aussi te font l'effet d'une glace qui fond au soleil.

Tes joues rosissent légèrement. Le gala tu ne l'as pas organisé toute seule, c'est vrai, mais sans Rehana et Sahar à tes côtés pour son déroulé, t'as bien cru que tu ne t'en sortirais jamais. Et finalement, tu l'as fait. Donc ce compliment, tu le prends un peu à coeur, quand même. Heureusement pour lui, cependant, il n'était pas dans l'envers du décor. Un joyeux bordel dans lequel Astrid t'a vue t'arracher quelques cheveux.

- Merci beaucoup. Je ne sais pas si l'organisation a vraiment de quoi être félicitée, mais l'événement était une réussite, et j'en suis ravie, c'était un soulagement. Tu penches la tête sur le côté. Les autres ? Sur le coup, t'es pas sûre de qui est désigné ici. À ta connaissance, il n'y a pas d'autre association pour les droits des femmes dans le monde, à Hambourg, mais tu sais qu'il y a d'autres association qui militent pour les femmes, et notamment pour aider les femmes battues.

Tes lèvres s'étirent de nouveau en sourire. Touché. Mais comme toi, d'ailleurs. Parce que si tu avais su que ce rendez-vous avait des allures de rendez-vous arrangé, tu n'aurais pas mis un pied dans le coin de la journée.

- Ashwini. Je n'ai pas eu le loisir de savoir le vôtre non plus.

« À vrai dire, je ne sais pas non plus. Elle disait avoir une proposition professionnelle à me faire. J’espérais en savoir plus aujourd’hui. Ça vous dit quelque chose ? » Tu étais peut-être un peu naïf. Tu ne comprenais pas assez vite. Pouvait-on vraiment t’en vouloir ? Tu étais un homme qui avait besoin que les choses soient claires. Tu n’étais pas le meilleur avec les sous-entendus et les messages cachés. Tout comme tu n’étais pas le meilleur pour détecter le sarcasme ou certaines blagues. Tu pensais que ça venait du fait d’avoir été élevé loin de la population.

« Je n’imagine pas le travail de préparation derrière cet événement. Vous n’y aviez pas sacrifié trop de nuits blanches j’espère ? » Tu n’étais pas dans ce milieu. Tu ne pouvais pas imaginer une seule seconde la charge de travail derrière, mais tu étais curieux d’apprendre. « Les autres organisateurs d’événement à Hambourg. Peu importe où, peu importe la cause, ils devraient suivre votre exemple. » Tu lui souris. Tu en avais fait beaucoup des galas, des soirées caritatives et des événements. Certains n’étaient pas du tout à la hauteur. L’organisation n’avait rien à voir avec le gala de la semaine dernière.

Tu ne pouvais pas t’empêcher de l’observer. Est-ce que tu la regardais avec trop d’insistance ? Tu espérais ne pas la gêner. Ce n’était pas ton but, mais tu avais du mal à détourner les yeux. « Enchanté Ashwini. Votre prénom est très joli. Puis-je vous demander sa provenance ? » Tu ne l’avais jamais entendu avant et tu étais curieux. Tu ajoutas ensuite : « Je m’appelle Darren. » Tu lui tendis la main pour des présentations plus sérieuses, presque solennelle ce qui te fit sourire davantage. « Tant qu’à être ici, est-ce que je peux vous offrir quelque chose à boire ? » Pourquoi pas après tout. Pourquoi se déplacer pour rien ?

@Ashwini Sharma

Tiens, elle est pas bête sa question. Mais non, tu n'es pas au courant. Se pourrait-il que Sahar n'ait pas fait les choses que pour le guet-apens mais qu'elle ait bel et bien quelque chose a proposer à l'homme face à toi, professionnellement parlant ?

- Je suis navrée, elle ne m'en a pas parlé, je ne suis pas au courant. L'association demande davantage de bénévolat que ce qu'elle ne propose d'offres. Vous travaillez dans quoi ? Je saurais peut-être mieux vous informer ainsi Même si tu jurerais que c'est pas pour ça qu elle ll'a fait venir, ne sait-on jamais. Ta sœur ne peut pas n'être que vices et décadences (spoiler alert : elle l'est pas et tu exagères).

Tu ricanes

- Ah, vous essayez de me flatter ! Très réussi. Mais pour être honnête, sur cet événement en particulier, je n'ai aucun mérite. Mon rôle s'est tenu au fait de bien présenter et recevoir les invités, je n'ai pas eu le temps de participer à l'organisation, entre le travail et l'association..

Pendant que tu le dévisages, tu réalises à peine qu'il t'observe aussi. Jamais aucun homme ne t'a à ce point hypnotisée. Ou hypnotisée tout court d'ailleurs. Tu lui souris

- Moi qui pensais que nos origines étaient marqués sur nos visages - et dans ton accent qui est davantage français, étonnamment, quand tu parles allemand - , je suis surprise que vous demandiez. C'est indien. Tu saisis sa main dans trop rechigner, surprise toutefois de ce côté très formel. Enchantée, Darren. J'aime aussi beaucoup votre prénom. Pas que tu veuilles lui retourner le compliment, mais t'en as pas rencontré des milliers, des Darren. Plus courant pour toi de croiser des Arun, Karan, Ravi ou encore des Dev. Oh mais bien entendu, c'est gentil. Je vais prendre un chocolat chaud.

Peut-être qu’avec un peu de chance, la femme devant toi avec quelque chose à voir avec la proposition qu’on voulait te faire ? Ça t’arrangerait un peu. Tu aurais moins l’impression d’avoir perdu ton temps, même si techniquement, tu étais en train de le rentabiliser autrement. « Je suis agent artistique. Je considère mon équipe complète, mais je ne suis jamais fermé à rencontrer de nouveaux talents. Découvrir des artistes est une vraie passion. Est-ce vous l’artiste en devenir ? » Tu accompagnas ta question d’un demi-sourire. Pourquoi pas après tout ? Peut-être que Sahar avait décidé de te faire rencontrer directement un talent qu’elle connaissait ?

« C’est honorable de vouloir rendre à César ce qui appartient à César, mais… Il n’est pas là en ce moment. Vous pouvez vous permettre un peu de mérite. J’ai passé une très bonne soirée. » Ce n’était pas toujours simple d’accepter les compliments. Toi, tu avais appris à le partager avec les années. Tu en gardais une partie et tu rendais l’autre partie à tes talents. « Que faites-vous d’autre dans la vie ? » Elle t’avait parlé de l’association, celle-ci tu la connaissais, mais tu ne savais pas son travail exact et tu étais bien curieux de le découvrir.

Tu pinças légèrement les lèvres lorsqu’elle précisa qu’elle pensait que ses origines étaient écrites sur son visage. Sans doute, mais tu n’étais pas doué. Tu n’avais jamais pris le temps de réellement pousser ta culture générale et tu n’étais pas doué avec les origines, la géographie, l’histoire etc. « Je suis navré pour ma question. J’avoue que je ne suis pas doué, donc plutôt que de me tromper, je préfère demander. Comme cela, on commence sur des bonnes bases. » Tu préférais être honnête plutôt que de faire croire que tu avais deviné et que tu voulais la laisser se présenter elle-même. À un moment, ton manque de culture de ce côté risquait de se voir. Aussi bien en parler directement. « Parfait dans ce cas. Peut-être pourrions-nous échanger nos prénoms l’espace d’un moment. » Tu ris légèrement. Pourquoi pas après tout si chacun aimait le prénom de l’autre. « Je suis certain que Ashwini m’irait très bien, pas vous ? » Tu continuas de sourire alors que tu te dirigeas vers la caisse pour revenir un moment plus tard avec deux tasses de chocolat chaud. « Et voilà pour mademoiselle. Chocolat chaud avec un extra crème fouettée pour plus de plaisir et de réconfort. » Tu avais pris la même chose et tu profitas de cet instant pour t’installer à sa table. « Dites-moi Ashwini… Est-ce que vous êtes plus du genre… à préférer avoir l’impression d’avoir les pieds dans le sable à chaque pas ou avoir des pétales de rose qui tombe dès que vous marchez ?  » Ce style de questions qui arrivait de nulle part, ça te plaisait beaucoup. Ça surprenait.

@Ashwini Sharma

Tu ne peux pas t'empêcher de pencher la tête en l'entendant parler. Agent artistique ? Ça pourrait expliquer certaines choses et sans doute aussi enlever du côté démoniaque de ta sœur, après tout. Même si l'idée d'une Sahar démoniaque te fait assez fortement rire. Tu pouffes en tentative de protection mais rougis malgré tout.

- Non, je ne crois pas. À moins qu'être journaliste de divertissement nécessite cela. Tes envies de passer derrière la caméra, elles, pourraient le justifier. Mais tu n'es pas certaine qu'il faille un agent artistique pour cela.

De nouveau, tes joues prennent de la couleur. Ah, bon, bah... d'accord.

- Oh, mais tout de même. La gros du travail ne me revient pas. Cela dit, je suis ravie de savoir que vous avez passé une bonne soirée, ainsi je n'ai pas complètement été inutile. Même si après l'arrivée d'Astrid, tu n'as pas eu l'occasion de recroiser son regard ou même sa personne, d'ailleurs. Tu lui souris vite fait. À part faire quelques interviews et couvrir quelques événements médiatiques, il m'arrive de présenter quelques émissions télévisés. On m'avait proposé de participer à une chronique culturelle dans une émission, mais j'ai préféré me concentrer sur l'association. Tu soupires profondément, et tu te décides. Mais j'aimerais passer de l'autre côté de la caméra. Productrice ou directrice artistique. Voire même jouer les actrices quelques minutes, l'air de rien. Après tout, t'as bien été mannequin à un moment dans ta vie. Tu hausses les épaules. J'ignore si cela rentre dans ce que vous entendez par "artiste en devenir". Mais tu ne peux pas t'empêcher de penser que tu te sentirais moins prise au piège par le guet-apens de ta soeur si c'était le cas.

Tu lui souris gentiment.

- Oh non, je vous en prie. C'est même presque rafraîchissant de ne pas être face à quelqu'un qui nous pose des questions sur l'Inde ou l'Asie sans être sûr de là où l'on vient. Et au moins, vous ne m'avez pas parlé d'une ville connue d'Inde, comme Mumbay, pour me dire à quel point c'était bien lors de votre dernier voyage. Même si c'est de là que tu viens, rien ne dit que c'est le cas pour un inconnu. Alors, oui, t'es quand même assez soulagée qu'il n'y ait pas eu de raccourci. Vous avez très bien fait, confirmes-tu malgré tout, malgré l'étonnement qui s'est emparé de toi. Tu ris légèrement et acquiesces, sans répondre outre mesure.

Ton sourire s'agrandit face à l'annonce de la crème fouettée.

- Comment saviez-vous... ? Tu ne finis pas ta phrase. Ce n'est pas si peu commun non plus que de vouloir ce genre d'extra sur son chocolat chaud. La preuve, il a fait la même.

Tes yeux s'arrondissent devant sa question. Alors ça, c'est plutôt original ! Pourtant, tu reprends vite contenance et commences à réfléchir.

- Hmm... Je pense que je dirais les pieds dans le sable. Entre les océans et les mers que tu as croisés dans ta vie, oui, c'est sans nul doute le meilleur choix que tu puisses faire.

« Si vous chantez pendant vos entrevues, vous aurez peut-être besoin de moi. Sinon, j’en doute. » Tu lui souris. Donc, tu n’étais pas ici pour ça… Alors pourquoi ? Oh tant pis. Tu allais te poser des questions plus tard. Tu préférais profiter de ce moment et tu en profitas pour lancer des fleurs à ta nouvelle rencontre. Tu avais réellement apprécié sa soirée et tu voulais qu’elle le sache. Ça, même si ne semblait pas simple pour elle d’accepter le compliment. Peu importe, tu avais insisté pour qu’elle accepte d’être complimenté un minimum pour la soirée avant de t’informer sur ce qu’elle faisait dans la vie, en plus de l’association. Elle voulait devenir productrice ou directrice artistique. « Et qu’est-ce qui vous empêche de le faire ? Si vous avez envie de le faire, j’ai envie de vous dire de foncer. La vie est trop courte pour ne pas réaliser ses envies. » Tu avais l’impression que le temps défilait à un rythme fou et que la plupart des gens vivait davantage sur leurs acquis. « Je ne peux pas vous prendre sous mon aile, mais je peux vous laisser mon numéro et vous écrire à chaque mois pour m’assurer que votre projet avance. » Après tout, tu étais doué pour pousser les autres à réaliser leurs rêves, dans le cadre de ton travail peut-être, mais pourquoi pas dans un cadre plus amical ? Certes, il était tôt pour parler d’amitié, vous vous parliez pour la première fois, mais parfois, dans la vie, il fallait pousser les choses, non ?

Tu avais été honnête avec elle. Ta culture géographique n’était pas au maximum tout simplement, car tu ne prenais pas le temps de t’informer. Tu vivais ta vie à fond à l’heure pour t’attarder sur les livres. « Je suis déjà allé à Mumbay, mais dans le cadre d’une tournée. Je n’ai pas quitté la zone autour de la salle de concert. Même si je voulais vous en parler, je pourrai vous parler de la qualité sonore dans l’endroit, c’est tout. » Tu ris légèrement. Tu ne te prenais pas au sérieux et tu assumais totalement que tu n’étais pas doué. L'honnêteté était la clé non ? « Mais je serai très curieux de découvrir votre pays via vos yeux et vos paroles. » Ça serait plus simple comme cela, non ? Il aurait sa vision à elle, ça serait encore mieux que « les internets ».

Tu es content que ton choix de boisson semble lui plaire. Elle aurait pu détester la crème fouettée, tu avais pris une chance. « Je vais garder mes secrets. » Tu ris. Tu ne le savais pas, tu n’avais aucun secret, mais tu avais décidé de laisser planer une ombre de mystères. Le tout avant de poser une question complètement aléatoire, comme il t’arrivait souvent de le faire. « C’est un bon choix. Un petit peu moins compliqué à nettoyer que d’avoir des pétales de rose partout. » Bien que ça aurait été magnifique de la voir se déplacer entourée de fleurs.

@Ashwini Sharma

Tu pouffes à sa phrase.

- Moi, chanter ? Non, pas du tout. Mais j'en conviens, ça pourrait être fort amusant. Tu te retiens de mentionner le mannequinat. Ça ne vaut pas le coup, puis de toute façon, tu es passée de quelque chose d'assez régulier à plus que ponctuel, uniquement quand tu as besoin d'envoyer une plus grosse enveloppe pour tes parents.

Tu hausses les épaules. Ce qui t'empêche de le faire ? Tes parents, déjà. Ton association... Et et... davantage d'excuses qui ne te viennent absolument pas en tête à ce moment là. Captivée par son sourire, tu le lui rends.

- Je ne sais pas. Le talent, peut-être. Tu pouffes légèrement. Je n'ai pas dit que je ne réalisais pas mes rêves. Mais j'aimerais en découvrir plus. À vrai dire, tes rêves, tu sais pas ce qu'ils sont. Tu l'as jamais su, si ce n'est ce besoin oppressant de liberté que tu n'as obtenu qu'au décès de ton mari et qui ne se fait ressentir que récemment en toi. Enfin, pas complètement. Mais pouvoir aider, pouvoir contribuer à ce que ce qui t'es arrivé n'arrive plus jamais, ça ça t'aide à te sentir libre. Votre numéro ? Vous le proposez à toutes les personnes que vous ne pouvez pas aider ... ? Sourire taquin au coin des lèvres tu espères bêtement avoir une réponse négative. Pourtant, rien dans le langage corporel de l'homme face à toi ne semble signifier quoi que ce soit. Et puis t'as rien en tête non plus. Mais tu te dis que si Sahar a poussé le vice, alors...

Tu hoches la tête.

- C'est vrai que c'est bruyant, mais ce n'est pas toujours déplaisant, à vrai dire. Du moins quand on y est habitué et tu en as conscience. Vraiment ? Je ne suis pas sûre que vous ayez très envie d'avoir mon avis de femme indienne, occupée de s'occuper de la maison jusqu'à ce que son mari ne revienne le soir. Parce qu'en vérité, t'es plus amère qu'autre chose sur ton pays, maintenant que tu en as découvert d'autres. Mais j'imagine qu'il y a de la beauté même dans le pire des récits.

Tu pouffes de nouveau.

- Je vois, très bien. Pourquoi t'as peur que Sahar soit derrière tout ça alors que tu en es déjà convaincue ? Parce que ça briserait sans doute un peu le truc si c'était elle qui lui avait balancé les choses. Mais bon. Il a eu l'air aussi dépourvu que toi face aux manigances de ta soeur. Hmmm... tout dépend. L'eau a tendance à tout compliqué. Et il est plus facile d'enlever des pétales de rose de certains endroits que des grains de sable coincés dans des parties du corps qu'on ne préfère pas mentionner.

Est-ce que tu proposais ton numéro à toutes les personnes que tu ne pouvais pas aider ? Tu souris avant de secouer négativement la tête. « Seulement aux personnes que j’aurais voulu aidé sans le pouvoir. » Tu fis mime de réfléchir avant d’hausser les épaules. « Vous êtes la première personne avec qui je tente cette… expérience ? » Est-ce que tu étais en train de la flatter ? Peut-être indirectement, mais tu étais surtout très honnête. Tu n’avais jamais appris à mentir et c’est pour ça que tu ajoutas : « Je donne de moins en moins mon numéro. Il a trop circulé et j’ai été harcelé par des personnes qui pensaient que j’allais pouvoir changer leur vie. » Au début de ta carrière, tu avais dû te battre pour avoir des artistes sous ton aile. Aujourd’hui, c’était l’inverse, tu te battais pour qu’on te laisse tranquille. Au vue de ton succès dans les dernières années, beaucoup de personnes pensaient que tu allais pouvoir faire d’eux des vedettes. Talent ou sans talent.

La conversation qui dévia sur Mumbay devint un petit peu plus sombre. Au point de te faire pencher la tête sur le côté. Ton regard ne se détachait pas de celui de la jeune femme. Tu ne voyais pas son regard brillé lorsqu’elle parlait de son pays. Il y avait anguille sous roche. Et tu n’avais pas l’intention d’insister sur cette question, tu ne voulais pas la rendre mal à l’aise. « Bien. Dans ce cas, parlez-moi d’autre chose. Pourquoi pas de votre arrivée ici et de votre nouvelle vie ? » Au premier coup d’œil, elle semblait apprécier davantage cette nouvelle vie, non ? Sauf si tu te trompais complètement. Tu n’étais pas toujours le meilleur pour lire les gens, même lorsqu’ils étaient des livres ouverts.

Ensuite vint une question complètement aléatoire, comme tu aimais le faire. Si vous veniez à vous côtoyer, elle allait devoir s’habituer à ça. Ça t’amusait beaucoup. « J’ai l’impression que vous avez plus de mauvaises expériences que moi avec le sable. Je vais me contenter de vous faire confiance et d’opter, peut-être, pour les pétales de rose finalement. » Tu ris. Il n’était pas interdit de changer d’idée, non ? « À votre tour ! » Voilà, tu étais curieux de voir le genre de questions elle pouvait te poser. Moins les réponses avaient de lien ensemble et plus ça te plaisait.

@Ashwini Sharma

Tu lui souris, clairement flattée et, malgré tout, assez satisfaite de cet échange. Difficile de nier l'attraction de ces yeux bleus et de ce sourire quand tu les croises, alors la flatterie de sa provenance n'arrange pas les choses, sans forcément que tu n'échappes au déni.

- Hé bien, vous m'en voyez à la fois ravie et flattée. Tu n'es pas sûre d'être une personne à aider, mais quel qu'en soit le motif ou encore l'excuse sortie pour ce faire, le résultat ne te déplaît pas. Ton sourire s'atténue un peu sans pour autant disparaître. Je ne suis pas le genre à harceler d'appels ou de SMS, et je ne suis pas certaine que vous puissiez m'aider à votre niveau, je saurais en faire bon usage. Ashwini Sharma, en train de faire du rentre-dedans subtile, mais suffisamment évident ? Qui l'aurait cru ? Certainement pas toi, qui encore quelques jours avant, jurais à Astrid que tu espérais que Sahar te ficherait la paix. Pour le coup, tu ne peux pas vraiment nier que ta soeur a réussi à te tirer un sourire avec ses plans foireux.

Et en parlant de foireux, tes potentiels récits sur l'Inde, ce que ton interlocuteur semble avoir compris, n'insistant pas plus.

- J'ai tout quitté du jour au lendemain, et je suis partie en France. J'y ai rencontré ma meilleure amie, qui m'a aidée à reconstruire ma vie et je l'ai ensuite suivie ici, avec pour objectif d'aider celles dans le besoin à reconstruire la leur. Résumé rapide, qui omet le côté veuvage, ce qui n'est pas plus mal. Tu lui souris. Je suis très chanceuse d'avoir eu droit à ce nouveau départ, alors j'essaie d'en aider d'autres à trouver leur chance. C'est cruel, mais c'est ce que la mort de ton mari forcé t'a donné : chance et liberté.

Tu ris allègrement.

- Il faut toujours savoir où son ses limites. Les miennes arrivent en même temps que les démangeaisons en tout genre à cause du sable. Tu y réfléchis. Hmm... L'exercice est plutôt difficile. Préféreriez-vous vous avoir l'impression d'être toujours au milieu d'un brouhaha de gens ou être seul sur une île déserte de toute autre forme de vie ?

Il était difficile de mettre de mots réels sur ce qui se passait dans ce café, mais ce n’était pas pour te déplaire. Tu n’étais pas le meilleur pour déceler les sous-entendus, mais tu voyais très bien son sourire. Ce dernier ne te laissait pas du tout indifférent devenant le total centre de ton attention. Peu importe ce qui pouvait se passer autour de vous, tu n’en avais rien à faire. Plus rien n’avait d’importance. « Je n’en doute pas un instant et j’attends de vos nouvelles avec… grande impatience. » Tu lui adressas un demi-sourire presqu’emprunt à un certain sous-entendu. Est-ce tu pensais déjà à la suite ? Possiblement. Tu avais la sensation que cet instant ne serait pas l’unique que vous alliez partager.

Ce que tu avais appris par tes parents, c’était de ne jamais insister sur certains sujets de conversation. D’apprendre à te taire ou à changer de sujet au moment opportun. Tu avais conscience que tu avais vécu dans le mystère presque toute ta vie et tu avais appris à l’accepter, à ne plus poser de questions sur cette seconde vie que tu pensais avoir. Ce trait de caractère revint au galop dès que tu perçus le malaise chez Ashwini. Tu préféras la questionner sur sa nouvelle vie avec cette sensation que c’était une meilleure option pour elle. Tout de suite, tu la sentis plus ouverte, plus encline à te répondre. Attentivement, tu l’écoutas te parler de la France, de sa meilleure amie, de sa nouvelle vie et de son besoin d’aider les autres. « C’est tout à votre honneur. Ces personnes ont de la chance de croiser votre route. Et j’ai l’impression que d’une certaine façon, vous vous sentez chanceuse de croiser la leur, de pouvoir les guider dans une autre direction. » Tu ne la sentais pas seulement altruisme. C’était plus que cela. Tu avais cette impression qu’elle ne le faisait pas seulement pour les autres, mais qu’elle le faisait pour elle également. Ce qui rendait ses intentions encore plus louables.

Tu souris à sa remarque. Oui, c’était plutôt difficile, mais avec le temps, ça venait tout seul. Il ne fallait pas trop chercher à réfléchir. Il fallait seulement trouver deux choses qui n’avaient rien à voir ensemble et les mettre en compétition. Plus c’était à l’opposé et plus l’exercice était marrant. « J’ai déjà l’impression de vivre entouré de brouhaha. Avant aujourd’hui, j’aurais opté sans hésiter pour l’île déserte, mais totalement seul ? Ça serait dommage après avoir fait votre rencontre. Je vais continuer de vivre dans le brouhaha. » Ouais… C’était sans doute à refaire. Tu n’avais jamais été très doué pour le rentre-dedans, mais on ne pouvait pas te reprocher de ne pas essayer n’est-ce pas ? Cette femme était attrayante et tu n’avais pas envie de t’en passer.

@Ashwini Sharma

Toi, la femme incapable de se prêter à une quelconque proximité ambiguë avec un homme, voilà que ton coeur bat légèrement plus vite devant ses sourires. Mais non, cette analyse est forcément fausse : tu n'es pas dans cette optique là. Cela dit, il y a bien longtemps, si ce n'est toutefois pas la première fois, que tu n'as pas souri non stop face à un homme dans une conversation aussi intéressante. Le reste du temps, tes interlocuteurs se résument à l'association ou à tes collègues, les cadreurs sur le plateau de tournage, des gens avec qui tu te sens, pour la plupart, forcée d'interagir. Même que Sahar ait poussé le vice en organisant tout ça, tu ne te sens pas obligée de quoi que ce soit, et ça change, il faut le dire.

- Vous dites ça comme si cette conversation était terminée ; est-ce le cas ? T'espères silencieusement qu'il répondra par la négative et que malgré son numéro en ta possession il ne compte pas tourner les talons tout de suite ; sa posture ne semble pas indiquer un tel choix, mais on ne sait jamais après tout. Puis ça ne serait pas la première fois que tu te méprends non plus, même si cette fois-ci tu n'en as pas vraiment envie.

Parler de ta vie depuis ton départ d'Inde, c'était facile. Loin de Rajan et de son emprise sur toi, lui que tu avais finalement mis en terre au plus vite pour pouvoir t'enfuir, tu préfères mettre tout ça dans un coin sombre de ta mémoire, forcé à l'oubli à tout jamais. Un jour peut-être tu en reparleras. Mais pour l'instant, tu as la sensation qu'aider les autres c'est le mieux à faire, et pour aider les autres autant ne pas laisser la digue s'écrouler pour que l'océan te submerge : tu préfères encore compartimenter cette partie de ta vie jusqu'à ce qu'un jour tu sois prête à la laisser sortir. Tes lèvres s'étirent en un sourire.

- Je ne sais pas si elles ont la chance de me trouver sur leur route, mais j'aime penser que je fais tout pour leur rendre la vie plus simple. Tu marques une pause en y réfléchissant. Mais oui, je suis chanceuse d'avoir l'opportunité de tourner les choses favorablement pour elles, je crois. Tu sais que Darren a raison et marque un point essentiel : aider les autres c'est aussi le moyen pour toi de ne pas couler, véritable bouée de sauvetage dans la mer agitée, métaphore filée de ton passé.

À vrai dire, tu ne t'attendais pas à une telle réponse. Aussi ton visage tourne au rouge pivoine quasi instantanément et tu sens la chaleur brûlante qui s'accompagner venir réchauffer tes joues.

- Hmm, fais-tu en te raclant la gorge en espérant reprendre un brin de consistance, sans t'empêcher pour autant de sourire. Si l'idée est de flatter mon égo si fort que je ne puisse plus passer les portes à cause de ma tête et de mes chevilles enflées, c'est plutôt bien partie, sachez-le.

@Darren Ellington