Event #15 : A vos masques !

Dans les rues d'Altona et notamment dans le Volkspark, l'effervescence est à son comble ce samedi après-midi alors que les premiers fêtards rejoignent les lieux, tous parés de leurs plus beaux atours, de leurs plus belles tenues. Les enfants courent en riant les uns après les autres, tous costumés de la tête aux pieds. Les reines rencontres les valets, les corsaires croisent les matelots, les fantômes viennent faire peur aux clowns, et une multitude de petites reines des neiges s'égosillent au son d'une chanson que leurs parents auraient sans aucun doute préféré les voir oublier, sans succès.

L'humeur est à la fête alors que la journée est belle, que les températures sont douces et tous, petits et grands, adultes et adolescents, se retrouvent dans ce célèbre parc de l'arrondissement pour danser, rire et chanter en cette belle journée tout en dévorant quelques crêpes, bonbons et autre douceurs. La musique est bonne, l'ambiance festive, et tous ne demandent qu'à retenir le temps, profiter de ces instants, jusqu'à ce que ne soit brûlé le grand Caramentran qui attend patiemment son heure dans un coin du parc et qui sera brûlé sur la fin d'après-midi, lorsque tout ce petit monde en aura assez de danser, chanter, s'époumoner et parcourir les rues du quartier en une procession bruyante et colorée.

Evidemment, quand les enfants avaient appris qu'il y aurait un Carnaval à Hambourg cette année encore - comme s'il risquait de disparaître un jour - ils s'y étaient mit à deux pour tanner leur mère afin de pouvoir y aller, comme si Valentina pouvait avoir un jour l'intention de ne pas les y emmener. Comme si elle était capable de leur faire ça ou comme si elle pouvait fermer les yeux sur cet évènement des plus symboliques. Bien sûr que non. Et comme les enfants voulaient absolument s'y rendre, elle n'avait pas été bien difficile à convaincre, loin de là. Le plus difficile, ça avait été de trouver la tenue à porter pour l'occasion. Elle avait manqué d'idée pendant un moment, jusqu'à tomber sur une robe absolument magnifique, bicolore turquoise et bronze, qui lui avait finalement donné l'idée parfaite. Cette année, pour le carnaval, elle serait ainsi la statue de la liberté. Idée ambitieuse mais qui serait absolument parfaite. La robe commandée sans attendre, il avait seulement fallut, ensuite, trouver quelques accessoires. Elle avait cherché dans ses contacts pour dégotter le nécessaire et, finalement, avait trouvé les bijoux parfaits pour aller avec sa tenue. Le jour J, elle n'avait plus eut qu'à tout assemblé après avoir habillé les enfants, en princesse et pirate, évidemment. Puis ils avaient prit la direction du Volkspark en famille pour retrouver les animations sympathiques proposées par la ville pour l'occasion.

Manquer une occasion de faire la fête ? Jamais. Ce n'est pas dans les habitudes de Victoria, encore moins s'il est question d'un carnaval, parce qu'elle adore ça, même si elle a bien faillit rôtir il y a quatre ans, lorsque la fête de carnaval est devenue un immense brasier. Si elle a été quelque peu traumatisée par les flemmes par la suite, nécessitant d'ailleurs qu'elle aille voir un psychologue pour passer au-dessus de ça, son amour pour la fête n'a, lui, jamais été impacté par cet évènement tragique, traumatique. Et puis, au beau milieu d'un parc, à ciel ouvert, elle ne risque pas de voir d'aussi terribles évènements se reproduire.

Passant son boa autour de ses épaules, la demoiselle jette un regard à son miroir. Cette année, elle a opté pour un costume de diva des années passées, un petit côté Marilyn Monroe, Audrey Hepburn ou encore Elizabeth Taylor. Des icones de leur temps, qui continuent encore aujourd'hui d'inspirer la mode, les cinéastes, les vedettes.

Satisfaite de sa tenue poudrée, de son maquillage, comme de sa coiffure, elle quitte l'appartement qu'elle partage avec Adam pour rejoindre le Volkspark où se tiennent les festivités, jetant un regard à son téléphone au passage pour voir si les filles, ou Noah, a répondu au message qu'elle leur a envoyé ce matin, curieuse de savoir qui venait. N'ayant aucune réponse, elle songe qu'elle verra bien sur place et que, s'ils ne sont présents ni les uns ni les autres, ce n'est pas bien grave. Elle se fera des connaissances sur place. La sociabilité, ce n'est pas ce qui lui manque. D'ailleurs, à peine arrivée, elle n'hésite pas à se plonger dans les festivités. Hors de question de rester dans son coin en attendant que quelque chose se passe.

Lorsque ses élèves lui avaient posé la question, Adélaïd avair répondu que oui, elle serait belle et bien de la partie lors du carnaval organisé au volkspark ce samedi, si bien que, le jour venu, il lui est impossible de faire marche arrière. Même si en fin de compte elle a la flemme de sortir de chez elle, elle trouve finalement le courage d'enfiler sa tenue, de se préparer, pour ne pas décevoir ses petits protégés. Le lundi matin, s'ils ne l'avaient pas croisé au carnaval, ses chères petites têtes blondes pourraient lui en faire la remarque et elle voulait tout, sauf les décevoir. Elle se decide donc, malgré tout, à enfiler sa robe, blanche et rouge, représentant une rose, qu'elle est supposée incarnée.

Elle doit bien avouer qu'elle déteste cette robe. Enfin, non. C'est seulement qu'elle était très jolie sur le mannequin, qu'elle était très belle en vitrine, mais qu'évidemment, une fois sur elle, ce n'est pas la même chose. Se regardant dans son miroir, elle hésite encore, pense un instant à changer de tenue, à simplement y aller sans costume... Pourquoi pas après tout ? Mais là encore, ses élèves pourraient être déçus. Elle hésite.

Jetant un regard à sa montre, elle remarque qu'elle n'a plus vraiment le temps de se changer, de réfléchir, de changer d'idée. Elle va devoir y aller comme ça, même si elle se fait l'impression d'être un sac de patates. Enfin, à vrai dire, elle se fait toujours cette impression là, quoi qu'elle porte. Mais cette robe, qui n'est absolument pas dans ses habitudes, qui en dévoile beaucoup trop au niveau de son décolleté et qui souligne ses courbes comme elle le déteste, c'est encore pire. Difficile, aussi, très difficile. Et elle se demande encore comment elle a pu acheter un truc pareil, comment elle a pu penser un instant que ça lui irait.

Forcément, mal à l'aise, une fois sur place, elle prend un verre de sirop à l'eau et reste dans son coin, espérant que le moins de personnes possibles pourraiznt la voir, alors qu'elle aimerait simplement disparaître de la surface de la terre, sur le moment.

Quand elle avait entendu parler du carnaval, Erika n'avait pas spécialement prévu de s'y rendre. Mais elle était pourtant bel et bien là aujourd'hui, dans un costume noir, une combinaison en fait, très près du corps, soulignant toutes ses courbes. La veuve noire, tel était son costume. La raison de sa présence ici ? Un simple pari perdu. Un stupide pari. Il fallait maintenant qu'elle assume la situation jusqu'à la fin. Le pari incluait qu'elle reste ici au moins trois heures et comme elle venait d'arriver, elle allait avoir besoin de prendre son mal en patience. Bien sûr, la connaissance qui lui avait lancé le pari avait, lui, disparu dans la foule avec ses enfants et elle se retrouvait maintenant seule, donc, son verre à la main, scrutant la populace amassée dans le parc.

Il y a du monde, beaucoup de monde. Visiblement, le parc était devenu le lieu de rendez-vous de toutes les familles des environs. Elle qui ne voulait pas d'enfants, elle était servie. Il y en avait de partout, courant, criant, hurlant, chantant, tout autour. Ils étaient d'une exubérance folle qui lui rappelait en partie pourquoi elle-même n'en voulait pas. Bien sûr, ce n'était pas seulement question de ça, mais également de la dépendance qu'il y avait entre un homme et une femme une fois que les mots en couple étaient posés, mais la maternité ne l'avait jamais vraiment fait rêver. Et la vie avait voulu qu'il n'y ait pas d'enfant dans son entourage, pas même un rôle de tante à assumer. De toute façon, ce n'était pas comme si elle avait des nouvelles de son frère. Pas comme si ce dernier souhaitait lui en donner. Non, depuis que son père l'avait renié, son frère lui aussi faisait soigneusement le mort. Cependant, il n'avait pas d'enfant, sa grand-mère le lui avait dit. Donc, même si ses relations familiales n'avaient pas étés aussi désespérées que ce qu'elles sont, ça n'aurait pas changé la donne.

Comme un enfant passe devant elle et la bouscule, Erika a tout juste le temps de se rattraper à l'une des tables derrière elle, renversant au passage un verre sur celle-ci mais, fort heureusement, ni sur elle, ni sur la personne la plus proche.

"- Les enfants... Quelle énergie !" tente-t-elle toutefois de dire, gênée, pour meubler le silence.