Krim&Declan - Bonsoir ! Y'a quelqu'un ?

"Bonsoir ! Y'a quelqu'un?

La journée s’est plutôt pas mal déroulée. Après quelques heures à retravailler des photos prises quelques jours plus tôt, nous avons rencontré un couple qui voudrait des clichés pour immortaliser le plus beau jour de leur vie. C'est toujours très distrayant ce type de rendez-vous. Les couples sont rarement parfaitement d’accord sur ce qu'ils attendent de notre travail. Quand certains voudraient quelques photos un peu officielles, voire mises en scène pour avoir les photos de mariage les plus esthétiques possible, certains voudraient simplement les instants pris sur le vif, des moments authentiques. Et en général, rien qu’à voir le couple assis en face de moi je peux dire dans quelle direction chacun veut aller. En ce jour, nous recevions un couple des messieurs et très rapidement on a senti le désaccord entre eux. Il nous a fallu de très longues minutes de négociations, de propositions pour mettre tout le monde d’accord, mais le couple sort finalement combler et avec un item coché sur leur liste. Je ne comprends pas cet engouement pour un simple morceau de papier qui est censé lier deux personnes l’une à l’autre. Je ne comprends pas tout le tapage qu’une simple signature peut générer. Je ne conçois pas non plus qu’on se mette dans un état de stress inimaginable pour cet événement. L’idée même de se lier à une seule et même personne me semble déjà incongrue. Toutefois, je suis plus que ravie que tout le monde ne partage pas mon avis, car le cachet pour ce genre d’événement est toujours appréciable.
En chemin pour le Labo, le magasin pour lequel je travaille à mi-temps, je découvre que nous avons un nouveau voisin, une boulangerie spécialisée dans les pâtisseries allemandes. Je jette un œil à la vitrine joliment arrangée avec toutes ses couleurs et ses présentoirs et repère des Schneeflöckchen. Immédiatement, mon esprit pense à Nana qui adore ces pâtisseries. Sans hésiter, je rentre dans la boutique et j’en commande un plein sachet pour la grand-mère de mon meilleur ami. Quand la journée se termine, j’enfourche ma moto en direction de la maison Nielsen. Je connais ce chemin par cœur, je pourrais le faire les yeux fermés si je n’avais pas plus de mille cinq cents chevaux et presque trois cents kilos entre les jambes. Cette maison, je la connais depuis que j’ai dix ans, depuis que j’ai rencontré Declan. Je pense qu’il ne se passe pas un jour sans que l’on échange un message. Pas forcément des nouvelles, mais une vidéo, une photo, une bêtise… qui nous fait dire que ça plaira à l’autre. J’arrive devant la maison et mon sourire est déjà pleinement épanoui sur mon visage. Je gare mon engin dans l’allée derrière la voiture de Declan. Je prends à peine le temps de frapper quelques coups sur le panneau de la porte d’entrée que ma voix résonne dans l’entrée.

« Bonsoir ! je ferme la porte dans mon dos jetant un œil autour de moi. Il y a quelqu’un ? j’accroche ma veste au portemanteau de l’entrée. »

Avant que je puisse émettre un autre son, j’aperçois la maitresse des lieux assise dans le salon le nez plongé dans les mots croisés. Je me dirige vers elle et elle relève les yeux vers moi, m’accordant comme toujours un sourire chaleureux. Je pose un baiser sur sa joue et elle m’interroge sur tous les sujets qui intéresseraient une grand-mère vis-à-vis de sa petite fille. Tout en lui répondant avec gaité, je lui glisse discrètement le sachet en papier kraft contenant les mignardises tout en lui accordant un clin d’œil complice. Mon sac échoue sur un tabouret du salon avant que mes pieds me conduisent dans la direction que m’a indiquée Nana et l’odeur de plat cuisiné. Dans la cuisine, Declan est penché sur ce qu’il prépare.

« -Hey ! je lui pose une tape amicale sur l’épaule avant de piquer un morceau de légume. Ça va ? je m’approche d’une casserole et commence à mélanger la préparation. Quoi de neuf ? »

La cuillère continue de tourner dans le faitout, les ingrédients se combinent dansant les uns avec les autres. Mon index plonge dans le mélange avant de rejoindre mes lèvres avec gourmandise. C’est toujours délicieux, mais jamais assez assaisonné. Je tends le bras vers le pot de poivre non loin et en verse quelques pointes dans la mixture. Cette scène aux allures atypiques résonne pourtant pour moi d’une normalité apaisante. Je n’ai pas l’impression d’être une intruse ou de ne pas être à ma place. Je suis un peu chez moi dans cette cuisine, dans cette maison. Alors, il n’y a rien d’incongru ou d’inattendu à ce que j’aide ou à ce que je mette mon grain de sel.

Codage par Libella sur Graphiorum