le verre de trop ft. bard & kirsten

Dix-neuf heures trente.
Comme tous les soirs, les clients commencent à arriver à peu près à cette heure là. Ils sortent du boulot, viennent boire un verre tranquille avant de rentrer chez eux. Karl lui, n'a pas de vie à côté de son pub, alors il y passe le plus clair de son temps. Derrière son bar, un comptoir en bois vernis, il lave ses verres, range les bouteilles, essuies les pintes vides et passe un coup de chiffon sur le bois parfois humide de son comptoir. Il salue les clients qu'il connaît bien, salue les autres plus discrètement. La télévision est allumée sur le match de foot de l'équipe régionale, le volume est réglé de façon à ne pas déranger les conversations. Il passe sa musique en fond sonore, mais c'est assez vite recouvert par les discussions de ses clients. La p'tite employée n'est pas là ce soir, il gère donc son bar tout seul, ça ne le dérange pas. Il est pas forcément ultra rapide, après tout il n'est gérant que depuis plus d'un an, à peine. Il découvre le métier, il n'est pas spécialiste. Si y'en a qui ne sont pas contents, ils peuvent prendre la porte, c'est comme ça que ça se passe ici. Karl quitte son comptoir pour passer un coup sur quelques tables, pour ranger quelques chaises, tandis qu'il voit arriver un client qu'il a fini par connaître, depuis tout ce temps. Bard'. Un mec pas franchement méchant, même plutôt cool, sauf quand il picole trop. Là, il devient clairement con. A chaque fois ils finissent par se prendre le bec, mais à chaque fois ce mec fini par revenir dans son bar et Karl, lui, le sert toujours. Il s'avance vers lui, lui serre la main et tout en jetant son torchon sur son épaule en passant derrière son bar à nouveau, il lui demande « tu veux quoi c'soir ? »

Il est dix-neuf heure. Tu sors du travail. Enfin que tu te dis, parce que là, t'en as juste plein le cul. Pfff. T'es saoulé là Bardamu, ouais t'es saoulé alors que t'as même pas bu. Non t'as pas bu toi. Tu t'es pas fendu la poire non plus Bardamu. C'est même l'inverse tiens ! Tu t'es bouffé les chicots toute la sainte journée sur une merco que la mère Kohler elle t'as refilé. Alors t'en as gros. Ouais t'en as gros, parce que t'es vieux. Parce que t'as passé toute ta putain de journée de merde au ras des pâquerettes à te maraver avec une mare de rouille. Et c'est chiant la rouille. C'est long la rouille. T'aimes pas ça toi la rouille non. Faut couper, poncer, mastiquer, reponcer, peindre, enfin, un bon gros merdier quoi. Surtout quand c'est sous le plancher. Tu pestes. T'as la clope qui te pend au bec. Ouais. Encore une bonne grosse journée de merde que tu te dis. Et elle est pas fini en plus. Et toi là, bah t'es tout crade, t'es tout crade et pis tu pues. Tu pues, parce que t'as sué comme un cochon toute la journée sur ta merco toi Bardamu. Ton t-shirt blanc il est tout noir. Sauf que là, bah t'as pas envie de rentrer chez toi.

Non. T'as pas envie de rentrer chez toi. Parce que chez toi, tu penses. Tu penses et tu te sens con toi ouais, de penser. Parce que c'est le bordel dans ton caillou. Il a fallut que t'attendes soixante piges pour que les conneries reprennent, pour que tu te remettes à ressentir des trucs. Et ça te fait chier putain. T'en reviens pas. Tu te croyais à l'abri toi, tu pensais que c'était fini tout ça ouais. Et bah non. Il a fallut que tu tombes sur Bambi. Bambi qui t'as crevé le cœur. Qui t'as rendu fou à lier. Bambi qui t'as fait péter la gueule du fils de pute. Bambi à qui t'arrives plus à arrêter de penser maintenant. Mais bon, encore, si ça avait été que ça, que tu te dis, ça aurait été chiant mais ça irait. Sauf que non. Parce que là dessus il a fallut que tu tombes sur la Nymphette et sa fontaine au Casino toi. Ouais. La Nymphette qui se pavane sur la fontaine, ça t'as ensorcelé toi. Ça t'as donné envie toi. Alors que tu devrais pas. Parce que c'est une merdeuse la Nymphette. Un mouflet. Bordel. Qu'est-ce qui t'as pris bon sang, d'aller foutre les pieds là-bas au Casino ? C'est pas pour toi les Casinos et les soirées de pingouin, de morues et de peignes-cul encore moins. Putain. T'écrases ton mégot. Pfff. T'as rien d'autre à dire là ouais que Pfff. T'es dépité. T'es dépité alors tu te dis que tu vas faire ce que tu fais toujours quand t'es dépité. Tu vas picoler. Ouais tu vas picoler et tu comptes bien te prendre une bonne biture même toi ! Parce que c'est tout ce dont t'as besoin là. D'oublier. Parce qu'à cause du Diptyque là, ouais tu sais ce que c'est qu'un diptyque t'es pas con non plus, bah tu fais des cauchemars maintenant. Alors que t'en as jamais fais toi des cauchemars avant. Alors tu te sens tout couillon. Et comme t'es couillon, bah t'as soif. T'as soif et tu vas boire. Alors tu montes sur ta bécane pis t'enfiles ton casque et tu roules jusqu'au Paddy's. Direct. En temps normal tu serais repassé chez toi, tu te serais lavé, mais pas là non. Là t'as pas envie. Parce que t'es triste loin de la Nymphette pis surtout de Bambi. À qui tu peux pas t'arrêter de penser.

T'arrives enfin au rade. Il est 19h30, mais c'est déjà bourré de connards et de greluches. Tu soupires, pis tu tires la porte. Tu te dis que ça va te faire du bien ouais quand même. Une bonne binouze. Que ça va te détendre un peu ouais. Que ça va te faire retomber la pression à toi, une bonne binouze. Et pis t'es content au fond, aussi, parce que tu vas retrouver un vieux frangin là. Karl, l'expert. Le taulier du Paddy's qu'est pas un mauvais bougre, même si des fois y fait le con. Tu t'approches du bar. Tu te mets au garde à vous.

« tu veux quoi c'soir ? »
« Un chaudron de Brooklyn, IPA évidemment ! Comment que tu vas vieille crapule ? » que tu lui demandes en souriant histoire de faire la conversation.

Bard' demanda une bière, comme la plupart du temps en fait. Karl aurait pu s'en douter, mais un jour il avait décapsulé une bière justement en prévision, et le chauve avait prit tout autre chose. Depuis, il évitait de faire la même connerie. Karl s'approcha du frigo sous son bar, où était rangé les bouteilles brunes, de bière. Il en prit une, la décapsula en deux temps trois mouvements. Il prit un sous-verre en liège, le jeta presque devant Bard qui venait de prendre place à son comptoir et y déposa sa bière en retenant un léger sourire face à son garde à vue ridicule. « Ca va plutôt bien et toi ? » demanda t-il alors en passant un nouveau coup de chiffon sur les goutelettes d'eau qui avaient coulées le long de la bière qu'il venait de servir. « Ca a été ta journée ? » demanda t-il. Après tout, ils commençaient toujours leur conversation ainsi, et ce, depuis le premier jour. Karl connaissait quelques petites choses sur son client, mais il ne se montrait jamais indiscret. Il acceptait les confidences, mais ne posait jamais de question, n'était-ce pas une qualité d'un véritable patron de bar ça ? Finalement, la porte ne tarda pas à s'ouvrir à nouveau, dévoilant une silhouette qui le fit instinctivement sourire. Oh mon dieu, ça allait fuser dans tous les sens d'ici... une... deux... trois secondes. La voix de Kirsten se fit entendre, et Karl, silencieux, hocha la tête à l'affirmative. Bon, il n'allait pas lui servir un Chosen à plusieurs milliers de £, mais il avait tout de même de très bonnes bouteilles provenant directement d'Irlande. Beaucoup pensent et osent dire que le meilleur whisky est écossais, mais non. Il est irlandais, sans nul doute. Karl se tourne, saisi la bouteille JJ Corey et en sert une dose raisonnable dans le verre adéquat. Au prix de ce whisky, il faut aussi savoir le respecter un minimum. Il pose un sous-verre en face de la cliente, lui sert son verre et fini par lui demander « dure journée ? »

T'es au garde-à-vous toi. Pis tu te marres de ta connerie ouais. Parce qu'à défaut d'être crédible, au moins bah tu peux te targuer d'être un vrai trublion de la fête toi et tu le vois d'ailleurs ouais que ta connerie, bah elle lui fait son petit effet à ce bon vieux Karl, parce que tu vois qu'il dépasse de sa réserve son petit sourire amusé. Muarf. Le couillon, ça tu sais le faire toi Bardamu. C'est même une de tes spécialités. Dans ce monde de merde, qu'est-ce qui te resterais à faire si tu pouvais plus déconner toi hein ? T'as passé une journée de merde à cause de la Kohler et de tes pensées, alors là, même si tu sens l'ourson, bah tout de suite, dans ce rade, tu te sens d'humeur à faire le con. Parce que t'en as marre de chialer tout seul comme une gonzesse dans ton appartement pourri toi. Parce que chialer ça t'es pas arrivé souvent dans ta putain de vie. Et Dieu sait qu'elle a été longue pour arriver jusqu'ici ! Et t'as chouiné quoi toi... Deux fois ? Quand Ernestina elle s'est tiré, pis quand ta mère elle a levé ses bottes, mais c'est tout pas plus. C'était déjà suffisant que tu te disais. Parce que braire comme un âne, c'était pas ton truc à toi non. Toi t'es plus du genre à faire le mariole, à te fendre la poire ! Sauf que là bah, c'est la chienlit dans ta cervelle à cause de Bambi, pis de la Nymphette aussi. Alors y te faut à boire. Et Karl il te fait pas attendre non, parce que Karl c'est un expert. Et y te la sert ta bière, mais il a oublié le chaudron. Alors toi, bah qu'est-ce que tu fais là ? Bah t'en bois une gorgée de ta bière, sauf que t'as tellement soif qu'à la fin de ta gorgée, ben ton verre il est vide. Dingue ! que tu te dis.

« Ca va plutôt bien et toi ? Ca a été ta journée ? » qu'il te répond alors le Karl.
« Ça irait mieux si tu me servais mon chaudron, parce que là je crois que ton verre il est percé mon vieux ! » que tu répliques en te bidonnant, faisant presque disparaître ton cou entre ta tronche et tes grosses épaules de costaud.  « Non en vrai c'est la tuile en fait, putain faut que je te racon... » sauf t'as pas le temps de finir ta phrase que déjà tu vois l'autre mégère qui pénètre dans le rade. Putain manquait plus que ça que tu te dis !
"Salut Karl, ça va? sers moi le whisky le plus fort que tu ais s'il te plait." qu'elle dit sans même te regarder.
« Bah alors la Kohler, c'est quoi ces manières ? » que tu lui demandes subitement « Tu salues pas Tonton Bardamu ? C'est pas faute de m'être fais chier la bite toute la journée pour tes miches tiens ! » que tu rajoutes alors. « Allez ! Viens faire le mimi ! »

Que tu conclus en faisant partir ta voix dans les aigu fier comme un coq de la taquiner un peu la bobonne. Parce que mine de rien ça fait un moment maintenant que tu la pratiques toi la mère Kohler, en six ans que t'es à Hambourg, elle t'en a trouvé une tripotée de caisses de prestige à toi, des caisses qui te rendent content quoi, sauf que putain faut voir l'état dans lequel elles sont à chaque fois les poubelles ! Sans déconner quand tu les voies débarquer tu te dis que t'aimerais pas poser ton gros sur leurs chiottes à ses clients toi tellement qu'ils sont dégueux. De vrais petits cochons tiens. Pis là, aujourd'hui, vu qu'elle t'en a bien fait baver toute ta putain de journée la morue, bah tu te dis que tu vas pas te faire prier toi pour la titiller un peu. Parce que ça te fait marrer ouais, de la chatouiller la Kohler, parce qu'à chaque fois elle marche elle pas non, elle court ! Et pas qu'un peu en plus, c'est pire que le marathon de New York ! Et là comme en plus elle t'a interrompu alors que t'avais besoin de lui raconter à quel point ta vie elle partait en eau de boudin à ce bon vieux Karl qu'est encore un des seuls connards à te supporter dans ce quartier de merde, bah tu te dis qu'il te faut un autre moyen de te détendre. Et cet autre moyen, bah c'est ça. Faire sprinter la Kohler. Et là t'as tapé fort en plus putain. T'es pas peu fier de toi là d'avoir envoyé le poney direct ! Tu le sais qu'elle va partir au quart de tour là et que ça va pas faire rire les mouettes non ! Du coup tu te tiens droit, tu lui souris, pis tu te prépares, parce que tu sais qu'elle rigole pas la mère Kohler quand elle est lancée. Parce qu'elle en a sous le pied ouais. Et là en plus elle a l'air d'avoir passé une sacré journée de merde elle aussi ! Alors ça va pas traîner bien longtemps avant qu'elle se lâche ouais ! Karl y la serre, pis y te ressert et pis là, tu te dis que finalement tu vas peut-être passer une bonne soirée en fait, vu la quantité de testostérone qui traîne dans cet estaminet. Parce que la Kohler là, c'est pas des ovaires qu'elle a elle non. C'est plutôt une sacrée paire roustons ! Et là, vu la gueule de six pieds de longs qu'elle est entrain de tirer, bah ça risquait d'être fleuri tiens ! Heureusement qu'y restait Karl qu'était là pour relever un peu le niveau, parce que sinon ce serait la débandade ! que tu te dis. Au moins, lui, à défaut d'une bonne soirée, il aura au moins passé une bonne journée.


« dure journée ? » qu'il lui demande d'ailleurs comme s'il avait lu dans tes pensées. La vache elle t'as piqué ton tour que tu te dis. Et ça putain, ça ouais, bah te fait bien les pieds Bardamu !

Karl, étourdit sans doute -ou fatigué, avait oublié de servir l'immense verre pour Bard. Alors en grimaçant légèrement, en signe d'excuses, il fini par en prendre un, le rincer à l'eau, avec sa tireuse et puis le déposer près du chauve. Alors qu'il était tout juste en train de lui raconter qu'effectivement, sa journée n'avait pas été terrible, c'est Kirsten qui déboula dans le pub. Elle commanda, Karl la servi et très vite, ça commença à fuser entre les deux. C'était une habitude, un jeu, un passe-temps qu'ils adoraient ces deux-là. En fait, ils se détestaient littéralement autant qu'ils se manqueraient si l'autre n'était pas là. Parce que l'autre représentait le défouloir, le punching-ball facile et agréable mine de rien. Dommage que ça ait lieu ici, dans son pub et surtout, devant lui. Karl s'intéressa à la journée de la brune, croisant le regard de Bard qui venait littéralement de se faire couper dans son élan. Elle demanda aussi à être resservi, et le brun ne perdit pas de temps à le faire une seconde fois. « Une classe de maternelle, vraiment ? » répondit ironiquement Karl, en s'essuyant la main sur le chiffon posé sur son épaule. Il souriait, amusé par les paroles de la brune et ne tarda pas à ajouter « moi aussi parfois j'ai l'impression d'être devant deux gosses » dit-il en les pointant du doigt à tour de rôle. Le nombre de fois où s'était partie en couille... il ne les comptait même plus. Parfois, elle partait d'abord, et il devait gérer Bard tout seul. Parfois, il n'attendait pas que la jeune femme soit sortie pour faire sortir Bard, parfois les deux se tapaient carrément dessus avant qu'il n'arrive à les dégager. Et c'était chiant, car ça donnait une image dégueulasse de son pub, et qu'en plus, les renseignements lui tournaient autour maintenant. Il avait reçu la visite d'une vieille amie flic, et apparemment, ils faisaient des recherches sur le chauve. Est-ce qu'il devait lui en parler ? Il n'avait rien dit, décevant alors son amie d'enfance, mais bon, au moins, il était à l'aise avec sa conscience. « Bard', tu m'disais qu't'avais passé une sale journée aussi ? » relança t-il auprès du chauve, afin qu'il finisse lui aussi son histoire commencée avant l'arrivée de la brune.

Karl y te sert enfin ton gros verre de mousse et y grimace parce qu'il est gêné de t'avoir sous-estimé, mais bon tu lui en veux pas toi. C'est pas souvent qu'il se gourre, pis t'avais qu'à être un peu plus clair que tu te dis. Une marmite ça aurait peut-être été mieux qu'un chaudron ! Quoi qu'il en soit, ce soir tu veux te la mettre costaud toi, la biture, de la binouze, t'es prêt à en boire des tonneaux ouais, histoire de bien finir la gueule dans le caniveau parce que t'en peux juste plus de penser toi ! Ah ça ouais t'en peux plus non. De crever le manque de la douce Bambi et pis du joli cul de la Nymphette. Alors tu t'empresses de torcher un peu histoire d'essayer d'évacuer l'idée. Pis tu t'étires, parce que t'es tout rouillé, comme la merco pourrie de la Kohler. Pis tu commences à lui raconter ta journée au vieux Karl, sauf que voilà, fallait qu'elle pointe sa gueule juste à ce moment-là la morue ! Putain t'as même pas pu raconter ton histoire. Déjà qu'elle te les brises menu menu au boulot, maintenant faut que tu te la coltines en plus au rade ? Putain... Et après c'est de ta faute si tu la chauffes un peu, mais elle a qu'à pas te coller les miches aussi la Kohler sans déconner. Du coup, vu que t'es d'humeur boursicoteuse, bah tu la branches direct histoire de la faire partir au quart de tour parce que ça te fait marrer toi ouais, quand la Kohler elle lève les yeux au ciel. Quand elle fait sa mijaurée comme là là, parce que tu lui as fait ton petit effet ! Mais Karl y se marre pas alors t'es un peu déçu. Parce que t'en étais bien fier toi ouais, de la petite bouffonnerie que tu lui as adressé en guise de politesse. Mais bon, voilà qu'elle réplique aussitôt.

"Pour une fois que ta bite travaille pour quelque chose d'utile ne te plains pas l'ancêtre.." 

Pouuuuh ! T'as envie de te marrer parce qu'elle est en forme la mégère là ! Elle a pas rigolé, mais tu le montres pas toi non, que tu l'apprécies la joute. Au contraire tu préfères prendre ta gueule outrée, histoire de rentrer dans son jeu.

« Je peux m'en servir pour te décoincer si tu veux, de ma bite, la mèmère ! Ca aussi ça serait utile ! »

Que tu lui rétorques en te marrant, parce que t'es pas foutu de faire l'outré plus longtemps. Tu sais qu'elle va pas aimer. Alors ça te fait du bien à toi, ça te détend ! Tu prends une grosse respiration pis tu te frottes les mains histoire de continuer à te chauffer, parce que tu sais qu'avec la Kohler dans les parages, t'es pas prêt de le quitter toi le ring ! Mais t'adores ça au fond, tu peux pas le nier. Tu te ferais chier toi, si elle était pas là, parce que t'aurais personne à faire marronner ! Tu choppes ta pinte, pis tu rebois une bonne grosse lampée d'IPA et tu lâches un « aaah » de plaisir parce que c'est bon l'IPA, ça a macéré plus longtemps et ça a un sacré caractère, du coup tu te dis qu'elle te ressemble cette bière et qu'elle est faite pour toi. Tu vois que la patronne elle boit son verre sec aussi, et là tu te dis que c'est pas bon signe, que tu vas te bouffer une bonne tartine de ouin ouin quand elle va commencer à raconter sa journée. Pf. Elle manque pas d'air quand même que tu te dis, l'autre elle déboule, elle te coupe le sifflet sans dire bonjour et pis elle râle. Elle a pas appris les bonnes manières ?

"Ouais ...bah Karl tu sais comment des clients peuvent être casses bonbons...là je crois qu'ils s'étaient donnés le mot pour avoir tous un problème."
« C'est ce qui arrive quand on tient une porcherie... » Que tu lui glisses alors, tout en souplesse et en finesse. Mais visiblement tu l'as pas ouvert au bon moment parce que là t'en prends pour ton grade, et là ça te fait pas rire du tout pour le coup.
"Puis en plus j'ai un artisan avec qui je bosse qui ne fait que chouiner pire qu'une adolescente dans sa période rebelle. J'ai l'impression parfois de devoir gérer une classe de maternelle et ça me soule."

Tu grognes dans ta barbe de trois jours. Tu le sais qu'elle parle de toi et ça t'énerve parce que toi, bah t'as fait tout pour pas le montrer que t'es malheureux comme un clébard, parce que t'es ensorcelé par la lumière des yeux de Bambi qu'est pas là. Comment qu'elle a deviné la morue ? Tu siffles ta bière tout chafouin. T'es vexé comme un poux. Pis en plus t'as même pas le temps de répondre qu'y a le Karl qu'en rajoute, et qui se fou de ta gueule en plus !

« Une classe de maternelle, vraiment ? Moi aussi parfois j'ai l'impression d'être devant deux gosses » 

Qu'il marmonne en te montrant du doigts avant de la montrer elle. Et ça c'est pas poli, parce que quand tu pointes ton doigts, bah t'as les trois autres qui te désignent toi.

« L'adolescente elle vous pisse à la raie ! » Que tu réponds alors avant d'achever ton verre. « Remet m'en une patron ! »
« Bard', tu m'disais qu't'avais passé une sale journée aussi ? » qui te demande alors.

Mais là c'est trop tard, t'as plus envie de parler toi. Tu boudes. C'est que maintenant qu'il se souvient de ta gueule le taulier ? T'as pas les loches de la Kohler, c'est peut-être pour ça que tu te dis. Ouais c'est sans doute pour ça, qu'il t'as complètement zappé toi, alors que putain t'en avais gros à raconter entre Bambi et la Nymphette. Mais maintenant t'as plus envie et quand y te pose ton verre sur le bar, bah tu le bois, parce qu'il te reste plus que ça.

« Je ne parlerais qu'en présence de mon avocat ! »

Que tu maugrées boudeur. En même temps, y s'attendait à quoi ? Que tu parles devant la Kohler? Tu lui ferais pas ce plaisir toi, parce que tu sais qu'elle te ferait pas de cadeau, qu'elle en profiterai ! Alors que toi, même si t'es arrivé comme un prince prêt à te marrer un bon coup, bah au fond, t'as mal au cœur toi. Pis t'es triste. Profondément triste. Alors tu te replonges dans ton verre parce que tu te dis qu'au moins lui y te comprend. Et qu'il te cassera pas les couilles lui au moins.

Bard' s'était vexé comme une pucelle. Et là, rien à faire. Oh non. C'était même très mal parti pour qu'ils passent une bonne soirée. En général, quand il se vexait ainsi, il buvait davantage que lorsqu'il n'était pas vexé et la plupart du temps, ça partait en couille. Karl soupira, alors qu'il resservi son client. La jolie brune elle, venait de partager son avis. En tout état de cause, en toute bonne foi. C'était un fait, ils se conduisaient comme deux gamins et la preuve en était juste devant ses yeux, une fois encore. Karl sourit à la petite brune, laissant alors le chauve bouder si cela pouvait lui faire plaisir. Les deux là étaient intenables, ils n'arrêtaient jamais de se tirer dans les pattes et en même temps, ils passaient presque leur temps côte à côte ici, ce qui laissait souvent Karl perplexe. Kristen prit la parole, rompant alors le silence. Sa remarque fi sourire Karl. Lui, venait s'attraper à nouveau son torchon, pour venir nettoyer quelques verres qui en réclamaient le besoin. Il suivi des yeux le regard de la petite brune, caressant de son œil les courbes féminines qu'elle observait également. « J'peux pas vraiment t'aider là dessus » rigola t-il alors. Après tout, c'était pas comme s'il s'y connaissait en relations, la preuve en est qu'il s'était fait larguer par sa femme, qu'il était divorcé et qu'il était incapable de s'imaginer avec une autre. Alors ouais, il arrivait à tirer son coup de temps en temps, évitant quand même les clientes de son bar. Ca lui faisait du bien, physiquement, mais pas vraiment mentalement. Il se sentait incapable de faire quoi que ce soit de plus, qu'une relation sexuelle minable. « Tu verras bien, je crois qu'à un certain nombre de verre, la réponse viendra à toi toute seule » rigola t-il. A ce moment-là, d'autres clients s'étaient installés au bar, plus loin, lui faisant un signe pour pouvoir commander. Il laissa donc les deux adolescentes pour s'en occuper. Les saluant, il prit note de leur commande et ne tarda pas à les servir à leur tour. Encaissant par la suite leurs boissons. Ca commençait doucement à rentrer, et bientôt, il allait avoir une vague où il ne pourrait probablement plus vraiment discuter avec les deux habitués, mais ça se calmerait aussi bien vite.

Tu te sens en forme toi, t'es tout jovial. Mais tu te sens pas comme ça parce que t'es heureux non, ça tu l'es pas du tout heureux et pis dans tous les cas t'as même jamais trop cherché à l'être non plus parce que c'est des conneries de bourgeois et de cul béni ça que le bonheur. T'y as jamais eu droit toi, parce que dès marmot t'as ton géniteur qui t'as pourri la tronche donc ça a toujours été le cadet tes soucis à toi que le bonheur. C'est du pipeau tout ça. Toi t'es binaire. Ouais t'es binaire toi Bardamu. Soit t'es content, soit tu l'es pas, point. Ça s'arrête là. Tu te traînes quoi. Et là, bah même si t'as passé ta nuit à braire, même si tu t'es cassé le cul à la carrosserie toute la journée, ben te retrouver là dans ce rade avec le père Karl et la Kohler bah ça te fait du bien. Ça t'occupe. Ça te fait passer le temps. Et c'est pas plus mal parce qu'au moins ça te fais toujours ça de moins à attendre avant de casser ta pipe. T'as ton verre donc t'es bien. Tu le goules d'ailleurs histoire d'y faire honneur. T'es là depuis quoi toi un quart d'heure et c'est déjà le troisième, mais tu les comptes pas toi les verres non ça tu t'en cognes. Tu roules ta bosse comme on dit. T'as le bon dieu des ivrognes qui veille sur ta gueule depuis toujours donc t'es à l'abri. Pis la mousse ça t'inspire en plus pour lui répondre à la Kohler. Parce que la joute elle est belle et t'es content toi, de lui dire que tu vas la décoincer avec ta bite, ça te fait marrer ouais, parce que c'est pas méchant. Deux trois fions, ça fait de mal à personne pis c'est marrant.

 "Ca ira merci halloween c'est pas encore, garde tes horreurs pour toi l'ancêtre." 
« Mes horreurs valent toujours mieux que tes escalopes faisandées ! » que tu lui réponds du tac au tac.

Parce que tu plaisantes pas toi Bardamu. Tu le sais que t'es pas de première fraîcheur, t'as soixante piges bordel, mais t'as pas perdu ton répondant ! Et pis, là bah subitement, ta bonne humeur elle s'envole. Ouais, ça part en eau de boudin subitement. Parce que la Kohler au lieu de continuer à maronner, bah elle te crache ton malheur à la gueule. Putain. T'y pensais plus toi aux yeux de Bambi qu'a failli perdre sa lumière à cause du fils de pute. T'y pensais plus non plus, aux courbes parfaites de la Nymphette. Perséphone qu'elle t'avait demandé de l'appeler la coquine. Pfff. Tu prends ton visage entre tes mains. Et tu te mets à bouder. Parce que du coup là, ben tu te marres plus. Et toi t'es pas venu là pour plus te marrer. A la base t'es venu histoire de parler au vieux bougre. Et l'autre morue là, elle s'est pointé et t'as coupé l'herbe sous le pied pour venir raconter sa merde. Tu soupires et pis tu bois. Ouais. Du coup tu bois parce que t'es tout morose. T'as mal dans le dedans d'être loin de tes deux princesses à qui tu devrais même pas penser. Mais t'arrives pas à pas y penser. Avant t'étais tout seul et c'était bien. Maintenant t'es tout seul, sauf que tu le sais. Et ça bah c'est pas bien. C'est pas marrant non. Tu te sens vieillir. Et même si t'as jamais cherché à être heureux toi, bah le bien qu'elles te font tes deux merveilles y te fait te sentir encore plus mal quand tu les as plus avec toi. Tu redemandes un verre. Et l'alcool y commence à monter dans ton caillou. Et là, comme si ça suffisait pas y a Karl qui s'y met aussi et qui te traite de merdeux de maternelle. C'est le pompon sur la guenille. T'es gonflé.

"Ouais t'as raison, on est pas brillants, sorry mec."
« Parle pour toi la morue ! » que tu grommelones dans ta non barbe.

Tu te caresses le caillou, t'es tout lustré toi. T'as la carcasse qui brille sous les spots du père Karl. Tu te remets pas en question non. T'es pas là pour ça toi. T'es là pour boire. Pis c'est pas les quelques politesses échangées avec la Kohler qui font que t'es un chiard, c'est votre manière de fonctionner à tous les deux, on vous changera pas. S'il se bidonne pas c'est qu'il a pas d'humour le taulier, c'est tout. Y a plus chiant comme client dans la vie, ouais, y a les apaches et les pds, la Kohler et toi, vous êtes plutôt marrants à regarder quand t'y repenses. Y te poses ton nouveau verre devant toi malgré tout pis toi tu continues à bouder et tu refuses de raconter quand y te demande parce que t'es tout vexé. Pis que la Kohler bah t'as pas envie qu'elle le sache que tu t'es entiché toi, des deux gamines comme un gros con.

" J'arrive pas à me décider pour ce soir...femme ou homme, d'après toi?."

Miracle ! La question de la dinde, bah elle te remet le brillant dans les mirettes d'un coup à toi. Elle te fais un peu oublier tes chicanes même. Du coup, bah tu peux pas t'empêcher de te remettre à sourire comme un con. Sans doute que la binouze elle t'aide, mais toi, c'est surtout que ça te fait marrer de l'imaginer au pieu avec une nana la patronne. Ça te fait marrer ouais de l'imaginer jouer à broute minou. T'es un gamin Bardamu, mais tu t'en branles vu que t'es bien comme ça. Pis bon, même Karl y se bidonne, donc tu vas pas te priver.

« J'peux pas vraiment t'aider là dessus. Tu verras bien, je crois qu'à un certain nombre de verre, la réponse viendra à toi toute seule »

En temps de crise, le sage construit des ponts, le fou construit des murs. Bah toi, tu les pètes avec tes gnons ! Tes mirettes se tournent vers la nana qu'elle a choisi. Mouais. Tu siffles ta binouze.

« Faut t'en trouver une plus mignonne, parce qu'on sait déjà qui c'est qui va faire le lascar dans la tambouille ! » que tu lui sors pour la gratouiller un peu. C'est pas terrible que tu te dis, mais on peut pas être parfait, vu comme elle t'a fait bouder, te faut un peu de temps avant de te remettre en route, parce que t'es plus du genre diesel qu'essence toi. Mais une fois que t'es lancé bah y a plus rien qui peut t'arrêter. Et ouais.

Le Karl y sort alors de son bar pour s'occuper des clients. Et toi, bah t'en profites, tu lèves ton gros cul de ta chaise histoire d'aller tirer deux lattes sur un clopio à l'extérieur et y a pleins de gens qu'arrivent. Mais on te la fait pas à toi. Ouais t'as laissé ton blouson sur ta place pour te la garder bien au chaud. Pour pas qu'un pèquenaud te la pique. Aaah. Ça te fait du bien la nicotine. Ça te retape un peu. Pis quand t'as fini tu l'écrases et tu reviens vers tes compagnons de beuverie.

« J'en reveux bien une autre mon vieux ! » que tu lui demandes simplement à Karl, histoire d'essayer de retrouver l'inspiration maintenant que t'as les idées un peu plus claires. Pis t'ajoutes pour le taquiner un peu : « Et toi mon cochon, y a pas une pépette que tu te mettrais bien sous la dent ce soir ? »

Karl avait resservi Kirsten du même whisky irlandais que tout à l'heure, avant d'être appelé par d'autres clients. Il prit plusieurs instants à servir des bières principalement, à ramasser les verres vides et à encaisser directement les commandes. Finalement, après plusieurs longues minutes, il pu enfin revenir face aux deux clients réguliers qui ne perdaient jamais une seconde pour se tirer dans les pattes. Karl prit un verre vide, et commença à le remplir d'eau fraîche. Il aurait bien aimé boire un coup, mais il évitait quand même de le faire durant son service. Il bu une gorgée, avant que le chauve ne lui pose une question des plus personnelles. Karl manqua de s'étouffer avec sa gorgée d'eau. Sa main reposa son verre sous le comptoir, là où il pouvait trouver tout ce qu'il lui fallait à lui et qui était inaccessible aux clients. « Oh moi » lança t-il en grimaçant. Il fit mine de renifler, puis de se râcler la gorge. Il ne parlait pas de sa vie privée, et encore moins des femmes. C'était un sujet tabous pour lui. On l'imaginait parfaitement courir les jupons, alors qu'il en était tout autrement finalement. « Non y'a personne » dit-il en faisant mine de balayer son propre bar des yeux, pour en admirer les courbes féminines. Mais non, aucune n'attirait son attention, ne lui donnait le courage de se lancer, d'oser affronter à la fois ses peurs et ses tourments. Bien sûr que oui depuis sa femme il avait croisé la route d'autres femmes, pour l'aspect uniquement sexuel bien évidemment. Après tout, il avait des besoins à satisfaire, mais il ne pensait pas être un très bon coup non plus. Sûrement bien trop égoïste. Il n'était tout simplement pas prêt pour laisser un peu de place à une femme dans sa vie. Il était trop perdu, à la fois dans sa dépression et le « confort » de celle-ci. Ainsi, il ne se remet pas en question et ne voit pas la vérité en face, c'est tout de même plus facile que d'aller au front, non ? Mais pour le coup, l'envie de boire se fit apparaître, laissant sa langue danser sur ses lèvres sèches. Il fallait qu'il boive. Alors il prit un autre verre, prit la bouteille avec laquelle il servait la jeune brune face à lui, et se servi un verre. Il le bu cul sec, savourant juste le plaisir de son corps de recevoir un peu d'alcool. Puis, quand le chauve lui demanda de le resservir, il hocha la tête pour lui remplir son grand verre à nouveau. Il buvait vite, très vite. « Et toi ? » lança t-il en levant le menton vers le chauve.

La Kohler elle a l'air de plus avoir envie de jouer. Elle te jette un regard hautain pis toi t'hausses les épaules, parce que tu t'en branles qu'elle te juge. Parce que tu sais que malgré tout elle a besoin de toi. De tes mains expertes pour réparer les bolides à la carrosserie. Donc même si tu la taquines, tu sais qu'elle te vireras pas. Pis au fond, tu sais aussi qu'elle aime ça, te faire maronner toi. Tu bois vite. Un godet après l'autre pour que l'alcool te monte à la tronche, mais tu fais pas comme la patronne. Non pas de whisky pour toi ce soir, parce que tu veux faire durer le plaisir. L'intérêt de la binouze, c'est que tu peux en torcher des sots avant de finir carpette et ça c'est bien. Parce que tu comptes justement finir carpette toi ce soir histoire de roupiller un bon coup. Parce que t'es fatigué ouais, par toutes ces émotions que tu ressens et qui te font tout bizarre au palpitant. Mais bon, t'es pas un sauvage toi, pis t'as envie de prendre le temps histoire de profiter un peu du vieux Karl. Alors la binouze, ouais, tu te dis c'est très bien pour ton grand soir. Tu te dis même que c'est tout simplement parfait.

"Tu as raison du coup ressers moi un verre boss, on verra ce que le whisky va décider."

Qu'elle rétorque la mémère. Son aveu de son penchant pour les bonnes femmes, il te rend toute chose tout à coup toi Bardamu. Il arrête même de te faire bouder ! Parce que tu le savais pas toi non qu'elle était gouinasse la Kohler ! Elle te l'avait pas dit ça la vilaine ! Alors ça t'amuse de l'imaginer entrain de jouer à la bête à deux dos avec une donzelle. Et en même temps, quand t'y réfléchis un peu, bah tu te dis que tu peux pas vraiment jouer les étonnés. Parce que même si elle est très baisable – ça tu peux pas le nier – la Kohler, bah elle a quand même un tempérament de gros bœuf quoi ! Donc forcément qu'en faisant le bonhomme elle mouille devant les jolies pépettes. Cause, effet. La logique est imparable. Tu décides de la picoter sur la nana de son choix, histoire de lui faire sentir que t'en as pas raté une miette. Pis d'ailleurs c'est pas plus mal parce qu'au moins, ça relance la partie. T'es joueur toi, fallait pas l'oublier. Mais bon, encore une fois elle se marre pas la dinde ! Karl a buté son clown ?

" Le lascar dans la tambouille? mais tu peux pas parler comme un adulte normal? " qu'elle te dit.
« Ma verve ne vous sied point, Mi-Lady ? » que tu lui réponds alors en prenant un ton bourgeois histoire de lui faire les pieds.

T'es un vieux roublard toi Bardamu. Tu viens de la rue toi, oui, t'as vécu toute la jeunesse sur les pavés de Kreuzberg ! Elle peut pas comprendre. Ton jargon, c'est ton identité ! L'argot ta façon d'exister. Même si t'es cultivé grâce à ta bonne mère, bah le langage usuel tu l'as jeté quand ton père il t'a viré, quand Viking y t'as tondu pis qu'il t'as renommé Bardamu. Parce que c'est comme ça que t'as pu t'imposer et devenir le Loup de Kreuzberg. Ta verve, elle t'a aidé ouais à te faire respecter, à te construire ton armure de caïd frappeur. Tous les Droogs causaient comme ça. C'était votre marque de fabrique. Alors t'en es fier toi ouais. De parler mal. D'être vulgaire. Parce que ça te protège des autres. Pis ça les gardes ouais, bien à distance de ton vieux coeur et c'est très bien comme ça même si ça plaît pas à tout le monde. Parce que tu t'en branles toi ouais, de plaire à tout le monde.

Le Karl y quitte alors son bar pour aller servir les clients, la Kohler, elle, elle matte des femmes pis toi du coup, bah tu décides de sortir t'en griller une. C'est la routine en somme. Alors, histoire de rendre l'affaire un peu plus palpitante, après être revenu t'asseoir, bah tu recommandes déjà, pis après tu lui demande ouais au taulier, si lui aussi il a repéré une pépette comme la Kohler. Parce que ça te fait marrer de le titiller un peu, vu qu'il dit jamais rien, alors qu'il a la classe que tu te dis, même si t'es pas pd. Pis au fond, bah tu sais pas pourquoi toi, d'ailleurs, y dit jamais rien le Karl. Alors t'espère pas grand chose mais t'espères quand même un peu. Sauf que non. Tu le vois direct toi que ça changera pas de d'habitude cette fois non plus. Parce qu'il a failli s'étouffer avec son eau ce con-là quand tu lui as demandé. Alors tu bois pour compenser.

« Oh moi » qu'il fini par sortir avant de se préparer comme s'il allait faire l'éloge funèbre de la reine d'Angleterre. « Non y'a personne » qu'il répond simplement, alors toi, bah tu soupires.
« T'es pas drôle mon vieux ! » que tu lui réponds en collant un coup de coude à la Kohler histoire de lui faire comprendre que t'as une petite idée en tête. Pis tu te penches à son oreille du temps que le taulier y se serve un verre histoire de lui glisser à l'écoutille : « Faut lui en trouver une ça serait marrant non ? »

Pis tu te redresses comme un couillon quand Karl y se remet face à toi. Comme quand tu faisais des saloperies au bahut dès lors que la maîtresse elle avait le malheur d'écrire ses merdes au tableau. Tu finis alors ta bière en même temps que lui y fini son whisky. Pis tu prends une moue surprise. Parce que vu que tu faisais le trublion, bah t'as même pas capté sur le coup que c'était un whisky qu'il avait sifflé le patron alors qu'il torpille jamais d'habitude. As-tu tapé dans le mille ? que tu te demandes. T'en sais rien. Mais t'as pas le temps de lui demander, parce que t'as à peine le temps de recommander une binche qu'il te coupe les jambes en deux en te retournant la question.

« Et toi ? »

Bah toi tu torches. Et toi t'as déjà joué la carte de l'avocat. Putain t'es con Bardamu. T'aurais dû t'en douter qu'il allait te la retourner ta putain de question. Fallait pas avoir fait math supp' pour s'en douter rolala. Tu te grattes nerveusement l'arrière du crâne. T'essaies de réfléchir à quoi lui répondre mais t'as la matière grise qui commence à surchauffer à cause du houblon. Tu te demandes : Est-ce que tu dois parler de tes deux merveilles ? Ou est-ce que non vu qu'y a la Kohler à côté ? T'es venu là pour ça, mais en même temps tu te sens couillon de vivre ces conneries en ce moment. Alors tu sais pas. Putain, pourquoi c'est compliqué comme ça ? T'es tellement concentré sur ta réflexion que tu peux pas empêcher un énorme rot de s'échapper de ton gosier parce que tu le vois pas venir. La faute aux bulles. Tu serres alors ton poing que tu viens te coller contre les lèvres avant de t'excuser.

« Oh pardon M'sieur Dames ! » Que tu déclares solennellement parce que t'es poli toi ouais. « Non moi ici personne. » que tu finis par lâcher, presque innocemment, tout penaud. « Faut y remédier à ça patron d'ailleurs ! Chopper une clientèle un plus sexy ! » que tu lui sors alors histoire de le taquiner un peu lui aussi, parce qu'y a pas de raison qu'il y ai que la Kohler qui bouffe. Pis surtout ça te permet de détourner l'attention de la boulette que t'as faite en précisant que ce n'est qu'"ici" que tu n'as personne à te mettre sous la chicot. Alors t'espère que ça va passer en sirotant ta binouze.

Les deux habitués semblaient comprendre la gêne de Karl, du moins plutôt Kirsten finalement, puisque le chauve ne tarda pas à vouloir s'amuser à le caser. Ils n'étaient pas au courant de son passif, ni de son mariage durant des années avec son épouse. Ils ignoraient pour le divorce, et devaient le prendre pour un célibataire endurci, ce qu'il était désormais. Du coup, ils ne connaissaient pas du tout le type de femme qui pouvait bien le faire rêver, et l'idée qu'ils s'amusent à essayer de trouver une femme qui pourrait lui donner envie de se vider les couilles autrement que dans l'intérieur de sa main le fit rire. Mais clairement, Karl savait qu'avec une femme, il ne serait pas capable de plus. « Si vous arrivez à me trouver une femme superbe, j'irai lui parler » lança t-il alors sur un ton de défi. Déjà, il était sûr qu'ils n'y parviendraient pas ; et deuxièmement, Karl était pas non plus un gars qui ne touchait plus une femme. Il évitait juste de taper dans la clientèle de son bar. C'était pas trop professionnel selon lui. Mais si ça l'aidait à sortir un peu de sa zone de confort -celle de la solitude et de la dépression- alors pourquoi pas ? Finalement, Bard' laissa échapper d'entre ses lèvres un énorme rôt qui fit grincer les dents à Karl. En temps normal, ça ne le dérange pas, mais bon, déjà que parfois son bar craint un peu... on va éviter de faire fuir toutes les rares femmes qui osent encore y déposer le pied. « Si tu continues Bard' y'aura bientôt plus aucune femme ici » rigola alors Karl. Il sourit à nouveau à la remarque de Kiki et fini par ajouter alors fièrement « hey, moi j'ai des cheveux déjà ! J'ai une longueur d'avance non ? » avant de rire, parce qu'il savait que la brune ne resterait pas en reste d'une bonne blague contre le chauve. Mais bon, ce dernier allait se vexer s'ils continuaient à trop le vanner, Karl avait fini par bien le connaître au fil des mois. Puis, la petite brune se décala alors, ce qui força Karl à en connaître la cause. Un mec venait de se coller à elle, pour commander de façon très impoli une bière. Karl fronça un sourcil. Ce mec avait déjà pas mal bu et clairement, il commençait à être imbibé. Et ce genre de profil, soit tu le dégages tout de suite en prenant le risque de l'énerver ; soit tu es gentil avec lui en espérant qu'un seul verre suffira et qu'il partira de lui-même. Karl opta pour la seconde option. Il lui servi donc une pinte et le mec commença à vouloir négocier le prix, prétextant qu'il a déjà beaucoup commandé au fil de la soirée, et qu'une bière pourrait lui être offerte. Karl commença alors à se retourner, pour lui tourner le dos, et faire mine de regarder les pancartes des bières et des tarifs un peu partout, au dessus des bouteilles. Le gars lui demanda ce qu'il faisait et Karl répondit « non mais apparemment quelqu'un a changé les tarifs sans me le dire, non ? » lança t-il en le désignant d'un coup de menton. Le type commença à insister et Karl lança alors froidement « écoutes mon gars, c'est le même tarif pour tout le monde, peu importe le nombre de bière enquillées, donc si t'es pas d'accord » il lui désigna la porte, totalement serein sur ce qui se passait. La routine.