Du fait de ton absence [Angelika]

Feuilletant l'album photo de l'été 2000, Ida sent son cœur se serrer. Voir sa famille si radieuse la rend nostalgique. Quand est-ce qu'ils ont tous cessé de se comporter comme une famille ? Klaus, fier de montrer sa dernière trouvaille : un lézard attrapé par l'adresse digne d'un singe ! Angelika se pavanant en paréo et faisant la star sur les photos. Emmerich un tantinet timide, surpris de se faire prendre en photo alors qu'il fait un château de sable pour sa jeune sœur riant aux éclats quand son frère démoli son chef d’œuvre pour le plus grand bonheur d'Ida. Et Kathryn, l'investigatrice de ces souvenirs, qui capturent cœur et âme ces moments qui aujourd'hui sont des lames de rasoirs. Cette famille, si heureuse à la vue de ces photographies anciennes, semble si lointaine désormais. Klaus est on ne sait où en Allemagne, à la tête d'une entreprise multi-milliardaire très certainement. Angelika est de retour à Hambourg depuis quelques mois, mais Ida n'a pas encore osé aller à sa rencontre. Elles se sont croisées, rapidement, dans un couloir de l'hôpital mais elles ne s'y sont pas attardées. La blondinette sait juste que sa sœur porte la vie, le rebondi de son ventre le lui annonçant. Elle est ravie pour elle. Vraiment. Mais la distance et le temps qui les séparent ont imposé un silence entre elles deux. Si elles étaient proches ? Très. Mais il faudra du temps pour qu'elles le redeviennent. Emmerich, dans le coma, est actuellement le centre de gravité de toute son existence. La demoiselle s'en veut. Énormément. Elle se sent responsable à bien des raisons de l'état de son aîné, son confident. Le voir dans cet état – qui ne semble pas empirer, ni s'améliorer – est insoutenable. Alors dès qu'elle le peut, elle lui rend visite. Elle lui raconte ce qu'il loupe. Tout, sans rien omettre. Dans une telle situation, les secrets n'ont plus leur place. Ses cadets, eux, comprennent sans vraiment saisir le sens de la situation. Ils savent juste que leur frère dort et qu'ils le reverront peut-être un jour. Et Kathryn... Cette mère à la poigne de fer qui a dirigé sa famille comme elle a dirigé sa vie, semble perdue. Elle porte un masque devant tout le monde, mais Ida sent bien qu'elle est tout aussi terrifiée qu'elle ne l'est elle-même. Cette peur omniprésente semble rapprocher les deux femmes plus que jamais... Cette famille s'est donc brisée, tente de se reconstruire, des morceaux gravitant inexorablement autour d'autres plus ébréchés. Les recoller semble compliqué mais Ida est certaine aujourd'hui. Certaine qu'il est temps d'avancer.

« Salut, je passe vers 16h. Bisous. » Ida relit non pas une fois, mais deux fois son texto. Elle ne laisse pas vraiment le choix, une façon de ne pas pouvoir reculer. Après une hésitation, elle appuie sur l'envoie et repose son smartphone sur son lit, tandis qu'elle se laisse tomber également, dos le premier sur le matelas moelleux. Les bras en croix, elle expire longuement, s'attendant à n'avoir une réponse qu'en début d'après-midi. Mais il n'en est rien. À peine a-t-elle fermé les paupières que le vibreur la tire de ses rêvasseries. Se relevant à moitié, Ida scrute l'écran et lit le message reçu : « Je t'attends. » Parfait, pense-t-elle, même si son cœur se sert à l'idée des retrouvailles. Parviendront-elles à renouer ce lien si fort qu'elles avaient lorsqu'Angy vivait encore sous le même toit ? Nul ne le sait, mais qui ne tente rien n'a rien. Et elles ont tant de choses à se dire...

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Ding Dong sonne le carillon de la grande maison. Ida est impressionnée par le jardin magnifiquement arboré. La piscine qui se révèle au fond semble encore plus grande que celle qu'à Gabi chez elle. Alors qu'elle est déjà super grande ! Visiblement, Angy a des goûts semblables à ceux de leur mère. Elle aime le luxe et chaque parcelle du terrain le chante en cœur. La gorge nouée, Ida patiente sur le pallier, ne se sentant étrangement plus en phase avec cette grande sœur qu'elle suivait comme son ombre plus jeune. Le temps passe, les gens changent. C'est la vie, et Ida le sait bien. Pourtant, là, devant cette grande porte blanche somptueuse, Ida a peur.

@Angelika Schneider