Music is the best language {Pv Jörg}

L'Oiseau de Nuit... La perle des cabarets ! Le Moulin Rouge de Hambourg ! Depuis près de 3 ans, ce lieu rassemble la crème de la crème entre ses murs ! Des Politiciens, des Mondains... Qu'on soit issu de n'importe quel milieu, on vient de loin pour ce spectacle né il y a 3 ans et qui chaque soir, fait salle comble en mettant en scène sa star !
Manfred Thierry Mugler lui-même, qui pourtant produit le spectacle le plus cher du monde en Allemagne après ceux animant Las Vegas, s'est déplacé en personne à force d'en entendre parler et en est sorti plutôt impressionné, ses commentaires positifs sur les réseaux sociaux ayant eu pour effet de renforcer la réputation du lieu dont les réservations ont explosé en quelques heures.
Pour avoir une table au cabaret désormais, il faut se lever tôt ! Ou être dans les petits papiers du patron...  

L'Oiseau de Nuit était un rêve oui. Un rêve en musique, en plumes, en splendeur et en paillettes... Pour tous ceux qui y venaient, comme pour tous ceux qui y travaillaient.
Ou presque... Car derrière la beauté du rideau de velours rouge, se déroulaient pour 5 des danseuses des choses bien moins magiques que ce qui chaque soir animait la scène du plus beau cabaret de Hambourg...

Comme chaque matin, Riley ouvrit ses yeux fatigués, sur les murs trop familiers de sa chambre. Une nouvelle journée aux heures interminables s'annonçait à elle et rien que la perspective de ce qui l'attendait à nouveau cette nuit lui noua la gorge et lui fit monter les larmes aux yeux mais il ne lui fallut que quelques seconds pour rebâtir sa muraille autour d'elle que parfois, son sommeil parvenait à effriter...  
Légèrement groggy à cause des drogues qu'elle s'était évertuée à prendre la veille afin de se donner la force de supporter ce à quoi on la contraignait chaque fois que le rideau se baissait depuis 3 ans, il lui fallut un peu de temps avant de reprendre corps avec la réalité.
Riley se redressa dans son lit aux draps froissés et à l'odeur qui n'était pas que la sienne puis repoussa ses cheveux en arrière avant de se lever et se diriger vers son miroir devant lequel elle se laissa choir sur une chaise. Elle demeura quelques secondes son regard dans le vague, puis releva doucement ses yeux vers son propre reflet... Elle n'aimait pas se regarder, surtout lorsque le souvenir d'un client était encore trop présent sur elle, mais c'était son rituel matinal ; évaluer les "dégâts"... Elle s'observa sans vraiment se voir, avant de soupirer avec une résilience à en bouleverser les pierres... Comme toujours, ses lèvres étaient gonflées par le souvenir de baisers arrachés, ses cheveux froissés par des doigts agressif et son corps... son corps légèrement griffés mais rien qu'un peu de maquillage ne cacherait... Ce n'était pas de voir toutes ces preuves de la nuit passée qui la dégoûtait. Elle y était habituée. Non le pire, c'était la sensation. Il y avait beau pour cette fois ne pas y avoir grand chose de visible sur elle, Riley ressentait tout. Chaque endroit où on l'avait touché, empoigné, agrippé...
C'était toujours pareil. Chaque client qui entrait dans son lit, qu'il fut doux ou non, la marquait d'une certaine façon au fer rouge mais les pires cicatrices qu'ils lui laissaient étaient sous sa peau que Riley effleura de ses mains fébriles, comme pour s'en protéger vainement. Elle savait que quoiqu'elle fasse, rien ne les effacerait. Elle avait essayé... Ses acheteurs laissaient des trainées de feu constantes et traumatisantes, avec lesquelles la jeune femme avait appris à vivre.

Une fois démaquillée de son numéro de scène de la nuit dernière et sa douche prise, Riley monta ses draps souillés à la buanderie comme elle le faisait quotidiennement, puis fila d'un pas nonchalant vers les cuisines en priant de tout son être pour ne pas croiser son employeur de bon matin ce qui par chance pour elle, fut le cas.
En revanche, quelque chose d'inhabituel attira son attention depuis la scène. Tendant l'oreille, Lorna se retourna, comme appelé par le chant des sirènes. Normalement à cette heure-ci, le cabaret était silencieux. Les performeurs et gens de la régie n'arriveraient pas encore avant plusieurs heures, les 4 autres danseuses vivant ici dormaient pour la plupart encore et le reste des employés attribués aux guichets, bar, costumes ou encore service de voituriers avaient encore de la marge avant leur mise en place. C'était en général pour ça que malgré l'intensité de ses nuits, Riley se levait toujours assez tôt ; pour profiter d'un moment de tranquillité durant lequel elle pouvait être seule avec elle-même, ce qui ne lui arrivait pas si souvent que cela...

Poussée par sa curiosité, elle oublia la faim qui lui tenaillait le ventre et suivit les notes mélodieuses qui raisonnaient depuis le piano de la grande salle dont quelqu'un jouait... divinement. Comme happée par les notes qui charmaient de plus en plus son ouïe et ses émotions à mesure qu'elle avançait, Riley se laissa attirer par la musique en marchant à pas de loup, comme si elle avait eu peur de briser quelque chose en avançant trop vite. Elle marchait à travers les couloirs du cabaret tel le vent caressant les murs, jusqu'à arriver à l'arrière de la scène où elle monta avant de passer sa tête discrètement pour  découvrir qui jouait aussi bien.
Elle ne put voir complètement le visage de l'inconnu qui lui tournait presque le dos, mais elle découvrit un homme à la haute stature dont les mains couraient délicatement bien qu'avec précision sur les touches noires et ivoires. Elle ne pensait pas l'avoir déjà vu ici. Elle était physionomiste et elle se serait rappelé d'une telle carrure. Son corps lui intima de reculer mais son cœur lui l'implorait d'avancer.

Riley avait cela dit appris depuis longtemps à ne plus faire confiance à son cœur. Elle l'avait fait trop souvent et bien trop cher payé chaque fois qu'elle avait tenté de lui faire confiance.
Alors elle resta dissimulée derrière le rideau de velours, portée par la musique. Elle l'apaisait... A tel point que la jeune femme s'autorisa même à fermer ses yeux afin de mieux l'apprécier. Elle lui faisait du bien au milieu de tout ce noir qui l'encadrait depuis toujours. C'était tellement curieux comme sensation ! La dernière fois qu'elle avait ressenti autant d'émotion artistique l'envahir et la bouleverser, ça avait été lorsqu'après avoir fugué pour la énième fois de chez sa famille adoptive et avoir trouvé refuge dans un sous sol poussiéreux d'une école des arts de la scène, elle avait au matin contemplé une femme danser pour ma première fois, éveillée par ses pas gracieux...
De ce jour, elle avait eu la sensation d'enfin avoir trouvé ce pour quoi elle était faite fans ce monde et s'était promis qu'elle aussi un jour, elle vivrait sous les projecteurs de couleur d'une scène.