Alexander ♔ Tout part en vrille... encore

Hannah angoisse un peu, c'est vrai, du fait de l'éducation qu'elle a reçu, qui demande de ne pas faire de scandales. Même si c'est cette éducation qui lui a pourri la vie toutes ces années, qui l'a conduite là où elle en est, qui l'a poussé à abattre son mari un soir, quand elle aurait put divorcer bien plus tôt et ne pas atterrir devant un tribunal. Mais l'éducation qu'elle avait reçu, cette fichu éducation, exigeait qu'elle qu'elle soit clean, qu'elle soit respectable, qu'elle surveille son comportement et ne fasse pas le moindre scandale. C'est cette éducation qui est responsable de ses malheurs et pourtant, Hannah ne parvient pas à s'en débarrasser totalement, alors qu'elle demande à vivre. A pouvoir respirer, avancer, aller de l'avant, enfin.

Elle jette un regard par-dessus son épaule, en espérant que personne ne les observe. C'est stupide, dans un lieu public, ils savent bien qu'ils prennent des risques et qu'ils ne font rien de mal, en soit, parce qu'ils ne sont plus opposés dans le cadre d'un procès, la justice a fait son œuvre et rendu son verdict. Elle est libre, innocente, reconnue non coupable du crime dont l'accuse la famille de son ex-mari. Elle est libre, libre de sortir, de faire sa vie, libre de le fréquenter. Et pourtant elle a peur qu'on les juge, parce qu'il a été 'avocat adverse. Parce qu'on pourrait les accuser d'avoir entretenu une liaison au moment du procès et supposer, alors, que l'homme a mal fait son travail pour ne pas causer de tord à sa belle. Ce n'est pas le cas mais certains pourraient le croire, sont assez bêtes et méchants pour cela.

«- Je vais bien, la journée fut cependant longue et ennuyeuse, je compte sur la soirée pour me le faire oublier...» annonce-t-elle en le gratifiant d'un charmant sourire.

Elle accepte ce bras dans son dos, même si elle est un rien crispée. Crispée parce que c'est un homme, qu'elle n'a plus l'habitude qu'ils soient aussi tactiles de cette manière là, douce, précautionneuse. Elle a perdu l'habitude de la tendresse, de la douceur.

«- Que va-t-on voir ?» questionne-t-elle en avançant vers les guichets.

Elle a besoin d'oublier, besoin de se vider la tête, de ne pas penser à sa journée de boulot, ou aux regards désobligeants qu'on lui a adressé à la pause déjeuner quand elle est entrée dans ce restaurant parce que même acquittée, on la regarde encore parfois avec méfiance alors qu'elle a tué son mari. A croire que les avis de la justice ne sont pas prit en compte par la populace. Elle n'aime pas ça, Hannah, savoir que l'affaire est aussi connue, que les gens la reconnaissent dans la rue comme étant la femme qui a tué son mari. Si certains la soutiennent, fort heureusement, ce n'est pas le cas de tous, ce n'est pas toujours si facile que cela à gérer, au quotidien. Et lui, lui promet de lui changer les idées, de lui faire oublier tout ça ce soir, en sa compagnie. Elle ne doute pas une seconde qu'il y parviendra.

«- Pas trop mal, mais c'était long tout de même et pas très intéressant en soit. Et toi ?»

Mais son boulot l'ennuie de plus en plus ces derniers temps, à croire qu'elle a besoin d'autre chose, sans savoir quoi, exactement. Elle n'a toujours fais que ça, le travail dans les affaires, elle ne sait pas bien ce qu'elle pourrait faire d'autres, mais il n'empêche que son travail ne la satisfait plus aujourd'hui. Ou c'est sa vie, sa vie toute entière, qui n'est plus qu'une insupportable mascarade. Peut-être bien. Peut-être qu'elle est un peu paumée avec le meurtre de son mari, les procès et que dans cette vie bouleversée, elle a besoin que les choses changent, en plein.

«- Va pour la comédie, je pense que rire ne nous fera pas de mal !» annonce la demoiselle après avoir regardé rapidement les deux affiches, les acteurs présents dans chaque films.

Elle n'a pas vu le synopsie, elle espère que ça ira tout de même, mais elle fait confiance à Alexander quand il dit que d'après les bandes annonces, le film est bon. Elle avance vers les caisses, en sortant sa propre carte bleu, décidée, s'il prend les places, à prendre pour sa part les pop corn et la boisson.

Est-ce qu'elle voulait le voir ? Oui, assurément. Elle a attendue leur rendez-vous toute la journée, non sans une certaine impatience. Il réveille un truc en elle, des sentiments qui pointent le bout de son nez, doucement, peu à peu, à force de le fréquenter. Et elle aime ça, elle aime ces moments passés avec lui. Il est différent, différent de ce qu'elle a put connaître Hannah, alors ça fait du bien, vraiment du bien. La demoiselle attend leurs rendez-vous chaque fois avec cette même langueur. Parce que les moments passés ensemble lui font du bien, lui permettent de se couper un peu de ses histoires, de son boulot. Elle ne peut pas toujours voir ses frères et Alexander lui permet de se changer les idées, un peu. Même si ironiquement, il a essayé de l'envoyer en prison par tout les moyens, il y a peu encore. Et elle est loin de se douter qu'au-dessus de leur tête brille une épée de Damoclès, prête à tomber sur eux, à s'effondrer, trancher leurs rires. Parce qu'elle sourit, Hannah, quand elle est avec lui. Elle oublie un peu de ses tourments.

Il paye les places, elle achète les victuailles, avant qu'il n'ai eut le temps de dire ouf, le prenant de court. Elle tient à payer elle-même. Parce que la trentenaire ne dépend plus de personne aujourd'hui. Qu'elle ne veut plus se laisser enfermer dans un état de dépendance à un homme. Le fait de payer, de sortir sa carte, lui donne l'impression d'affirmer ce souhait, de ne pas se mettre sous la coupe de qui que ce soit. Il proteste, elle esquisse un sourire.

«- Ce n'est rien, ça me fait plaisir.» assure la rouquine avant de rejoindre la salle.

Les mœurs évoluent aujourd'hui après tout et il n'est finalement pas très étonnant qu'une jeune femme paye pour un homme. Cela se voit de plus en plus, avec l'avancée de ce que l'on nomme le féminisme, d'ailleurs. Pour la rousse, il est important de maintenir cette égalité, même illusoire. C'est plus égoïste que la cause des femmes, c'est un besoin, presque vital. Parce qu'elle est marquée par son passée.

«- Je... suis contente, aussi.» assure une Hannah aux joues rosissantes, avant que le film ne commence.

Et elle rit, de bon cœur, jetant parfois quelques coups d’œil à Alexander pour apprécier son sourire et la beauté de ses traits détendus.