We met for a reason, either you're a blessing or a lesson ♦ ft Marcus

Un long soupir s'échappa des lèvres du blond alors qu'il sortait d'un entretien. Il avait tenté sa chance un peu partout pour être honnête. La même rengaine ne cessait de l'étouffer. Pas assez d'expérience. Un passé de "délinquant". Et des études abandonnées. Voilà les trois points sur lesquels il n'était pas du tout au point. Il ne pouvait pas cacher la vérité comme il l'avait fait toutes ses années avec ses amis. Il était connu, tout comme sa bande de potes, pour ses frasques. Et puis, il en avait marre de se cacher. Il en avait sa claque de garder tout pour lui. Il voulait enfin assumer qui il était et ce même si ça allait lui attirer des problèmes. Il n'était pas dupe. Ce n'était pas n'importe qui qui allait l'embaucher alors qu'il était gay. Sa sexualité semblait avoir une importance folle pour certains boulots. Si Emmerich ne connaissait pas autant la société, il se serait bien demandé pourquoi ça posait problème. Mais au vu de tous les homophobes qui venaient l'embêter, l'insulter et le frapper, il ne fallait pas un doctorat pour comprendre que certains employeurs refusaient d'embaucher des gens comme lui à cause d'une différence qui n'affecterait en rien son travail. C'était même probablement à cause de l'oeil au beurre noir qui avait du jouer en sa défaveur...

Pas vraiment déprimé par ce nouvel échec mais plutôt fatigué, Emmerich décida de faire un détour chez son pote pour lui piquer sa guitare. Il avait tellement hâte de pouvoir s'en payer une à lui ! Mais pour ça, il voulait attendre sa première paye -même si avant ça il allait devoir décrocher un boulot- plutôt que d'aller quémander de l'argent à sa mère. Il avait rarement été le genre d'enfants à réclamer du fric. Il était plus de ceux qui achetaient avec son propre argent, celui gagnait aux anniversaires ou en récompense à des travaux. Il avait beau vivre dans le luxe, ça lui avait appris que l'argent ne faisait pas le bonheur et que tout avoir en claquant des doigts ne rendaient pas la chose intéressante. Au contraire, l'objet perdait de sa valeur. Alors maintenant qu'il avait décidé de prendre son indépendance, il comptait bien se débrouiller, quitte à finir à la rue. C'était bien parti pour ça.

Au passage, à l'appartement de son pote, Emmerich en profita pour troquer ses fringues pour l'entretien avec son jean, son t-shirt noir et son sweat bordeaux. Il se sentait tellement mieux comme ça. Il se demandait presque s'il ne devait pas faire les prochains entretiens comme ça. Au moins, il se sentirait plus lui-même. Mais il avait bien vu que tous les autres faisaient un effort pour l'occasion. Il ne pouvait pas donner une autre raison aux employeurs de le disqualifier. Il avait déjà assez à gérer sans avoir à rajouter un problème de tenue à l'équation !

"- Tu peux la garder quelques jours", lui lança son pote, l'air de dire que sa copine allait passer un moment à l'appartement. Emmerich le charria un peu avant de prendre la route du parc qui n'était pas loin d'ici. L'endroit était sympa et calme. Le blond appréciait passer pas mal de temps là-bas pour s'entraîner. Par chance, c'était une belle journée. Le beau temps était au rendez-vous et les températures n'avaient pas encore vraiment chuté. En vrai ce n'était pas bon signe, à cause du réchauffement climatique, mais Emmerich n'allait pas se plaindre puisqu'il pouvait s'entraîner tranquillement dans son coin sans que personne ne vienne l'embêter. Il n'avait pas envie que la bande le taquine ou que sa famille apprenne qu'il s'était mis à jouer d'un instrument.

Son banc préféré était libre. Une chance ! Il y déposa son sac et s'installa en tailleur avec la guitare sur les genoux. Il ne savait pas encore ce qu'il allait jouer. Il avait plusieurs musiques en tête. Il aimait varier les styles. Il laissa d'abord ses doigts s'amuser sans trop réfléchir. Il se retrouva rapidement à reprendre une des musiques qu'il connaissait le mieux. C'était presque la première qu'il avait appris grâce à l'un des bouquins de son pote. Celui-ci avait trop investi dans l'instrument pour ne pas s'y mettre sérieusement. Même si au final tout n'avait pas été perdu lorsqu'Emmerich, au début de l'été, s'était décidé à se mettre à la musique. Il y avait passé des heures, des jours, trouvant un réconfort dans la musique. Lui qui pensait ne jamais avoir de passion, il venait de s'en trouver une. Par contre, il l'avait pas encore remarqué.

Parti pour jouer Radioactive du groupe Imagine Dragon, Emmerich ne put s'empêcher de chanter les paroles en même temps. À force, il les connaissait par coeur et étrangement, c'était sur cette musique, en compagnie de Max, qu'il avait fini de se décider à se rebeller contre sa vie. Depuis, cette musique lui redonnait du courage et de la force pour avancer sur cette voie qui était loin d'être la plus facile.

Perdu dans ses pensées, ou plutôt dans sa musique, Emmerich avait fermé les yeux et se laissait porter par les notes. Il sentait la déprime de la journée et la fatigue s'envoler petit à petit. Les paroles lui rappelaient pourquoi il en était là, pourquoi il cherchait un boulot. Il savait qu'il ne pouvait pas lâcher. La musique avec un pouvoir positif sur lui. Ce n'était pas comme son pote Adam qui se sentait sombrer un peu plus avec les musiques quand il était déprimé. Mais les peines de coeur étaient souvent très différentes du reste. Au moins, le blond n'avait pas à se languir sur l'absence de l'être aimé comme il pouvait l'entendre dans de nombreuses chansons. Il avait perdu son petit-ami à cause d'un homophobe, depuis il préférait les conquêtes d'une nuit. C'était tellement moins prise de tête et surtout moins douloureux.

Mais d'un coup, le soleil qui le réchauffait un peu disparut pour laisser place à l'ombre. Emmerich ouvrit les yeux pour voir si le temps se gâtait ou non mais il se rendit vite compte qu'un homme venait de s'arrêter devant lui. La pénombre qui couvrait son visage ne l'aida pas à l'identifier sur le coup. Pourtant après quelques instants il reconnut une star de ce monde. Un peu surpris de voir quelqu'un de connu devant lui, Emmerich fronça légèrement les sourcils. Il s'attendait à une moquerie, une critique. On n'était jamais sûr avec les gens, en particulier les adultes. Certains prenaient un malin plaisir à détruire les rêves des jeunes. Comme s'ils avaient eux-même étaient victimes de vilains adultes dans leur jeunesse...

L'homme lui demanda de s'asseoir mais Emmerich ne put même pas répondre que son interlocuteur prit place sur le banc à ses côtés. À quoi bon demander si c'était pour n'en faire qu'à sa tête ? Mais au lieu de l'agacer, cette action détendit un peu le blond. Il n'avait pas l'impression de faire face à un adulte coincé du cul qui était un peu trop à cheval sur les manières. La suite fut même plaisante. Il avait droit à des compliments qui semblaient sincères et non exagérés. Il se serait grandement méfié si l'homme lui avait dit qu'il jouait divinement bien alors qu'il n'avait commencé que quelques mois auparavant. On ne devenait pas un dieu de la guitare en une nuit !

"- Euh ... Merci," Dit-il finalement, quand même surpris par les propos que venaient de lui dire l'homme, "Un nom ? Oh non-"

La suite de sa phrase resta coincé au fond de sa gorge alors qu'il entendait la sonnerie du téléphone retentir. Vu la tenue de l'homme et sa célébrité, ce n'était pas étonnant qu'il soit occupé. Pourtant Emmerich ne le vit pas décrocher, au contraire, il lui proposait de finir sa phrase avant. C'était rare que les adultes lui accordent autant d'importance, pour ne pas dire exceptionnel.

"- Pas de problème. Enfin pour répondre à ta question", Lança-t-il en tutoyant l'homme puisque celui-ci le faisait avec lui, même si c'était assez étrange sur le coup, "Je n'ai jamais pensé à me faire un nom. Je suis plutôt dans l'optique de jouer pour le plaisir. Et puis je viens de commencer. Par contre, je ne suis pas contre aiguiser mes talents. J'ai envie de pouvoir jouer créer, jouer sans me prendre la tête."

Le mot talent semblait tellement étrange aussi. Il ne pensait pas pouvoir qualifier un jour sa capacité à jouer de la guitare comme un talent. tellement de gens en étaient capables, ça n'avait rien d'exceptionnel, si ?