Louise * Let's find your daughter

Lisa écoute la musique, ressent la musique, s'élance sur la glace. En ce début du mois d'Avril, elle a besoin de travailler dur pour la coupe d'Allemagne, dans un mois. Rentrée de Milan le 30 Mars, ayant faillit mourir d'un accident d'avion qu'elle n'avait finalement pas prit, Lisa avait maintenant l'impression de devoir vivre sa vie à deux cent à l'heure. Le 31 elle avait été au tribunal, même si c'était un samedi, avec sa classe et cette journée lui avait fait connaître Elisabeth Rosenthal, dans le plus grand des hasards. Le lendemain, elle avait célébré Pâques avec sa mère comme tout les ans et quelques amis, autour d'un repas. Aujourd'hui, en ce lundi, elle avait besoin de s'exercer sérieusement. Avec tout ça elle n'avait pas vraiment eut l'occasion de pratiquer ces derniers temps et elle savait que cela risquait fort de lui porter préjudice d'ici peu, à Fribourg.

La jeune femme s'élance, tente son triple Lutz, écoute la musique, observe Alexander en attendant les réactions de ce dernier. Elle écoute son commentaire et hoche la tête avant de recommencer, du début. Le moonlight sonata résonne de nouveau dans la patinoire et Lisa recommence, elle recommencera aussi longtemps qu'il le faudra, tant que ce ne sera pas bon, tant que ce ne sera pas parfait. Alexander ne la lâchera pas comme ça et elle le sait. Quadruple axel. Elle espère le réussir au moment de la coupe, un quadruple n'étant jamais tenté en compétition, elle ne sait pas pourquoi. La demoiselle continu, enchaîne, recommence le quadruple à chaque fois qu'Alexander le demande. Au quinzième saut, il la laisse enfin poursuivre la suite de la chorégraphie. Et puis, ils recommencent. Inlassablement.

«- Cinq minutes de pause !» annonce alors Alexander.

Lisa se précipite vers les gradins, attrape sa serviette et sa bouteille d'eau. Ok, il va la tuer, et elle va dévorer ce soir. Et bien dormir, dans un même temps. Lisa repose sa bouteille, attrape son téléphone pour envoyer un message à Benett. C'est ce moment que Louise choisit pour faire son apparition. Lisa prend son selfie, commente, l'envoie. Et sans se douter de rien, sourit à Louise, aimablement.

«- Bonjour Louise, vous allez bien ?» demande poliment Lisa. «Vous... cherchez Gabi ?»

Avant de partir à Milan, Gabi était déjà aux abonnés absents, à la patinoire. Lisa ne sait pas ce qu'il en est aujourd'hui. Elle affiche un visage désolé.

«- Mais elle m'a dit pour la santé de votre papa quand je l'ai eut pas texto. Je suis désolée Louise.»

Si Benett Rosenthal pouvait voir la scène, son amante et son épouse réunit l'une et l'autre à discuter, il est probable qu'il aurait eut quelques sueurs froides. Mais ignorant tout de ce qui se jouait contre elles, Lisa adressait un sourire poli que lui rendait Louise, comme à chaque fois qu'elles se croisaient. Et l'une et l'autre bavardaient sans avoir conscience du statut qu'elles avaient, dans l'ombre, l'une pour l'autre. Cette scène, qui aurait put le trahir tant de fois et qui pour chacune était anodine. Quand Lisa, plus jeune, avait voulu dire «Bonjour madame», laissant le nom en suspend en l'ignorant, Louise ne le lui avait pas donné. Se contentant d'un agréable «Appelle moi Louise». Après tout, Lisa était une amie de Gabi, pas une parfaite inconnue. Même si elle n'avait jamais mis les pieds chez les Rosenthal. Heureusement pour Benett.

En voyant arriver Louise Rosenthal ici en ce lundi de Pâques, Lisa se douta que cette dernière était encore à la recherche de Gabi, évidemment. Et lui posant la question, elle sourit comme Louise complimente son travail, en disant que c'était sympa.

«- Je vois, une petite frayeur dans ce cas. Merci. Je m'entraîne pour Fribourg, la coupe d'Allemagne dans deux mois. On fait ce qu'on peut.»
«- Lisa je te laisse un peu plus de temps mais ne prend pas une heure non plus.» lance Alexander depuis les gradins où il observe son téléphone depuis qu'il a salué Louise d'un «Bonjour» à l'entrée de cette dernière dans la patinoire. Lisa a un petit rire nerveux, alors.
«- J'y suis jusqu'à 19:00 encore, à l'entendre ! Si je m'en tenais à ses plannings, je n'aurais plus une minute pour étudier !» fait-elle observer.

Quand l'univers décide de se moquer de toi, il ne le fait pas à moitié. L'une ignore qu'elle parle à la maîtresse de son époux, ignorant d'ailleurs que ce dernier lui est infidèle, tandis que l'autre ignore qu'elle parle à l'épouse de son «petit ami», qu'elle ignore être marié, évidemment. Et toutes deux, l'une face à l'autre, téléphones en main, avec une photo ou un portrait de Benett, ignorent toute l'ironie de leur situation, l'ironie de leur discussion, alors que Mme Rosenthal demande, sur un ton de confidence, si la jeune patineuse peut lui dire où était sa fille la veille car son père était absent la nuit dernière mais ne serait pas heureux d'apprendre que sa fille avait déserté la maison. Une ironie d'autant plus vive que Benett avait précisément emmené Lisa à l'hôtel la nuit dernière, prétextant un retour à Hambourg spécialement pour elle, après avoir fêté Pâques avec sa sœur. Tout ça pour se dire effectivement sans enfant, sans attaches, exactement comme elle le pensait. Tout en faisant croire à sa femme qu'il était partit à Berlin pour le boulot.

«- Oh vous savez Louise, ce n'est pas à moi que Gabi confie ce genre de choses. Ce serait plutôt à Saskia Baumgarten. Mais... il est probable qu'elle ait passé la soirée avec Lazlo ? Je ne peux pas l'affirmer cependant mais... c'est une possibilité. Vous savez... ça doit faire un mois qu'on ne l'a pas vu aux cours à la patinoire. A moins qu'elle soit venue quand j'étais aux mondiaux... Alex !?»

Se tournant vers l'homme, ce dernier répond négativement, Gabi n'avait pas mit un pied à la patinoire ces derniers temps et Lisa n'avait que peu de nouvelles. Principalement parce que Gabi Rosenthal savait pertinemment que son amie Lisa était un peu plus «enfant modèle» qui ne savait pas mentir. Et qu'elle lui dirait certainement que ce qu'elle faisait « n'était pas bien » ce que Gabi n'avait aucune envie d'entendre, certainement.