Bonnie * Like a child drowning in adult problems

Lisa avait vu son père la veille en sortant du fleuriste avec un bouquet pour sa mère. Son père, après 17 ans d'absence. Appelant Arthur pour en parler, pour se confier, pour vider son sac et profiter d'une bonne soirée avec son frère de cœur, la jeune femme sentait pourtant toujours un poids sur son estomac. Comme un non-dit. Quelque chose qu'elle ne saurait pas définir, mais une seule rencontre ne peut évidemment pas apaiser dix-sept longues années de séparation, d'abandon. La journée de cours avait ainsi été atroce alors que la demoiselle ne se concentrait pas vraiment sur ses cours, mais sur cette rencontre de la veille. La vie prenait un malin plaisir à se moquer d'elle. A la fin du mois dernier, elle avait retrouvé Abraham, le meilleur ami de son père, par hasard. Et voilà que moins d'une semaine plus tard elle retrouvait son paternel. Et elle avait encore des choses à dire. Un trop plein.

Se garant devant l'hôpital, la jeune femme sort de son véhicule et observe la bâtisse, prenant sa respiration avant d'entrer dans le bâtiment, cherchant son courage dans un même temps. Et puis finalement à la réception, elle demande à voir Sloan Hampton, le chirurgien. Sans qu'on accepte de lui dire où le trouver, comme elle n'a pas de rendez-vous. Peu lui importe. Lisa entre tout de même dans les services, essayant de se repérer avec les indications sur les panneaux. Elle ne sait pas dans quel service il peut être et questionne toutes les infirmières qui croisent sa route. Mais elles sont occupés, ne savent pas forcément où il se trouve et Lisa s'agace. Il est peut-être au bloc. A moins qu'il ne soit chez lui, de repos. Si la réceptionniste n'avait pas refusé parce qu'elle n'avait pas rendez-vous, Lisa aurait peut-être pensé qu'il ne travaillait pas ici et serait parti. Mais de fait, elle a la conviction qu'elle peut le trouver ici.

A bout de nerf, agacée, frustrée, toute sa nervosité se lisant sur son visage d'ordinaire si calme, si agréable, la jeune femme approche d'un air décidé vers une femme en blouse blanche, aux cheveux roux, dont elle lit sur son écusson qu'elle est chirurgien. Fort bien.

«- Je cherche Sloan Hampton. Sauriez-vous où je peux le trouver !?» annonce la demoiselle plus furieusement qu'elle ne l'aurait voulu, encore bouleversée par tout ce qui lui arrive en ce moment.

Lisa devait absolument trouver son père et elle était certaine qu'il était dans cet hôpital. Il était chirurgien et c'était le seul établissement de santé d'Hambourg. De fait elle savait qu'il devait être ici et ce d'autant plus qu'à la réception, on ne lui avait pas dit qu'il n'y avait aucun monsieur Hampton ici, seulement qu'elle ne pouvait pas le voir si elle n'avait pas rendez-vous. Mais elle n'en avait rien à faire d'avoir rendez-vous ou pas et peut-être que sur ce coup-ci, en outrepassant l'autorité de la réceptionniste, elle se comportait un peu comme Benett qui avait tendance – elle ne le savait pas – à se moquer royalement de ce que pensaient les petites gens. Lisa en avait gros sur le cœur et un besoin de le voir, un besoin de le voir maintenant. ? Peut-être parce qu'au fond d'elle, la demoiselle avait peur que son père parte encore, qu'il prenne la fuite, qu'il ne veuille pas la voir, pas assumer d'avoir une fille, une grande fille. Il avait dit hier qu'elle était sa princesse et qu'il avait suivit son parcourt mais elle avait encore peur de le voir disparaître, s'envoler, se perdre dans la nature. Un jour, un matin, elle s'était levée et elle n'avait plus de père. Tout simplement. Cette idée qu'il puisse partir de nouveau la dévorait. Peut-être même plus que l'idée d'une rupture avec Benett, quoiqu'elle ne voyait aucune raison à ce que leur histoire prenne fin. Soit.

Quand elle tombe sur cette femme, sur cette élégante rousse qui porte un badge annonçant qu'elle est chirurgienne, Lisa espère avoir trouvé quelqu'un capable de la renseigner. Les chirurgiens doivent bien se connaître entre eux, tout de même. Lisa entend dans son accent que cette femme n'est pas d'ici, peu importe. Du moment qu'elle a les renseignements dont Lisa a besoin. Pourquoi veut-elle voir Sloan Hampton ?

«- J'ai besoin de le voir... Après avoir donné dix-sept ans à l'état, il doit pouvoir accorder cinq minutes de son temps à... sa fille.» répond la demoiselle en se mordant la lèvre inférieure, baissant la tête.

Son cœur bat la chamade et elle essaie de se calmer. Dix-sept ans, dis-sept ans sans le voir, sans qu'il ne lui écrive, sans qu'il ne lui réponde. Elle 'na peut-être pas eut raison de venir ici, elle ne sait pas.

«- Il est resté loin de moi dix-sept ans. N'a pas répondu à mes lettres. Maintenant qu'il est de retour en Allemagne...»

Elle se tait, laissant cette phrase en suspend. Elle a besoin de le voir, de lui parler, de s'assurer qu'il ne va pas se barrer de nouveau, qu'il ne va pas l'abandonner. Et elle se rend bien compte à quel point ses vieux démons contre son père sont loin d'être terminés.

Lisa avait peur, cette peur panique que son père quitte de nouveau sa vie, qu'il reparte, qu'il l'abandonne encore une fois. Elle ne pourrait pas l'accepter, pas le supporter, pas le lui pardonner. Et alors que la veille elle s'est mise dans tout ses états face à lui, à lui dire tout ce qu'elle avait sur le cœur, aujourd'hui Lisa est surtout une petite fille apeurée, au bord des larmes, à l'idée d'être encore abandonnée. A l'idée que son père puisse de nouveau sortir de sa vie, comme si de rien n'était, comme si elle ne l'avait pas croisé. Elle n'a pas envie qu'ils vivent chacun de leur côté. Non, les choses ne sont pas simples et oui elle lui en veut. Mais la rouquine a passé dix-sept ans à attendre après lui. Un geste, un mot, un sourire, un retour. Elle avait apprit à vivre avec cette blessure au fond de son cœur mais le revoir avait ravivé la douleur avec une telle violence qu'elle ne supporterait jamais que l'homme parte une seconde fois. Et cette idée l'inquiétait. C'était pour cela qu'elle devait absolument voir l'homme, pour cela qu'elle devait lui parler, qu'elle devait lui dire, au besoin le lui répéter, qu'elle n'avait pas envie de ne plus le voir, qu'elle n'avait pas envie qu'ils mènent leur barque chacun de leur côté. La demoiselle avait envie de le voir, envie de rattraper ce temps perdu au contraire et elle avait ce besoin de le lui dire. Ou de s'assurer qu'il était toujours là, peut-être.

Comme cette femme lui indique que Sloan ne peut pas la voir parce qu'il est en intervention. Évidemment. Encore quelque chose qui passe avant sa fille, il faudra qu'elle s'y habitue vraisemblablement. Un peu amère elle n'ose pourtant pas répondre à cette femme. Elle n'ose pas laisser éclater sa frustration, gardant celle-ci pour elle, essayant de la contenir, en espérant que l'intervention est presque terminée et qu'elle pourra le voir, avant ses cours ou avant son entraînement. Lisa est prête à moduler sa journée pour le croiser. Mais elle doit le voir. Pourtant elle accepte de suivre cette femme, quand cette dernière propose de se rendre dans une salle de repos. Parce que cette rousse a l'air agréable, gentille et douce. Et qu'elle est rassurante en fin de compte.

«- Lisa.» répond simplement la demoiselle.

Emboîtant le pas à la dénommée Bonnie, Bonnie Bowden si elle en croit le badge que cette femme porte, Lisa la laisse la conduire à une salle de repos désertique. Et à peine arrivée, la jeune femme se laisse tomber sur une chaise en soupirant, le regard rivé sur le mur lui faisant face.

«- Vous avez connu votre père vous ? L'miens s'est tiré après le divorce... » souffle la demoiselle. «Hier je l'ai recroisé pour la première fois. Depuis dix-sept ans. Dix-sept... Une nuit la porte a claquée, le lendemain il était plus là... Je lui en veux et... je voudrais lui en vouloir plus que ça mais... ça reste mon père.»

«- Enchantée Bonnie.» répond Lisa, un peu gauche, un peu raide, la voix légèrement tremblotante encore.

Parler au calme. Pour sûr, Lisa a besoin de parler, de se confier, de vider son sac. D'une oreille attentive pour l'écouter. Pourtant, elle a vu Arthur la veille et si elle a besoin de parler elle sait très bien qu'elle peut le voir à n'importe quel moment et qu'il sera toujours là pour elle. Mais Arthur n'est pas là. Lexa non plus. Et cette femme, même sis Lisa ne la connaît pas, est présente, prête à écouter les peines de la demoiselle, prête à écouter ses confidences et elle est douée pour mettre les gens en confiance. Parce que Lisa la suit sans opposer la moindre résistance, docilement, dans les couloirs de cet hôpital. Une autre personne l'aurait foutu dehors et peut-être qu'avec une autre personne, Lisa se serait tout de même introduit dans les couloirs pour retrouver son père. Ou elle aurait sorti un genre de carte professionnelle, les avocats ont bien ce genre de droit. Même si elle n'est pas avocate et qu'elle n'a pas encore terminé ses études, en soit.

La demoiselle finit par entrer dans une salle que lui indique Bonnie. Là, elle ne se fait pas prier pour se poser une une chaise, ou se laisser tomber sur cette dernière plutôt. Et elle commence à parler, à dire un peu de sa peine, un peu de ce qu'elle a sur le cœur. La jeune femme a besoin de se confier et elle aura probablement besoin de temps pour soigner ses blessures, pour dire tout ce qu'elle a sur le cœur. Il faudra peut-être qu'elle parle de tout ça plusieurs fois, qu'elle accepte plusieurs points de vue, qu'elle se laisse aider par les autres. Ils peuvent être d'un grand secours. Même si elle ne le voit pas forcément tout de suite, même si elle a l'impression de ramer. Et envie – non, besoin – de voir Benett, d'entendre que tout va bien aller. Mais Benett n'est pas là dans l'immédiat. Alors c'est à cette femme que Lisa se confie, à cette femme qu'elle dit ses peines, auprès de cette inconnue qu'elle cherche un peu de réconfort.

«- Je vois... On va dire qu'on était pas premières le jour de la distribution des supers papas.» répond la jeune femme d'un ton amer.

Même si pour le coup, pour sa part, elle a eut une maman géniale. Une maman présente pour elle et qui l'a aidée à grandir, quand elle n'avait plus de père. Une maman qui a prit son éducation à bras le corps et lui a donné tout l'amour dont une enfant peut avoir besoin.

«- Ils ont divorcé. Il est resté en Allemagne deux ans puis il est parti faire la guerre. L'Irak j'crois. Il m'en a parlé hier mais c'est pas ce que j'ai le mieux retenu. Et... et ça semble dingue que... en 14-18, ils envoyaient des nouvelles à leurs familles. C'est pas comme s'il ne pouvait pas m'envoyer au moins une lettre ! De temps en temps... Il dit qu'il a suivit mon parcours et que je suis sa princesse mais... Mais il n'a jamais voulu reprendre le contact. Hier... il m'a croisé par hasard et... et j'ai peur qu'il reparte. Il n'est pas revenu pour moi. Qu'est-ce qui le retiendrais ici ?»

Une nouvelle compagne peut-être et un fils, que Lisa ne connaît pas et dont elle n'a pas encore conscience de l'existence.

La jeune femme soupire. Ouai, c'est clair, certaines personnes sont pas faîtes pour être père. Comme celui de cette femme. Comme Sloan. C'est son père et pourtant, Lisa a l'impression de ne pas le connaître. Elle a pas de père. Gabi en a un. Il est peut-être pas toujours là, pas toujours au top, souvent prit par son boulot et trop sur le dos de sa fille, mais il est là, il l'aime, il s'inquiète pour elle. Pas foutu de voir que les conneries de sa fille sont un appel à l'aide pour qu'il fasse attention à elle. C'est pas forcément le meilleur des pères à entendre Gabi. Mais au moins, en soit, il est là. Il la fait chier mais il est là. Lisa aurait aimé qu'un homme la "fasse chier". Qu'il l'empêche de sortir, de mettre certaines tenues, par peur pour sa fille, par peur du monde extérieur. Alors ouai, la situation de Gabi n'est pas cool et elle a un père absent que Lisa ne croit pas connaître, mais un père qui essaie de faire vivre sa famille. Lisa n'imagine pas que la famille est loin du besoin, même si Gabi a toujours tout ce qu'elle veut, matériellement. Même si Louise est toujours très classe quand elle vient. Lisa s'imagine que y'a une affaire à faire tourner, un business, quelque chose qui justifie cette absence et qu'finalement, ça part d'un bon sentiment. Foiré, mais bon quand même.

"- Même deuxième, j'aurais aimé hein. Mais non. On a prit la fin du panier, ce qui restait." répond la demoiselle en fixant le sol.

Quelqu'un pour remplacer ce père ? Pour compenser l'amour qu'il ne lui avait pas donné ? Un tas de monde. Lisa ne peut pas dire qu'elle ai manqué d'amour, certainement pas. Elle avait reçut tout l'amour que l'on est en droit d'attendre au cours d'une vie si jeune. Mais elle avait manqué d'un père et rien, à son goût, ne pouvait rattraper cela, ne pouvait compenser ce fait.

"- Ma mère. Mes amis. Mais ce n'est pas pareil que d'avoir un papa. Enfin je crois, pour ce que j'en sais vous savez..." répond la jeune femme.

Elle a mal à la gorge et ses yeux la piquent un peu, d'avoir pleuré cette nuit et ce matin, encore un peu. Lisa soupire en reportant son attention sur son interlocutrice. Oui, elle avait eut une mère super, et elle n'avait jamais manqué de lui dire. Lisa observe son poignet gauche. 02.05.95. Sa date de naissance, sa première rencontre avec sa mère. Son regard remonte et accroche son doigt enveloppé d'une légère protection, pour ne pas risquer d'avoir mal, pour ne pas risquer que les doigts frottent trop l'un contre l'autre. Parce que son annulaire est boursouflé. Nouveau tatouage. Une rose, cette fois. Très symbolique. Parce qu'elle a manqué d'un père, mais elle a du monde à aimer.

"- J'sais pas, il est parti que deux ans après. Pendant ces deux ans j'ai pas eut plus de nouvelles ou de visites que par la suite. Alors... alors j'sais pas, princesse c'est vite dit, un tas d'monde le dit à une copine qu'ils trompent après tout. Un tas d'gars l'disent sans l'penser, comme un mot magique, un mot pansement à mettre sur les problèmes."

Lisa renifle. Elle laisse cette femme lui prendre les mais doucement, acceptant le contact avec cette dernière, acceptant que celle-ci tente de la consoler. Lisa redresse la tête afin de croiser son regard. Elle ne dit pas un mot pendant quelques secondes, se perdant seulement dans les iris de son interlocutrice. Peut-être qu'elle a raison, peut-être qu'elle doit simplement prendre sur elle et aller voir son père. Le voir et lui avouer qu'elle a peur, qu'elle est terrifiée, comme cette enfant dans la nuit qui entend la porte claquée et qui ne comprend pas encore que toute sa vie a changé. Peut-être qu'elle devrait aller lui dire, lui dire que sa princesse a besoin de lui, lui dire qu'elle a peur qu'il parte, peur qu'il l'abandonne, peur qu'il sorte de sa vie.

"- Je comprend seulement pas... pourquoi il est parti quinze ans. Et que je ne l'ai pas vu pendant dix-sept. Il était encore en Allemagne pourtant ! Et... et là-bas, sur le front... si j'avais eut un accident. Si j'étais morte. Si je m'étais marié. Il ne l'aurait peut-être pas sût à temps. Il n'aurait pas put être là. Et tout ce temps, ce temps perdu, on ne le rattrapera jamais. C'est finit, foutu, envolé. Des années qu'il m'a dérobé... Des années à l'attendre. Il aurait put m'arriver un tas d'trucs, il aurait put LUI arriver un tas d'trucs. Et on ne se serait pas revu. Pas revu à temps. C'est long, dix-sept ans..."

Non, Lisa n'avait pas trop à se plaindre dans le fond c'était vrai, elle avait eu sa mère pour l'aimer, pour l'élever, pour l'éduquer. Une maman qui avait fait d'elle la femme qu'elle était aujourd'hui et qui lui avait donné tout l'amour dont elle avait besoin alors que son père avait fuit. Oui sa maman avait assuré largement à la place de son papa, elle ne devrait pas se plaindre mais elle avait tout de même manqué de son père, elle ne l'oubliait pas et ne l'oublierait jamais. Oui elle devrait profiter, elle devrait profiter du temps qu'ils peuvent désormais passer ensemble, du fait que son papa soit revenu dans les environs, qu'elle puisse non pas rattraper le temps perdu totalement, trop de temps a passé, mais elle peut désormais profiter du temps qu'ils ont. Oui, elle doit aller de l'avant.

«- Oui j'ai eut ma mère c'est vrai et d'autres n'ont pas cette chance j'en suis consciente, j'imagine que je dois me satisfaire de ce que j'ai, de ce que j'ai eut et avancer. Mais ce n'est pas si facile que ça... » répond la demoiselle.

C'était en elle, c'était constant, une certaine émotion, une certaine sensation, celle d'en vouloir à son père. Elle devait d'abord trouver la force de la pardonner, la force d'aller de l'avant, la force de faire un trait sur les erreurs du passé. Cela dit la jeune femme a raison, si son papa a effectivement gardé un œil sur elle au cours des dernières années alors elle devrait effectivement considérer que l'homme n'est pas si horrible et elle peut peut-être encore compter sur lui comme le dit si bien Bonnie, elle ne sait pas.

«- Non c'est vrai les mots... ce n'est pas ce qui compte pour moi c'est trop facile aujourd'hui de dire qu'il est désolé mais j'ai besoin de concret, j'ai besoin qu'il soit là. D'actes. J'ai besoin qu'il prenne des initiatives, qu'il... se manifeste !»

Mais son papa n'est probablement pas un mauvais bougre et inconsciemment, tout au fond de son cœur, la demoiselle le sait, elle en a parfaitement conscience alors que cet homme est partit à la guerre pour son pays, qu'il a affronté des horreurs pour le bien de sa patrie, pour le bien des populations. Elle sait cela et en prime l'homme est chirurgien avec le désir de sauver des vies, il ne peut pas être un mauvais homme comme le lui fait remarquer Bonnie. Non, il est seulement un mauvais père. Et au-delà, un père absent, en soit. Même sur le front, il aurait put écrire à sa fille. N'avoir aucun contact... le lui imposer... c'est dur pour une enfant et c'est cela le plus difficile pour elle, c'est qu'il lui avait imposé son choix, sa vie, elle n'avait pas eut son mot à dire, il était parti, il avait prit sa décision pour lui, tout seul, sans se soucier d'elle.

«- J'aurais voulu un mot, une lettre, de temps en temps. Quelque chose pour me dire que mon papa pensait à moi, pour me dire qu'il était toujours vivant, que j'étais toujours dans son cœur. Il a prit ses propres décisions mais il n'était pas le seul concerné, il y avait... il y avait uen enfant de six ans dans l'équation et... c'est dur de penser qu'il a préféré ne pas s'occuper de moi toutes ces années... »

Il est certainement un homme bon pour avoir un tel emploie mais un bon père, non, la demoiselle ne peut pas dire cela, tout du moins pas encore. Elle pourra peut-être lui donner une chance mais pas tout de suite en tout cas.

« Et vous avez pardonné à vos parents ou jamais ? Vous savez sur qu'elle intervention il travaille là et s'il en a pour longtemps ?»

La jeune femme avait vraiment l'impression que sa vie, sur certains points, n'avait pas été des plus simples, mais elle avait également conscience du fait qu'elle n'était pas la plus à plaindre et que d'autres, de par le monde, avaient probablement vécut bien pire. Certains enfants subissent les coups, la famine, la guerre, parfois plusieurs sévices. Elle, elle avait seulement manqué d'un père. Ce n'était pas le bout du monde, c'était probablement même un peu égoïste dans le fond de se focaliser là-dessus en oubliant les malheurs, plus graves, touchant d'autres personnes. Certes, mais... le monde n'est il pas dans le fond toujours un peu égoïste quand les problèmes viennent à lui ? Lisa n'était pas parfaite après tout.

«- Je sais qu'elle ne l'est pas.» soupire la demoiselle en fixant le mur qui lui fait face.

Mais cette femme a raison, elle doit profiter de son père tant qu'elle le peut, tant qu'il est ici avec elle, aurpsè d'elle, avant qu'il ne se décide à repartir ou que la vie, malheureusement, les sépare. Car comme elle l'avait dit en le retrouvant  on ne sait jamais ce que la vie nous réserve et il est facile de se laisser surprendre. On croit avoir toute la vie devant soit et celle-ci nous prouve le contraire. N'importe quoi peut arriver. Comme Lisa l'avait dit à son père, en dix-sept ans, elle aurait put mourir. On ne sait jamais. Un accident est vite arrivé. Mais si cela est vrai pour elle, cela l'est également pour son paternel et rien ne lui garantie que dans cinq ans il sera encore là. Puisque la vie a décidé de le lui rendre, autant se focaliser sur ce qu'il y a de bien à le revoir, sur l'idée de profiter de lui, que de se laisser ronger par les regrets.

Être aidée par cette femme ? Lisa ne sait pas, peut-être pas tout de suite. D'abord elle veut voir si son père viendra vers elle tout seul. S'il ne le fait pas, alors la jeune femme avisera mais dans l'immédiat... dans l'immédiat elle préfère attendre que Sloan fasse un premier pas. En espérant qu'il ne la déçoive pas, évidemment.

«- Peut-être... plus tard. Je voudrais d'abord voir s'il... s'il vient vers moi tout seul, sans aucune intervention extérieure.» explique la demoiselle. «Voir s'il a vraiment envie de se racheter de ces années, si je compte vraiment pour lui, si... j'ai peur qu'en le conseillant on altère son jugement et que ce ne soit plus alors tout à fait sa démarche.» objecte la demoiselle. «Enfin, je ne sais pas, c'est comme cela que je vois les choses.»

Et elle changerait peut-être d'avis, probablement à vrai dire, si son père ne revenait pas tout seul vers elle mais la petite fille qu'il avait abandonné derrière lui, ce soir-là, espérait vraiment que son père aurait la présence d'esprit d'agir, de revenir vers elle. L'envie de le faire, aussi, lui qui assurait la considérer comme sa princesse et avoir suivie son évolution au cours des dernières années.

Lisa hoche la tête comme son interlocutrice lui conseille de parler à Sloan, de dire à ce dernier tout ce qu'elle a sur le cœur, le poids et la douleur de ces années passées loin de lui. Elle avait eut une mère exceptionelle mais àa n'empêchait en rien les erreurs de son père, des erreurs marquantes, qui continuaient de se jouer d'elle aujourd'hui en lui faisant se poser milles questions, alors même qu'il était revenu.

«- Je comprends. J'imagine que l'on ne peut pas tout pardonner à ses parents sous prétexte qu'ils sont nos parents, même si je ne sais pas vraiment ce par quoi vous êtes passés... Si vous avez besoin de parler...»

Lisa comprend surtout que cette femme a souffert d'un gros manque d'affection et d'attention de la part de ses parents mais elle n'en sait pas plus et ne sait pas vraiment si Bonnie a envie de s'étaler sur le sujet. Pourtant elle lui propose de le faire. Après tout cette femme l'a écoutée, elle, Lisa peut tout de même lui rendre la pareille.

«- Je comprends... J'attendrais la fin de l'intervention, ce n'est plus si urgent. J'ai attendu dix-sept ans, je peux attendre quelques minutes ou heures de plus.»

La demoiselle hoche la tête face aux paroles rassurantes de son interlocutrice. La demoiselle avait besoin, quelque part, d'entendre ces propos plein de sagesses et de sincérité. Elle n'es pas forcément capable de démêler seule toute cette histoires et les sentiments qui l'assaillent, avoir un regard étranger sur toute cette question n'est pas un problème pour elle, c'est même plutôt d'une grande aide pour la jeune femme. Cela l'aide à faire un peu le vide dans le flot désagréable de ses pensées. La demoiselle avait bien du mal à tout gérer, faire le point, suite au retour de son père dans sa vie. Elle n'osait même plus espérer celui-ci, depuis des années et... voilà qu'il était revenue dans son existence. Lisa n'arrivait pas à y croire alors que pendant des années il n'avait jamais répondu à ses lettres.

«- Oui je pense qu'il aura peut-être besoin... qu'on l'aide un peu. C'est vrai que les hommes ont parfois besoin.. qu'on les bouge un peu. Mais je ne sais pas... Je voudrais d'abord voir s'il se rend compte de ses erreurs tout seul ou si ce n'est pas le cas. Je voudrais voir d'abord s'il fait le premier pas lui-même...»

Mais cette femme a proposé son aide et elle est gentille. La jeune femme n'oublie pas cela et elle avoue que cette fille a parfaitement sût l'apaiser sans même la connaître. Tandis qu'elle avait vidé son sac auprès d'elle sans se poser de question ni même manifester la moindre réserve. Elle lui avait parlé comme si elle avait parlé à une meilleure amie.

«- Je me souviendrais de ta proposition. Si ça ne va pas.»

Lisa rend la pareille à son interlocutrice cependant, en écoutant les tourments de cette dernière, l'écoutant parler de ses problèmes d'enfant. Et elle ne comprend pas comment des parents peuvent faire subir se genre de choses à leurs enfants. La demoiselle n'en revient pas. Pour elle il est intolérable d'imaginer que son interlocutrice ait put être aussi mal traité qu'une Cendrillon des temps moderne. Cela semble absolument dingue. Et insupportable en un sens.

«- Oui je... j'ai toujours quelque chose de fort pour lui car malgré tout il reste mon père effectivement.»

Elle hoche la tête comme son interlocutrice déclare qu'elle aura toujours des problèmes. Après tout les ennuis font partis de la vie c'est bien connu, la jeune femme ne le sait que trop bien. Et dans un même temps elle voudrait tant que ce ne soit pas vrai. Mais elle n'est pas seule et elle pense à Arthur, à sa mère, à Benett naturellement.

«- Je ne suis pas seule... je peux même dire que je suis bien entourée.» se contente-t-elle de répondre. «Un enfant ? Et vous ne parlez pas de votre compagnon ? Du père ?»

Lisa a des tas de questions elle ne sait pas ce qui peut bien se passer dans la vie de cette femme pour que cette dernière ne mentionne pas le fait que son mari soit avec elle. Pourquoi ne parle-t-elle donc que de son frère dans une telle situation, telle est la question et la curiosité de Lisa est piquée au vif, elle lèvre un sourcil vers elle. Dans un même temps, en elle, s'active un flair particulier. Le flair de l'avocat. La jeune femme sent qu'il se cache quelque chose, derrière ces propos, quelque chose de plus que la simple présence d'un frère dans une grossesse. Et elle ne sait pas quoi, mais c'est bien ce qu'elle veut découvrir, si cette femme la laisse faire : ses non-dit.