Nos besoins sont nos petits rêves quotidiens ಎ ISHAAN ༝ NINA

Nos besoins sont nos
petits rêves quotidiens

« Parce que nos besoins sont nos petits rêves quotidiens. Ce sont des petites choses à faire qui nous projettent à demain, à après-demain, dans le futur ; ces petits riens qu'on achètera la semaine prochaine et qui nous permettront de penser que la semaine prochaine, on sera encore vivants. » – La liste de mes envies, Grégoire Delacourt


Quand le besoin d’extérioriser pour se libérer se faisait ressentir, Nina avait pour habitude de gravir les plus difficiles murs d’escalade de la salle où elle était inscrite depuis plusieurs années. Son harnais pour unique soutien l’obligeait à choisir les bonnes prises et à se faire confiance pour ne pas chuter. C’était à la fois un défi qu’elle s’imposait, mais aussi sa manière à elle de s’obliger à se faire confiance. Ainsi, en une semaine, Nina s’était rendue à la salle à pas moins de quatre reprises – elle y serait sans doute allée davantage, si son emploi du temps le lui avait permis. Cependant, avec un petit garçon de pas même trois ans et un travail prenant, Nina avait dû trouver d’autres façons d’extérioriser et de museler la culpabilité qui germait dans son ventre. Le refuge qu’elle avait trouvé dans les sucreries lui avait été bien moins bénéfique que sa sortie au parc le mercredi après-midi avec Elias, mais lui avait permis de patienter jusqu’à la fin de semaine, jusqu’à cette soirée si attendue où elle rejoignait enfin Ishaan.

Au milieu de leurs échanges fréquents, Nina avait interrompu l’envoi de messages au profit d'un appel. Non sans avoir répété au préalable, la trentenaire avait fini par demander, de vive voix, à celui qui s'apparentait le plus à un meilleur ami pour elle, s'il était disponible prochainement pour une soirée tous les deux. Le réconfort d’Ishaan s’était fait entendre dans sa seule façon de répondre et, rapidement, un dîner ce vendredi avait emporté tous les suffrages pour qu’ils se retrouvent.

Face à la perspective de cette soirée, Nina s'était préparée avec le cœur un peu plus léger. Ses cheveux parfaitement lissés tombaient de part et d'autre de son visage alors qu'elle passa son blazer avant d'attraper les sacs posés dans l'entrée et la main de son fils.

– « Oma m'a dit que vous alliez faire soirée télé. Hot-dog devant un dessin-animé. Je dois reconnaître que je suis un peu jalouse. », dit-elle à son fils en l'accompagnant jusqu'à la voiture et en l'installant à l'arrière, avant de déposer un baiser sur son le haut de son front. « Je compte sur vous pour tout me raconter demain matin ! »

La complicité d'Isabella, Nina et Elias était belle à voir. Il fallait dire qu'Isabella mettait un point d'honneur à être la grand-mère parfaite et qu'elle ne manquait jamais une occasion de faire plaisir à son unique petit-fils. Elias lui était confié sans aucune crainte et, pour être parfaitement honnête, Nina était consciente de la chance qu'elle avait d'ainsi pouvoir compter sur sa mère. Isabella lui dégageait du temps libre pour qu'elle n'oublie pas son rôle de femme au détriment de son rôle de mère, à l'instar de cette soirée qui se profilait à l'horizon.

L'appartement occupé par Isabella, situé dans le même quartier que la maison de Nina et Elias, fut rapidement rejoint. Comme à chaque fois que la trentenaire sortait, celle-ci ne s'éternisa pas chez sa mère, mais ce fut avec ce même pincement au cœur qu'elle referma la porte pour emprunter le chemin inverse. Tu as besoin d'Ishaan, tu as besoin d'une soirée à toi, furent les mots qu'elle se répéta jusqu'à retrouver son véhicule pour enfin se mettre en route jusqu'au restaurant.

Stationnée sur le parking de l'établissement, elle vérifia les notifications sur son téléphone portable. Constatant qu'elle n'avait pas de message en attente d'Ishaan, elle fut la première à se manifester en indiquant qu'elle rejoignait leur table. Ce fut chose faite quelques minutes plus tard, alors que Nina était installée sur une banquette, sa veste contre-pliée à côté d'elle, et qu'elle observait les lieux. Elle avait beau connaître l'établissement, une ambiance différente en émanait à chaque fois qu'elle venait. Sans doute était-ce en raison de la différence des personnes qui pouvaient se retrouver ici.

Nina n'eut pas l'occasion de pousser plus en avant sa réflexion que, déjà, Ishaan se présenta à elle. Un sourire sincère se nicha sur les lèvres de la brune qui se leva pour accueillir son ami dans une accolade, avant de se réinstaller.

– « Je suis contente de te voir. », révéla-t-elle avec sincérité. « Tu vas bien ? Laila aussi ? », s'enquit-elle dès qu'Ishaan fut à son tour installé.

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Nos besoins sont nos
petits rêves quotidiens

« Parce que nos besoins sont nos petits rêves quotidiens. Ce sont des petites choses à faire qui nous projettent à demain, à après-demain, dans le futur ; ces petits riens qu'on achètera la semaine prochaine et qui nous permettront de penser que la semaine prochaine, on sera encore vivants. » – La liste de mes envies, Grégoire Delacourt

Les dernières semaines n’avaient pas été faciles pour Nina. Le retour de sa sœur à Hambourg n’était pas sans conséquence sur son moral, et pour cause ; quatre ans plus tôt, Iris avait quitté l’Allemagne, laissant derrière elle un père malade qui avait fini par trépasser sans qu’il ne puisse dire adieu à la plus jeune de ses filles. Les appels téléphoniques n’avaient pas l’importance d’une étreinte chaleureuse. Les mots tendres, déformés par la technologie, n’avaient pas la chaleur de ceux susurrés à une oreille. Nina, elle, avait été là. Elle avait tenu la main de son père depuis l’annonce de son cancer jusqu’à la victoire de cette fichue maladie. Elle avait épaulé Isabella, devenue veuve, en plus de faire les démarches auprès des pompes funèbres et des administrations. À chaque instant, l’aînée des Vahid s’était montrée présente pour sa famille, à la différence d'@Iris Vahid qui briguait des rêves illusoires sans parvenir à les atteindre. Il allait sans dire qu’à cette époque Nina aurait aimé pouvoir compter sur sa petite sœur. Non seulement pour qu’elle l’aide à soutenir leur mère, mais aussi pour, qu’elle-même, reçoive ce soutien dont elle avait eu terriblement besoin. Mais Iris n’était jamais revenue et Nina avait dû puiser son soutien autre part.

Aussi, le retour d’Iris en Allemagne était pareil à une détonation. Imprévisible, bruyante et dérangeante. Elle rendait Nina mal à l’aise en plus de la renvoyer à l’une des pires périodes de sa vie. La présence d’Iris rendait l’absence d’Erik plus voyante encore. Son retour mettait en exergue toutes les erreurs de sa sœur, tout en soulignant ses propres erreurs à elle. Qu’en serait-il si la vérité sur le père d’Elias éclatait un jour ? Nina préférait ne pas y penser et se nourrir de la présence de son meilleur ami face à elle.

– « Ça va. La semaine a été longue, mais je suis heureuse qu’elle se finisse ainsi. », avoua-t-elle dans un maigre sourire. « Elias est avec ma mère ; comme tu peux t’en douter, il est aux anges. Des hot-dogs sont au programme. »

Un petit rire passa les lippes de la brune qui se tue le temps du passage du serveur. Celui-ci leur fournit les cartes et, bientôt, les yeux de la trentenaire furent rivés sur ces lignes qu’elle connaissait déjà. Manger peu de viande faisait partie de son hygiène de vie ; aucun étonnement, donc, à la voir dans pareil restaurant. Ses présélections effectuées, elle releva le regard vers son ami, les lèvres légèrement pincées.

– « J’ai toujours du mal à me faire à la présence d’Iris en ville. », avoua-t-elle. « À la limite, c’est sa vie et elle la mène comme elle veut – elle l’a bien fait jusque-là. », ajouta-t-elle dans un aparté teinté d’amertume. « Seulement… Elias est fou de joie de la savoir près de lui et je crains déjà le moment où elle repartira sans rien dire. »

Était-il opportun de parler de ceux qui partent sans rien dire ? Nina se rendit compte de son manque de tact à cet instant précis et s’excusa d’un regard envers son ami, qui, lui-même, avait connu ce genre de personnes fuyardes et pernicieuses.

– « Pardon. C’était peut-être… Mal venu. »

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