See you again feat. Lisa Hampton

C'était un peu le chaos au cabinet depuis qu'on avait annoncé qu'un gala allait se tenir. C'était assez étrange comme chose à faire ici, mais apparemment, c'était un projet venait d'un avocat plus âgé qui souhaitait réunir toutes les personnes ayant travaillés ici ou fait un stage. Julian trouvait que c'était une excellente idée, mais jamais il n'aurait pensé que cela cause autant de remue-ménage dans un endroit assez silencieux d'habitude. C'était difficile de recevoir leurs clients alors que des tables s'installaient là où il avait de la place, ainsi que des chaises pour que les gens puissent se poser en cas de besoin. Bref, Julian était dépassé par ce qu'il se passait et ne pouvait qu'espérer que tout se passe bien. Il n'y aurait pas grand-monde, mais les invités pouvaient venir avec leur autre moitié, voire même leurs enfants s'ils sont assez vieux. Pas de gamins pour ne pas risquer la casse.

Le matin du gala, Julian s'était levé plus tard que d'habitude, la journée de boulot ayant été annulée pour les derniers gros préparatifs. Apparemment, l'organisateur préférait que tout soit prêt et que tout le monde arrive à l'heure mais les clients avec leurs affaires, ça pouvait bien attendre lundi. Ce genre d'événement voulait dire qu'il allait devoir se taper un costard, comme tous les jours dans sa vie, mais cette fois-ci, il allait très certainement faire tomber du cake ou autre dessus. Ses animaux le regardait avec ennui alors qu'il prenait ses dernières affaires, prêt à partir en pleine après-midi pour aider à installer les plats. C'était bien son genre ça, de faire des promesses pour ensuite les regretter. Il aurait pu être encore chez lui, dormir un peu plus, jouer avec ses animaux de compagnie, mais non, voilà qu'il se retrouvait au cabinet à quinze heures pour suivre les directives d'une préparatrice un peu trop stressée et prête à casser quelque chose.

Les gens commencèrent à arriver vers les vingt heures, comme il avait été indiqué sur les invitations. Personne n'était en avance, et Julian les remerciait parce qu'ils venaient de terminer de réparer une chaise qui avait été cassée parce que quelqu'un était monté dessus pour accrocher une banderole idiote au mur. Heureusement que celle-ci était jolie et simple, sinon ça aurait été stupide de passer si près de la mort pour ça. Il revoyait encore sa collègue chuter, la pauvre. Julian accueillit avec les autres avocats les arrivants, et quand le monde commença à se former, il se retira vers la nourriture. Il résistait depuis des heures déjà, mais là, il n'en pouvait plus. Armés de petits fours qu'il tentait d'enfourner dans sa bouche autant que possible, il partit vers la table où se trouvait les boissons, se servant un verre de soda. Il évitait l'alcool pour le moment, ne voulant pas commencer trop tôt à se bourrer la gueule. Simple précaution ; ça restait son lieu de travail et des collègues dont il n'était pas toujours proche. Il fut plus qu'heureux quand il repéra alors une personne qu'il appréciait. « Lisa ! » l'appela-t-il en s'approchant, avalant le petit four qui se trouvait encore dans sa bouche. « Je ne savais pas que tu venais ce soir, je suis content de te voir. » Lisa avait été une stagiaire sérieuse et travailleuse chez eux, et Julian ne gardait que de très bons souvenirs d'elle. Quelque fois, elle lui téléphonait ou lui envoyait des mails pour lui demander des conseils, mais ils ne se voyaient pas vraiment, leur relation étant plus professionnel qu'autre chose, forcément.

La jeune femme rentre de sa journée de cours en lançant un simple «salut» empressé à sa mère, installée dans le canapé à feuilleter un magazine. La demoiselle n'a pas de temps à perdre, il est déjà plus de dix-huit heures, presque dix-neuf et ce soir la rouquine est de sortie alors qu'elle doit retrouver un cabinet dans lequel elle a réalisé un de ses stages, par le passé. L'étudiante a reçut un carton d'invitation pour une soirée et naturellement elle entend bien se rendre à ces festivités, sachant bien, naturellement que ce genre de choses sont d'excellents moments pour être présentés à des juges, des avocats et accroître le cercle de ses relations. Ces mêmes relations qui sont toujours utiles pour les avocats. La demoiselle a donc prévue une jolie robe noire, classe et simple pour l'occasion. La jeune femme n'aime pas forcément se faire remarquer dans la vie de tout les jours, même si elle fait de la photo et du patinage, qui implique que les regards soient posés sur elle. De fait, Lisa a prévu une robe simple qui ne devrait pas trop attirer l'attention avec cette couleur neutre, passe partout. Pourtant son métier implique qu'elle ne reste pas trop en retrait non plus.

Arrivée sur place, la demoiselle accepte une coupe et un petit four, en faisant le tour des personnes présentes, saluant quelques connaissances d'un geste de la main s'ils sont trop loin. Lisa connaît pas mal des personnes qui sont ici, pourtant, il lui faut attendre cinq minutes avant d'être finalement abordée, tout le monde étant déjà occupé à discuter. Et c'est la voix de Julian qui vient la sauver de l'ennuie, alors que le quarantenaire prononce son prénom avant de la rejoindre, disant ne pas savoir qu'elle devait venir.

«- Mille excuses, la prochaine fois qu'un gala est organisé pour le personnel et les anciens, ainsi que les anciens stagiaires, je penserais à t'envoyer un message pour te rappeler que tu m'a eut dans les pattes ici, pendant quelques temps !» répond la demoiselle avec humour. Après tout le soirée concernait toutes les personnes qui avaient un jour travaillé ici et elle en faisait parti, puisque tout deux s'étaient connus comme cela. «Mais dis moi plutôt comme tu vas !?» s'enquit elle.

Lisa est proche des gens, elle cherche toujours à savoir ce qu'il y a de nouveau dans leurs vies. Ce qu'ils font de beau. Tout du moins quand elle peut se permettre de poser une question comme cela à son interlocuteur, ce qui est le cas avec Julian au vu du contact qu'ils ont gardés, tout les deux, après le stage de la rouquine. La question sous-jacente c'est aussi de savoir s'il y a du nouveau dans l'existence, alors qu'elle le sait veuf : des collègues de bureaux n'avaient pas sût tenir leurs langues à ce sujet et devant une personne si généreuse, Lisa ne pouvait qu'espérer pour Julian qu'il allait rencontrer une personne avec qui avancer de nouveau et faire son bonheur.

Julian ne pouvait pas vraiment dire qu'il s'ennuyait, après tout, il y avait de la nourriture et c'était déjà le bonheur pour lui. Il avait discuter avec quelques personnes, il n'était pas complètement associable, bien au contraire, mais ce genre de gala où les gens ne parlent que boulot, c'était pas sa tasse de thé. Il aimait bien en discuter, mais il aimait aussi les gens qui pouvaient débattre sur autre chose ou au moins qui pouvaient plaisanter un peu sur le sujet. Il n'était pas là pour passer sa soirée avec des gens un peu trop coincés. Heureusement pour lui, alors qu'il se baladait avec ses petits fours et à boire, il reconnut quelqu'un qu'il appréciait beaucoup. Une jeune femme, du nom de Lisa, qui avait été stagiaire pendant un temps au cabinet. Il la salua donc, surpris de la voir ici. Avec tout ces préparatifs, l'idée qu'elle vienne ne lui avait même traversé l'esprit. « Ah, qu'est-ce que tu veux, avec mon grand âge, je commence à perdre la tête. » plaisanta-t-il, sachant très bien que sa mémoire allait parfaitement bien. Il se faisait peut-être vieux, mais il avait encore quelques capacités, et dans son métier, c'était presque obligé. « Plutôt bien, c'est assez calme en ce moment ici. On n'a aucun petit stagiaire pour nous tenir compagnie. » Encore une petite plaisanterie, Julian sachant très bien qu'il pouvait se le permettre avec Lisa. « Et toi ? De la nouveauté ? » Ils n'étaient pas les meilleurs amis du monde, mais ils avaient passé un peu de temps à discuter quand même. Aucuns grands secrets n'avaient été dévoilés, mais peut-être que ce soir, les discussions allaient s'aventurer dans des eaux un peu plus troubles.

Un bruit sourd attira soudainement l'attention de Julian qu se retourna pour voir ce qu'il se passait. De nombreux scénarios sur ce qui avait bien pu se passer se formaient déjà dans sa petite tête, et ses doutes se confirmèrent lorsqu'il aperçut par terre une des banderoles. En tombant, celle-ci avait entraîné une des bouteilles de soda qui s'était forcément retrouvée par terre. Sa collègue qui avait installé cette chose au mur jura près d'eux alors qu'elle allait, avec deux autres collègues, remettre le tout à sa place. Lâchant un petit rire en voyant cette scène plus que ridicule, il reporta de nouveau son attention sur Lisa. « Eh bien, que de péripéties ce soir. Qui sait, peut-être qu'il se passera des trucs encore plus intéressants par la suite. » Et plus particulièrement, il rêve de voir chuter une des juges qui venait d'arriver il y a à peine dix minutes. Il ne l'avait jamais apprécié, et c'était encore plus le cas ce soir là. Alors que tout le monde était bel et bien venu habillé élégamment, mais sans vouloir attirer trop l'attention, elle était avec une robe bien trop cher et trop voyante. C'était comme si elle criait bien haut et fort ''regardez-moi, je suis quelqu'un d'important, j'ai de l'argent et sûrement beaucoup plus que vous tous réuni.'' Ou du moins, c'était ce que ressentait Julian en la voyant dans cette chose jaune. Qui portait du jaune, franchement ? Surtout aussi mal. Mais bon, Lisa était bien plus intéressante que cette vieille femme alors il se concentra de nouveau sur elle, grimaçant en lui montrant du regard ce qui avait attiré le sien. « Quelle horreur. Mais reprenons sur des choses plus passionnantes. » La pauvre avait été coupée en plein milieu de son petit discours, après tout.

La jeune femme a un petit rire comme elle déclare que la prochaine fois elle prendra soin d'envoyer un message à son interlocuteur pour le préparer psychologiquement à la voir, en lui rappelant qu'elle a en effet fait parti du cabinet pendant un cours laps de temps, étant stagiaire ici autrefois. Et cela avait été formateur et plaisant de travailler ici. D'abord parce qu'humainement elle avait enrichit ses connaissances et le cercle de ses relations. Ensuite son stage avait été très bien évalué. A cette période de sa vie la demoiselle avait eut la chance de travailler consécutivement avec Benett Rosenthal qui avait prit dans un même temps place dans sa vie et avec Julian Ludwig avec qui elle était resté en bon terme. Si bien que sa dernière année de Licence avait été agréable pour la demoiselle, une vraie bonne année sur le plan humain, social, professionnel et amoureux même si avec Benett à l'époque l'ambiance était surtout très érotique tant dans leur relation que dans l'esprit de la demoiselle. Et que ça avait dérapé, plus tard.

«- Oh je vois, le troisième âge alors c'est plus ce que c'était !» lance la demoiselle amusée en observant l'homme. «Merde, personne pour aller vous chercher le café non plus !» lance la rouquine.

Lisa répond à Julian en souriant légèrement, se souvenant de son bizutage, le premier jour de son stage. Le cabinet au complet l'avait rendu chèvre en lui demandant un nombre innombrable de cafés, lui faisant croire que c'est tout ce qu'elle ferait au cours de son stage. Ils s'étaient gentiment moqués d'elle, à ses dépends, mais Lisa avait rit, finalement. D'autres auraient peut-être fait la gueule mais Lisa avait prit le parti d'en rire et leur avait rendu la monnaie de leur pièce, le lendemain.

«- Pas grand chose, je dois faire un nouveau stage, j'ai faillis vous redemander, parce que mes professeurs m'ont dit que retourner chez vous était une bonne idée, mais j'ai croisé Monsieur Rosenthal avant toi au final du coup... Je vais chez eux.» avoue la jeune femme avec un petit sourire, en doutant fort que qui que ce soit lui en veuille pour son choix.

Alors qu'un grand bruit se fait entendre, Lisa rit en voyant la catastrophe qui vient de se produire au niveau des décorations. La jeune femme étouffe son rire tant bien que mal avant de hocher la tête à l'attention de son interlocuteur. Si la soirée commençait aussi fort, les deux risquaient de bien rigoler. Et par ailleurs, Lisa espérait que ce soit le cas, si bien sûr les événements n'avaient rien de trop graves et que personne n'en ressortait vraiment blessé.

«- Mon dieu qu'elle horreur en effet.» grimace Lisa en observant cette robe jaune canari, cocue, du plus mauvais effet.

La demoiselle n'oserait probablement jamais mettre sur elle quelque chose d'aussi laid, une couleur aussi peu saillante. Mais chacun ses goûts et ce jaune semblait plaire à la juge. Beaucoup moins à une partie des convives cependant. Et alors qu'un serveur passait près de cette femme, plateau en main, une légère bousculade le déstabilise. Alors, du vin se répand sur la robe jaune de la juge et Lisa détourne la tête en riant.

«- Allez avoue... combien as-tu payé ce pauvre homme pour qu'il ruine cette robe ? » demande la jeune femme amusée, riant sous cape, en posant le regard sur son interlocuteur, évitant soigneusement de regarder le massacre plus loin, pour ne pas se faire repérer à rire alors que le pauvre serveur pour sa part commence déjà à passer un sale quart d'heure.

Lisa, il s'en rappelait forcément plus que bien. Ils n'avaient pas énormément de stagiaire dans le cabinet, et quand c'était le cas, tout le monde était minutieux et sérieux. Pas que d'habitude ce soit le gros bordel ici, mais quand quelqu'un venait en tant que stagiaire, il y avait toujours cette envie de bien faire, de montrer les bons côtés du métier. Bien entendu, les mauvais côtés étaient constants, mais ils avaient tout de même fait de leur mieux pour qu'elle soit bien à l'aise. Tout en l'embêtant un peu, parce qu'une stagiaire, c'est un peu le moment pour pouvoir profiter de la position de quelqu'un qui ne peut rien vous refuser. Ce n'était pas méchant, vu qu'en général, ils l'embêtaient surtout pour aller chercher des cafés toute la journée. Et avec le temps, ça s'était un peu calmé et les gens en oubliaient même qu'elle n'était pas là pour toujours.  « Si tu savais à quel point les voyages jusqu'à la cuisine ou la machine à café me fatiguent. Je crois bien que je commence à faire de l’arthrose. » Plaisanter avec Lisa, il aimait ça. La jeune femme était sympathique et n'oubliait jamais à qui elle parlait, dans le sens où elle savait être respectueuse sans pour autant devenir lèche-bottes. Et ça, bon dieu, ça faisait un bien fou dans ce métier. Julian en avait vu passer des stagiaires, des nouveaux ou autres, et le nombre qui faisait les hypocrites derrière le dos des gens, c'était horrible. Lisa, elle ne donnait pas cette impression et il n'avait jamais eu de mauvais retours sur elle. Il ne pouvait pas non plus être complètement certain qu'elle soit comme il pensait, mais il préférait s'imaginer ce scénario qu'un autre. À son âge, il n'avait plus vraiment envie de se poser des tonnes de questions sur le vrai caractère des gens. Peut-être devrait-il, mais il n'en avait plus ni le force ni l'envie. « Oh. Tu me brises le cœur. » feignit-il en portant sa main sur celui-ci, lâchant rapidement un sourire. « J'espère que tout se passera bien pour toi. J'en doute pas, mais si jamais tu as un problème, mon bureau te sera toujours ouvert et tu as mon numéro. » Il ne connaissait pas personnellement l'autre homme mais il l'avait déjà forcément croisé. Il n'en avait pas de souvenirs particuliers, et c'était peut-être mieux comme ça ; parce que ça voulait sûrement dire qu'il n'était pas un connard. Pas dans le métier, en tout cas.

Face à l'arrivée de sa collègue qu'il détestait au point où il en était venu à l'éviter, il ne put s'empêcher de lâcher un petit commentaire cinglant en voyant sa robe jaune immonde. C'était censé être beau ? Impressionnant ? Parce que là, la plupart des invités la regardaient avec un dégoût certain. En même temps, sa robe était vraiment, mais vraiment moche. « Quoi ? Tu ne rêves pas d'avoir la même ? Mon dieu ! » ironisa-t-il, imitant comme il pouvait la voix de toutes ces idiotes qu'il pouvait voir à la télévision et qui se pensaient stylistes ou mannequins alors qu'elles ne pouvaient même pas faire deux plus deux. Dans quel monde vivaient-ils, dit donc. Et là, comme un doux rêve arrivant de nulle part, un serveur renversa du vin sur cette robe qui se colora assez rapidement de rouge sur une zone assez importante. « Oh non, j'ai été découvert. Si je te paie aussi, tu ne diras rien ? » Il ne savait pas si l'homme l'avait fait exprès ou non, mais il se faisait déjà enguirlander par la juge énervée. Heureusement, il fut sauvé par le mari de celle-ci qui venait d'arriver de nulle part, calmant sa femme et l'emmenant vers les toilettes pour tenter de rattraper le coup. Elle continuait de pester, et voilà qu'une autre serveuse essuyait les dégâts, riant discrètement avec son collègue. Il ne le savait peut-être pas, mais ce mec venait de devenir son nouveau super-héro préféré. « Tu veux aller chercher quelques à boire ou à grignoter, d'ailleurs ? Ça m'aurait presque donné soif, tout ça. » Et il aimait manger, aussi. Ça ne pouvait pas passer inaperçu, que ce soit à son boulot ou dans la vie de tous les jours ; il mangeait tout le temps. Julian, c'était un peu le mec au bureau qui avait toujours des réserves de bouffe partout, comme si une future apocalypse allait les frapper. Alors qu'en fait, il voulait juste se goinfrer tranquillement. « Sinon, comment vont tes cours ? Les amours ? La famille ? C'est bientôt les examens ou tu as encore un peu de marge ? » demanda-t-il pour reprendre leur discussion. Il posait plein de questions en même temps, lui laissant le choix de répondre à celles qu'elle voulait. Julian ne voulait que faire la conversation, tant qu'ils parlaient et que ça intéressait un minimum les deux parties, tout lui allait.

La jeune femme éclate de rire, quand elle entend l'homme dire que les voyages jusqu'à la machine à café le fatiguent et qu'il a probablement de l'arthrose. Alors qu'il n'a qu'une quarantaine d'année, ce serait tout de même dommage pour lui qu'il soit à ce point fracassé. Tout comme ce serait vraiment surprenant qu'il n'ait déjà plus de mémoire. Même s'il a, sur l'instant, oublié que la demoiselle avait fait un stage dans leur cabinet, ce qui justifiait de sa présence à la soirée de ce soir. Elle rit comme il sous-entend qu'il aurait donc besoin d'un stagiaire. Il ne le dit pas mais la jeune femme comprend sans mal le sous-entendu, puisqu'en général, tous se décident à demander au stagiaire d'aller préparer et chercher un café. Toujours. Même si la machine est à deux pas. Et le stagiaire dit rarement non, ne pouvant pas vraiment se le permettre. En général il pense trop à la note en fin de stage pour oser refuser. Et au cabinet Rosenthal... Lisa devait admettre que servir les cafés était loin d'être désagréable, quand c'est Benett qui les demandait. Tard le soir, vers 18 ou 19:00 quand les autres sont partis et que la stagiaire veut absolument terminer sa part du boulot.

«- On mon dieu, tes pauvres vieux membres mais que vas-tu faire, obligé de recruter un nouveau stagiaire, pas le choix !» elle rit. Et comme elle annonce qu'elle a un stage à faire, mais qu'elle rejoint le cabinet Rosenthal sous prétexte d'avoir croisé Benett avant – et d'y trouver un intérêt tout particulier qu'elle ne citera pas – la jeune femme rit à la mention du fait qu'elle le brise le cœur, n'y croyant pas une seconde alors qu'il a l'air de bien rire. «Oui, obligé de faire passer des auditions pour trouver un stagiaire moitié aussi bien que moi, ça va être embêtant ! Dire que j'aurais put revenir pour faire du très bon tr...café !» elle rit encore. «T'inquiète pas j'ai déjà bossé avec eux, je sais comment ça se passe. De toute façon, mes profs m'ont conseillés vos deux cabinets pour ce dernier stage mais c'est le choix que j'aurais fais moi aussi ! J'aurais hésité entre les deux vôtres.»

Et elle avait choisit celui de Benett et ce alors même qu'elle n'allait absolument pas se spécialiser dans le même droit que lui. Elle voulait surtout faire les divorces, les affaires familiales en soit. Et Benett lui était au plus près des politiques. Pourtant elle avait choisit de bosser avec lui. Un choix de cœur plus que de raison. Qui pourrait surprendre ceux qui savent exactement qu'elle branche du droit l'intéresse. Et comment justifier cela ?

«- Oh non jamais, ce jaune cocu est de si mauvais goût qu'on dirait les tenues que porteraient pas mal de mes futurs clients. La joie des divorces pour faute... » elle rit un peu. «Oula je voudrais un voyage aux bahamas tout frais payés, pour deux s'il te plaît !» répond la jeune femme amusée en songeant qu'elle partirait avec Benett si tout ça n'était pas juste une taquinerie. «En All Inclusive bien sûr !» annonce la demoiselle en riant.

Les deux vont se chercher à boire comme le propose Julian et ce dernier se montre rapidement très curieux de savoir si la demoiselle se porte bien, si les amours, la famille, les cours sont au beau fixe. Et en ce mois de février on ne peut pas vraiment dire que la jeune femme soit à plaindre au contraire. Elle adresse un large sourire à son interlocuteur.

«- Les amours ça va, ça roule.»

Lisa n'en dit pas plus, depuis trois ans dans le milieux elle évite soigneusement de dire qu'elle se tape un avocat qui a été et va de nouveau être son maître de stage. Pratique pour ce dernier compte tenu de son infidélité qu'elle ignore. Si elle fait cela c'est pour éviter les ragots, les racontars, qu'on ne s'amuse à la salir. Elle préfère ne pas dire qu'elle «est» avec un avocat comme Benett, jouant la carte de la prudence et de l'auto-protection.

«- La famille ma fois, ma mère va bien, mon père est toujours aux abonnés absents. Mais bon depuis dix-sept ans je ne m'attend plus à le voir fleurir.» annonce la demoiselle avant de poursuivre. «Pour les cours j'ai encore un peu de temps mais les examens risquent d'arriver vite tout de même. Il me tarde de finir l'université. Puis j'enchaîne sur dix-huit mois d'école pour obtenir mon barreau... et je pourrais enfin me la raconter avec notre sublime robe !» elle rit. «Et ma carte de visite ! Avocat Hampton... Ouai écoute c'est pas terrible mais on fait avec ce qu'on a !»

Maître Rosenthal serait bien plus classe. Mais elle pouvait toujours rêver pour être marié au moment de finir ses études, autant ne même pas en rêver et ce même si elle avait deux ans devant elle encore.

«- Et toi ? Tout va comme tu veux ?»

Les stagiaires, ça avait toujours été une histoire compliquée. Le premier qu'il avait eu, un jeune homme d'environ trente ans, était une catastrophe. Déjà, Julian devait avouer qu'il avait été plus que surpris de voir quelqu'un de son âge faire une stage de ce genre chez eux. Puis, il avait appris que l'homme avait presque redoublé chacune de ses années à l'université et qu'ensuite, il avait été pistonné pour faire son stage ici. C'était déjà mal parti pour lui, Julian détestant les gens qui n'avait aucun talents mais se retrouvaient au bons endroits parce qu'ils connaissaient du monde. Il avait quand même décidé de lui donner sa chance, et en fin de compte, ça s'était plutôt mal terminé. Après ce premier échec, le cabinet avait hésité longuement avant d'accepter de nouveau des stagiaires, et pendant des années, il n'y en eu aucuns. Et un jour, un autre jeune homme débarqua. Tout fraîchement sortit de l'université, il voulait faire quelques stages avant de se laisser dans le monde du travail. Avoir de l'expérience et ne pas se baser seulement sur des théories, c'était le mieux et ce, dans beaucoup de métiers. Après cette expérience, ils avaient continué et Lisa était arrivée. Et elle avait laissée sa marque derrière elle. « Oui, on tente de trouver une nouvelle victime. Paix à son âme. » dit-il en posant sa main sur son cœur, comme s'il était touché. « Trouver quelqu'un d'aussi bien que toi ? Impossible. » ajouta-t-il ensuite, mettant fin à leur série de blagues sur le sujet. Après tout, un sujet tout aussi intéressant sur une robe horrible avait pris place, et ça ne le gênait pas du tout.

« C'est vrai que maintenant que tu le dis, cette couleur est très... couleur divorcée. Son mari a compris le message, tu crois ? » plaisanta Julian en faisant les gros yeux en direction de là où ils étaient parti. « On devrait obliger nos clients à s'habiller d'une couleur par rapport à leur problème. On pourrait les classer plus rapidement, tu trouves pas ? Jaune ; divorce. Rouge ; meurtre. » Il ne continua pas, sachant très bien qu'elle avait compris la blague. C'était elle qui l'avait commencé, dans un sens, et Julian ne laisserait jamais passer une bonne raison d'être cynique. « Pour deux ? Je vois qu'on me cache des choses. » Ou alors c'était pour elle et sa mère. Ou une amie. Mais il devait bien avouer que c'était la première pensée qui lui était venue quand il avait entendu son choix de payement si jamais il voulait la faire taire. Un voyage, pas mal. Pour deux, ça ne faisait que lui donner envie de poser des questions. Ah, sa curiosité maladive le perdra un jour. C'était difficile quand on était avocat, d'ailleurs. Il devait se calmer devant ses clients, ne pas paraître trop passionné et pressé d'entendre ce qu'ils avaient à dire. C'est pas de sa faute si la vie des autres étaient tellement passionnantes ! Rien que d'entendre les raisons d'un criminel ça pouvait lui refaire sa journée. Que ces raisons soient drôles, ridicules ou surprenantes, d'ailleurs. Peut-être qu'un jour, ça lui retombera dessus, mais pour le moment, il n'avait jamais eu de problèmes avec ça, alors c'était pas demain la veille qu'il allait changer. Oh non.

Désormais face aux boissons à la nourriture, Julian se sentait déjà plus dans son élément. Là, il était à l'aise. C'était presque un paradis devant lui. Il posa alors quelques questions à la jeune femme, encore et toujours curieux. Et il voulait faire la conversation, aussi. Ça faisait un petit moment qu'il ne l'avait pas vu, alors il voulait juste venir aux nouvelles. Il sourit seulement face à sa réponse sur le sujet de l'amour. C'était pas difficile à voir qu'elle souhaitait plus ou moins éviter le sujet, et ça lui allait très bien. Lui non plus n'aimait pas parler de ça, après tout. « J'ai l'impression que beaucoup de pères sont aux abonnés absents, en ce moment... » souffla-t-il, ne parlant pas lui. « Mais je suis content que ça aille bien pour ta mère et toi. Et oui, tu es bientôt dans la dernière ligne droite. Courage à toi, ça paraît loin mais ça arrivera bien plus vite que prévu. » C'était toujours comme ça. Pour tout, Julian se disait que c'était loin et hop, ça arrivait tellement vite qu'il n'arrivait plus à se souvenir des difficultés pour en arriver là. « Moi ça va. Je suis allé voir mon père il y a peu. Il a une nouvelle passion étrange. Il collectionne les ventilateurs. Pour se préparer un à été horrible, qu'il m'a dis. Il ne doit pas vivre dans le même pays. » plaisanta-t-il. Au moins, son père pensait à autre chose qu'à sa défunte femme et son fils qui vivait loin après avoir perdu son mari. « Niveau amour. Ah. Je crois que je me fais trop vieux pour ce genre de choses. » Le jour où il avouerait ses sentiments pour son meilleur ami n'était décidément pas arrivé. Bien trop effrayé de se faire rejeter. Depuis l'adolescence qu'il l'aimait, et jamais il n'avait eu le cran de lui dire. Triste vie. « J'ai refusé un dossier l'autre chose, alors c'est plutôt calme au boulot. Un mec accusé de viol. Toutes les preuves sont contre lui, mais il a de l'argent et le bras long. Je préférerais encore défendre la victime que ce dégénéré. » Le côté noir du monde des avocats. « Bon, servons nous à manger ! Ils vont tout manger sinon. » bouda-t-il en jetant un coup d’œil aux autres personnes présentes. La bouffe, c'est sacré.

Lisa a un petit rire comme Julian parle de leur nouvelle victime, qu'ils sont en train de chercher. Quand elle était arrivée au cabinet, elle avait apprit que pendant des années les avocats s'étaient passés des services des stagiaires suite à une mauvaise expérience. Et elle les avait vu en abuser tellement qu'elle se demandait comment ils avaient bien put survire pendant des années sans un esclave à portée de main. Esclave dans un sens gentillet, naturellement, ils avaient seulement abusés des positions pour qu'elle fasse du café mais de là à dire qu'elle avait été esclave pour de vrai, à la manière coloniale, non, tout de même pas. Lisa ne pouvait pas se plaindre de ses stages. Elle était toujours très bien tombée et avait eut accès à des cabinets réputés, désirés par ses camarades. Elle avait travaillé avec certains des meilleurs à Hambourg. Et certains des meilleurs comptaient parmi ses fréquentations comme Matthias von Hannover, qu'elle avait rencontré en dehors du cadre du boulot cependant.

«- Arrête, pense à mes chevilles !»

La demoiselle a un petit rire comme il dit, donc, que trouver aussi bon qu'elle ce n'est pas possible. La jeune femme a été la première à se lancer sur ce sujet cela dit ce n'est pas faux, en prétendant qu'elle aurait fait du très bon café. Mais ce n'est que du jeu, que des rires, dont ils sont détournés bien vite par une immonde robe jaune, véritable attentat à la vue, portée par une magistrate se pavanant, que Julian ne semble pas apprécier. Et le ciel semble entendre l'avocat comme l'horrible robe est tâchée tout à coup si bien que Lisa l'accuse d'avoir payé l'employé responsable de ce massacre. Et ils trouvent encore le moyen de plaisanter sur le fait de classer les affaires en faisant porter des couleurs particulières aux clients.

«- T'as oublié noir pour les pédophiles et violet pour les avocats véreux. Orange on va laisser ça aux politiques embourbés jusqu'au cou et que pourtant, nos merveilleux collègues parviennent à faire sortir...»

Et en disant cela c'est vrai, elle pense à Benett. A quel point elle n'aime pas spécialement savoir qu'il défend ce genre de personnes. Elle n'avait jamais compris pourquoi il bossait dans ce milieux du droit, comment il pouvait soutenir des types, les défendre, quand certaines de ces crevures étaient accusés de viol. Elle ne comprenait pas comment un homme qui avait une sœur dont il était aussi proche que Benett l'était d'Elisabeth pouvait défendre le mauvais comportement de certains vis à vis de femmes qui, précisément, auraient put être Elisabeth. Lui emboîtant le pas comme il propose d'aller boire et grignote, ils se retrouvent rapidement devant les victuailles, et la belle est questionnée sur les cours, les amours.

«- Pour en revenir à tes accusations...» commence Lisa. «Je ne cache rien du tout je ne te l'ai juste jamais dis.» elle rit. «Mais ça fait trois ans. Enfin. Deux que c'est sérieux. Enfin, je crois. Disons qu'on se fréquente.» Elle nuance son propos, après tout, Benett n'a encore jamais avoué l'aimer, elle est peut-être la seule à considérer que leur relation a atteint un certain stade. Mais il a une nette différence entre la première année et la suite, c'est ce qu'elle souligne ici. «Mais je ne m'en cache pas, mauvaise langue !»

Elle n'en dit pas plus sur le sujet. Et la conversation se poursuit avant que la demoiselle n'interroge à son tour Julian sur la vie de ce dernier depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vu. Elle avait l'impression que cela faisait des mois. Peut-être bien avec les cours en fait. Elle hoche la tête comme il dit être allé voir son père.

« - Tant qu'il va bien c'est le principal et peut-être que les chaleurs estivales lui donneront raison !» elle rit mais ne l'espère pas, la canicule, non merci. «On est jamais trop vieux pour l'amour, t'as même pas quarante ans encore !»

Lisa sait qu'il les a. Tout juste. Mais il ne les fait pas et l'âge après tout c'est dans la tête. Et Julian est capable d'être très jeune dans celle-ci par moment. Elle sourit comme il parle de ce dossier qu'il a refusé. Lui, au moins. Elle pousse un très léger soupir avant de secouer la tête et se servir.

«- Tu as des vacances bientôt ou tu as décidé de noyer ton célibat dans le boulot au lieu de profiter de la mer et des cocktails pour draguer ?» demande finalement la jeune femme comme ils sont en train de remplir leurs assiettes de plusieurs mets. «Quoique tu pourrais tomber sous le charme d'une jolie cliente aussi, c'est pas un mal.... enfin... privilégie quand-même les clientes des collègues ou attend la fin du procès pour éviter les conflits d'intérêts mais... » elle a un petit sourire. « L'amour ça vous tombe dessus quand vous ne vous y attendez pas t'en fais pas ! »

Elle ne savait pas que son cœur était déjà prit naturellement et parlait de sa propre expérience pour lui redonner confiance. Avec Benett ça lui était tombé dessus. Ce soir-là dans ce bureau, quand ils avaient dérapé, elle n'aurait jamais imaginé être encore avec lui trois ans plus tard, à vouloir avancer avec lui dans la vie.

«- Sinon nous connaissons une juge qui risque d'arriver bientôt sur le marché des divorcé, pour mauvais goût vestimentaire !» annonce Lisa, taquine.