Takes two to dance tango [PV Rose]

Exaspéré, je fixais la copie de mon étudiant comme si c’était le pire torchon que je n’avais jamais vu. Certes, ce n’était pas parfait… mais j’avais déjà vu amplement pire au courant de mes vingt-quelques années d’enseignement. N’empêche qu’après deux copies exécrables en ce vendredi pluvieux, ma patience frôlait doucement le zéro absolu. Ça attendrait au courant de cette fin de semaine parce que ma santé mentale n’y tenait plus que je le veuille ou pas.

Je ramassais mon manteau. Ma pile de copie atterrit automatiquement dans le fond de mon sac. Je descendis le couloir… À 21h bien sur qu’il était parti. C’était dommage parce que j’aurais théoriquement bien pris la présence de Gustav auprès de moi dans le bar. Mais bon… Je n’allais pas pour autant me retenir de faire ce genre d’action.  Ceux qui disaient qu’à mon âge je n’étais pas fait pour sortir pouvaient très bien se cacher.

Un passage à la maison me fit déposer mon sac sur le pas de la porte. Je passais dans ma douche de manière express avant d’enfiler un chandail en laine bleu qui faisait ressortir mes yeux et un jean noir. À peine quinze minutes après être rentré, j’enfilais des chaussures italiennes et je filais à nouveau vers l’extérieur – une véritable tornade… mais comme ce n’était pas Gustav, hors de question que je ramène à la maison une quelconque conquête.

Vingt ans après mon arrivée en ville, je savais très bien quel bar étaient le meilleur. Je n’étais certainement pour me laisser rayer de certains endroits pour une ou deux mèches qui se montraient grisonnantes. Après un premier verre, je m’orientais vers mon endroit préféré dans ce club à l’ambiance jeune et électrique. Le rythme était certes très différent de la musique à laquelle je dansais au studio pour me défendre. Sourire au lèvre, je me sentais bien en sentant les vagues profondes de rythme qui entraient profondément dans chacune des cellules de mon corps.

Quel plaisir que c’était de me sentir ainsi transporter avec la foule. L’alcool aidait à perdre les exhibitions. Je me retrouvais à simplement apprécier la notion de collectivité, l’énergie. Je dansais avec l’énergie que la foule réussissait à me transmettre une énergie dépendante. Sourire aux lèvres, j’attendis un petit instant avant de me ramener vers le bar avec les joues encore rougies par la bonne demi-heure de danse sur le truc.

Je m’appuyais au bar avec un sourire envers le barman, un bon ami… probablement parce que j’étais plus qu’un habitué. « Non-accompagné aujourd’hui? » dit-il en s’activant pour préparer mon habituel Cosmopolitan à calories réduites sans même que je n’ai à le demander (preuve que je provenais un peu trop souvent). Je levais doucement les yeux au ciel : « Pas encore. » déclarais-je avec un sourire en m’accoudant au bar pour fixer la foule avec un œil attentif. Le deuxième verre atterrit dans ma main. La soirée était jeune après tout.

Les bars étaient mon terrain de chasse depuis des années. Sur les pistes de danse, je savais comment me mettre en valeur et repérer les célibataires qui étaient digne d’intérêt (ceux qui était ici pour repartir avec quelqu’un ou pas). Comme proie, j’étais plutôt facile à convaincre de me laisser suivre. Ce n’était ni la cinquantaine, ni mon incapacité certaine à bâtir quelque chose de sensé avec une autre personne qui allait me convaincre que la solitude était à préférer. Et puis ce n’était pas comme si je sortais à tous les soirs. Je l’avais fait plus jeune mais je m’étais maintenant légèrement calmé… Ce qui ne m’empêchait pas de scruter la foule après avoir danser un peu à la recherche de ma propre conquête. D’instinct, mon regard se portait sur les divers hommes célibataires qui se trouvaient dans le bar… J’avais beau me dire bisexuel… Je savais très bien que niveau statistique, les messieurs occupaient une position plus prédominante au tableau des conquêtes dans mon cas. De manière à ce que je ne vois pas la blonde qui s’approcha de moi pour m’aborder avec cette phrase un peu cliché probablement mais qui me fit au moins sourire. À l’œil? Trop jeune pour moi. Mais bon… Je n’allais pas me plaindre n’est-ce pas? « Elle l’était avant que vous la preniez. » dis-je avec un sourire gai sur le visage qui saurait sans doute faire naître au coin de mes yeux des petites pattes d’oie qui trahissaient les années écoulées depuis ma naissance. C’était une belle blonde au grand sourire charmeur probablement ici pour la même raison que je m’y trouvais. Directe assez pour voler la chaise au détriment de la conquête que j’aurais pu potentiellement avoir et qui aurait bien pu y être assise quelques minutes plutôt.

J’étais quelque peu habitué aux remarques sur le type d’alcool que je buvais. Après tout, les hommes étaient typiquement associés avec des bières ou du fort traditionnel. Et j’avais beau me dire que mon anorexie était derrière moi, je savais encore trop bien le nombre de calories qui étaient contenu dans une bière et c’était PUREMENT hors de question que j’en prenne une. Et en plus ça goûtait affreux n’en déplaise à mes origines on ne peut plus allemandes qui aurait pourtant voulu que j’embrasse de plein gré la bière. Toujours avec une allure complice, je rajoutais : « Les meilleurs cosmo’ de tout Hambourg sont dans ce bar. ».

Un compliment pleinement mérité pour Ludwig, le barman qui me connaissait bien. Si j’avais un doute sur les intentions de la Rose, elle ne prit pas trois minutes pour les rendre un peu plus explicites. Elle en profitait pour me bombarder de questions pourtant nécessaires pour savoir. « Friedrich. Un plaisir Rose. » déclarais-je me faisant charmeur à mon tour. Je sentis pourtant le regard de Ludwig dans mon cou probablement un peu plus perturbé par le fait que je semblais me laisser faire par une femme ce qui fut confirmer par la suite de compliment que je renvoyais : « Je pourrais dire la même chose sur votre robe qui vous va à ravir. Vous savez mettre vos atouts en valeur. » dis-je charmeur. Après tout, elle avait des courbes magnifiques que je me plairais à explorer… Même si neuf fois sur dix quand je venais dans ce genre d’endroit je partais avec un homme à mon bras. « J’y cherche un peu de compagnie probablement comme beaucoup de gens… et de la musique pour dépenser mon énergie. Vous dansez? » demandais-je en voyant que le contenu de mon verre avait considérablement diminué.