Oh god, i wanna die ! (Adam)

"- Merci, bonne soirée !"

La jeune femme salut rapidement le chauffeur avant de se précipiter à l’extérieur du uber, rejoignant la porte de l’immeuble en sortant ses clés, soulagée de voir, enfin, cette interminable fin d’après-midi prendre fin. Elle avait vu le moment où ce rencard n’en finirait JAMAIS. Et quel rencard ! Elle en avait rarement eu d’aussi peu agréables. Rarement eu d’aussi pesants. Il faut dire que Jannik avait mis la barre assez haute pour les suivants. On pouvait difficilement faire pire, la connaissant. Elle n’aurait pas pensé cela possible, quand il avait proposé de prendre un verre après le travail. Sur le papier, ça annonçait une bonne soirée. Sur le papier seulement. La soirée qu’elle avait imaginée était vite partie à la poubelle, dans ce bar. Au point qu’elle l’avait écourté, rentrant chez elle bien plus tôt que ce à quoi devait s’attendre son colocataire.

S’engouffrant dans l’ascenseur, elle s'appuie contre le mur, poussant un long soupir de soulagement. Enfin, cette histoire est derrière elle. Elle jette un regard à l’écran de son téléphone, réalisant qu’elle n’a en réalité passé qu’un peu plus d’une heure trente en compagnie de son prétendant, avant de mettre un terme tant au moment qu’à la chose qu’ils partageaient, quoi que ce soit. Un flirt, pour elle. Bien plus pour lui, apparemment. Les mots qu’il a utilisés lui reviennent en mémoire et elle grimace. Bon sang, à quel moment avait-il pensé que c’était ce qu’elle cherchait, elle ? Il ne pouvait pas plus lourdement se tromper. Bien sûr, un jour, ce sera son projet, elle imagine. Un jour, elle voudra ce genre de choses. Mais pas avec lui. Vraiment pas avec lui. Et pas maintenant, non plus.

L’ascenseur s’arrêtant au dernier étage, elle traverse rapidement le couloir pour rejoindre sa porte, fermant bientôt celle-ci derrière elle en posant négligemment son sac à main à même le sol, accrochant approximativement sa veste à la patère. Pas qu’elle soit connue pour être une personne vraiment ordonnée, en général. C’est plutôt tout le contraire. Elle est le genre de fille qui s’éparpille, qui ne pense jamais à ranger ses affaires, qui se contente de son “bordel organisé” sans efficacité. Pas comme si on ne lui faisait pas régulièrement des remarques à ce sujet… Parfois, elle se demandait même comment Adam pouvait supporter ça. Elle évitait de foutre le bazar dans les pièces communes mais… essayer, c’était le mot.

"- Adam ? J’suis rentrée !"

Fin d’une journée interminable aujourd’hui à enchaîner les contrats et les réunions. Il y a des journées comme ça où on préfère rester au lit le matin plutôt qu’aller travailler et aujourd’hui c’était clairement ça. J’ai passé la journée à droite à gauche et toujours le nez dans les contrats sans véritable pause d’ailleurs. J’ai à peine eu le temps d’adresser quelques mots à Valentina c’est pour dire à quel point cette journée était compliqué pour nous deux. Je suis réellement content d’être enfin à la maison ce soir et de pouvoir décompresser. Demain sera une journée plus calme, et heureusement d’ailleurs parce que deux journées comme ça à la suite aurait été bien compliqué. Je rentre chez moi et la première chose à laquelle je pense c’est une douche, j’ai besoin de me décontracter, de prendre du temps pour moi, chose que je ne fais pas souvent ces derniers temps.

Je ne sais pas vraiment combien de temps je reste sous la douche. Je me surprends à ne penser à rien et c’est bien une première pour moi, ça prouve peut-être aussi à quel point je peux être fatigué. Enfin penser à rien est peut-être un bien grand mot puisque dans ma tête il y a toujours cette jolie blonde que je m’interdis d’approcher de trop près. La peur de l’abandon à nouveau est toujours bien présente et je sais que je devrais voir quelqu’un pour ça, pour me faire aider, mais je n’y arrive pas, c’est plus fort que moi pour le moment je ne suis pas encore prêt. Les minutes passent à toutes vitesses et je crois bien que c’est l’arrivée de Vic dans l’appartement qui me réveille. Je coupe l’eau, sort rapidement de la douche enrouler d’une serviette.

« J’arrive. »

Lui criais-je à travers la porte de la salle de bain. Je me sèche rapidement le corps, j’enfile mon short, sèche rapidement mes cheveux avec une autre serviette que je laisse tomber sur mes épaules nues pour venir la rejoindre dans l’entrée.

« Désolé, je sors juste de la douche. Comment ça va ma belle ? »

Avec Vic c’est différent, avant d’être ma coloc elle à été bien plus, elle me connaît par coeur et dans tous les sens du terme d’ailleurs.

"- Merci, bonne soirée !"

Le bruit de l’eau se faisant entendre depuis la salle de bain, se coupant au moment même où elle prévient de son arrivée, la brune en conclut que son colocataire devait être sous la douche, le genre de chose qui fait toujours du bien après une dure journée de travail. D’autant qu’ils ont la chance d’avoir un gros ballon. Bien trop gros pour deux personnes. Un ballon qu’ils ne se privent pas de vider régulièrement, après les journées difficiles. Les visiteurs à la cons, les dossiers caduques, les clients emmerdants… Pour compliquer leurs journées, ils ne manquent pas vraiment de ressources. Au contraire. Adam, en prime, a eu la bonne idée de s’amouracher de la rédactrice en chef alors… C’est encore pire. Bien pire que de simplement craquer pour un type lambda, qu’on a pas toujours sous les yeux au boulot, en tout cas.

Quand il la rejoint enfin, serviette de toilette sur les épaules et short autour de la taille, annonçant qu’il était sous la douche, elle esquisse un sourire. Comme si elle ne l’aurait pas deviné sans cette précision, avec ses abdos saillants exposés à sa vue - non pas qu’elle ne sache pas déjà à quoi ils ressemblent - et cette serviette en évidence sur ses épaules.

"- Élémentaire mon cher Watson !" remarque la demoiselle en riant. "Mouai, j’avais hâte que ça s’termine disons. Tu parles d’un rencard… Et toi ? Ta journée ?" s’enquit-elle en lui jetant un coup d'œil. "T’as l’air épuisé…"

Il avait cette tête des mauvais jours, même après une bonne douche. La tête des jours difficiles. Une mine qui en disait long sur son état d’esprit, à moins qu’elle se trompe, ce qui lui semblait assez peu probable. Après tout, elle le connaissait depuis un moment, Adam. Elle le connaissait même mieux que certains de ses amis, en fin de compte. En vivant ensemble, en étant proches, il y avait forcément des choses qu’ils savaient l’un de l’autre, qu’ils devinaient aisément. Parce qu’ils évoluaient en symbiose, pas comme deux étrangers coexistant sous le même toit et ne se croisant qu'occasionnellement. Un peu comme si elle avait été sa copine sans l’être. Les avantages d’un couple sans les désagréments, les prises de tête. Juste la déconne, pure et dure, l’humour et le soutien.

"- Pizzas - bières ce soir ?"

Je déboule dans le salon avec ma serviette sur les épaules venant me sécher les cheveux rapidement avec cette dernière, j’ai eu le temps d’enfiler un short, mais pas encore un t-shirt étant encore légèrement trempé de quelques gouttes et les cheveux mouillés. Avec elle je dois dire qu’il n’y a pas vraiment de gêne, elle connaît mon corps par coeur à présent alors me voir torse nue ne dois pas lui faire beaucoup d’effet aujourd’hui. Quoi que, plaire à une femme c’est toujours plaisant quand même. Je l’écoute me raconter brièvement son rendez-vous, visiblement catastrophique.

« Il était moche ? Il sentait mauvais ? Il lui manquait une dent ? Raconte-moi, c’est trop de suspens là ! »

J’essaie évidemment de lui changer les idées d’une manière un peu rigolote, en tout cas j’essaie. Après tout, les raisons que j’ai évoquées peuvent facilement être vraies, il y a souvent des rendez-vous qui ne se passent pas comme on l’espérait, ça serait bien trop simple et pas drôle sinon.

« Moi ? Journée interminable aujourd’hui, je suis bien content qu’elle se soit terminée. »

Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je ne peux m’empêcher de penser à Valentina chaque soir, elle devient de plus en plus une obsession qui devient difficile à gérer. J’ai bien l’impression que le mental ne suffira plus d’ici peu de temps. Elle propose alors une soirée tranquille et je ne peux qu’être d’accord avec elle, évidemment.

« Je valide, laisse moi juste le temps d’enfiler un t shirt. »

Lui dis-je en lui faisant un clin d’œil, m’éclipsant quelques secondes pour aller chercher un haut et revenir habillé cette fois.

Il émet des hypothèses, essayant de comprendre ce qui peut poser problème, quel peut être le souci du rendez-vous de la demoiselle, supposant que le type était peut-être moche ou avait une hygiène déplorable, brûlant d’envie de découvrir ce qu’elle pouvait avoir à dire, à révéler. Elle pousse un soupir. En réalité, rien de tout ça, preuve que ça aurait pu être pire. En même temps, elle n’avait pas essayé de l’embrasser pour savoir si son haleine était fraîche ou non. Elle avait au moins pu éviter d’en arriver là. Heureusement. Il n’y a rien de plus désagréable que d’échanger un baiser avec quelqu’un qui a une haleine de poney. Rien.

"- Nan, rien d’tout ça." concède-t-elle avec une petite moue. "C’pas comme si j’aurais pas été au courant de ça avant le rendez-vous, remarque."

Difficile de cacher que l’on est moche. Difficile de cacher quelque chose de visible. Sur les applis de rencontres sûrement, mais certainement pas dans la vraie vie. Dans la vraie vie c’est le genre de chose que l’on voit de suite et malheureusement, même si c’est con, parfois ça empêche d’essayer de découvrir une personne. Oui, c’est laid. Mais pour avoir envie d’aller plus loin avec quelqu’un, il faut déjà avoir envie de le regarder et c’est pas toujours évident. Pas toujours si simple.

"- Ah ? mais comment ça ? Attends, j’essaie de deviner… Y’a eu des problèmes avec un shooting ? Un article ? OH NON, MIEUX ! Valentina n’était pas là et tu as failli mourir d’ennuie, parce que tu ne pouvais pas la mater ?" suppose-t-elle, esquissant un sourire en coin.

Naturellement, elle le taquine. Elle ne croit pas qu’il baille aux corneilles toute la journée. Mais ça ne l’empêche pas de le supposer, au moins pour la blague, au moins pour le charrier, pour voir sa réaction, surtout, quand elle évoque le nom de la blonde qui est tout à la fois la supérieure de son collègue et l’objet de tous ses fantasmes.

"- Ouai va t’habiller, faudrait pas que tu dragues notre livreuse, j’projette pas vraiment un tête à tête avec ma bière, ce s’rait triste !"