(Salvador) In A Manner Of Speaking

(Salvador) In A Manner Of Speaking Sam 6 Avr 2024 - 13:50

Si les lumières stellaires n'étaient que peu visibles ce soir, la lueur de ces simples bouts de cire disposés par centaine rendaient l'atmosphère plus enchanteresse que jamais. La lune, gibbeuse, semblait observer ce spectacle étincelant et bientôt sonore. Les musiciens se mettaient en place, sur cette scène peu surélever tout comme la foule s'installait sur l'herbe. Les bavardages couvraient les sons d'accords des instruments, seul avantage d'êtres jeunes et plus âgés pour le moment bruyant. Même si la soirée n'avait fait que commencer, l'alcool qu'offrait le petit chapiteau à l'extérieur de cet enclos de feu, rosissait les joues de ceux qui ne savaient guère le tenir. Debout contre un arbre, la coréenne observait. Les représentations à la bougie se faisaient de plus en plus présents à Hambourg. Toutefois, le public lui semblait bien moins élitiste qu'à Paris. Etait-ce dû au style de musique qui résonnerait d'ici peu ou tout simplement au lieu, plus populaire, qui avait été choisi pour que s'émane de la contrebasse ou du saxophone du blues ou encore de la soul ? Plus d'une décennie s'était écoulée depuis son premier concert à Paris. L'ambiance mais aussi les feux de la rampe comme aux siècles passés l'avaient séduites. Toutefois, Sun Mi n'avait alors écouté que les fameux grands classiques. À présent, ce type d'évènement se répandait et les directeurs artistiques diversifiaient les œuvres. Quelle joie avait elle pu avoir, allongée dans l'herbe et le regard dans le vague, tandis que parvenait à ses oreilles la bande son de la merveilleuse trilogie du Seigneur des Anneaux. Certains de ses plus jeunes danseurs avaient été surpris de la voir et pourtant...si elle était stricte, elle n'avait jamais manqué de créativité et surtout d'ouverture d'esprit.

Presque tous les mardis et jeudis soirs, Sunny se rendait au "Mojo Blues" pour découvrir ou redécouvrir des artistes passionnées par le jazz et ses enfants. Les nightclubs n'étaient plus vraiment de son âge et quand bien même elle aurait eu l'audace, car elle n'en manquait point, de s'y rendre, sa vieille blessure à la jambe se serait réveillée sans aucun doute. Alors la brune se posait dans un de ces si confortable fauteuil et observait les clients, les barmans et les musiciens. À tel point qu'elle en connaissait les habitués. Toujours à son poste de garde, ses yeux venaient justement d'apercevoir un quadragénaire qui comme elle, semblait se fasciner par Nina Simone. D'humeur bavarde, même s'il était rare que Sun Mi ne soit pas loquace, elle commanda deux pintes de pure bière allemande avant de le rejoindre. Hambourg avait un avantage contrairement à Paris. Sa population polluait bien moins et elle ne doutait point qu'il n'y aurait presque aucun gobelets vides après le départ de la foule. Souriante, elle s'approcha de cette connaissance si elle pouvait l'appeler ainsi et lui tendit son verre.

"Pour vous. J'ignore si c'est celle que vous prenez au Mojo Blues mais c'était la plus cher de la buvette." et réalisant qu'il s'inquiéterait sûrement qu'une inconnue l'accoste ainsi, elle se sentie obligée de s'expliquer, elle qui ne le faisait jamais." Sun Mi Kyo, directrice du ballet de l'Opéra d'Hambourg. Nous fréquentons le même pub de jazz et je comptais vous proposez d'apprécier le concert en ma compagnie." dit elle avec son plus beau sourire "D'ailleurs, je ne dis point ça pour vous charmer mais je me rend compte que la vieillesse me rend myope. Vos traits sont plus raffinés quand on peut les observer de près. La cataracte me rongera sans doute d'ici peu." osé ? Ainsi Sun Mi était faite et les années l'avaient rendu d'une franchise surprenante.

Suivant les conseils d'une voisine, Salvador Cortez se retrouvait pour la soirée dans cet endroit plutôt méconnu de sa personne. Seul, évidemment, étant donné que sa vie était pleine de solitude, malgré lui. En effet, cette bienveillante voisine lui avait dit qu'il devrait sortir davantage au lieu de rester cloitré chez lui en attendant que le temps passe, telle l'ermite asociale qu'il était. Il avait ri d'abord, après tout, bien des fois l'allemand aux origines espagnoles sortaient, mais il était vrai que rares étaient les fois où cela se passait en compagnie de quelqu'un. A bien y réfléchir, il se trouvait pathétique. Cela faisait quelques années qu'il avait divorcé à présent et c'était comme si cet évènement, en plus de celui d'avoir quitté les forces de police, l'avait amené à rester à la maison la plupart du temps à observer les gens qui passaient comme un vieux croûton qu'on comparait à une concierge. Son métier impliquait à faire des rencontres, mais cela restait presque exclusivement professionnel. Au fond, Salvador se demandait s'il était réellement fait pour être entouré. De nature réservée et introvertie, il ne se confiait pas ouvertement comme pouvait le faire facilement des gens plus doués dans les relations sociales. Il n'était pas non plus un sociopathe ou quoique ce soit dans le genre, il avait même des sentiments très profonds, mais c'était pour cette même raison qu'il ne fréquentait pas grand monde : se préserver était essentiel à ses yeux, et cela même de façon inconsciente.

Néanmoins, lorsqu'il apprit qu'un concert de jazz amateur avait lieu non loin de chez lui, il avait vu là l'occasion de sortir de sa grotte et de profiter de la musique ainsi que des consommations à disposition. Pour une fois que cela arrivait, il ne fallait pas gâcher cela! Comme il ne connaissait pas grand monde pour l'accompagner, Salvador s'y était finalement rendu seul. Et puis, de toute façon, s'il avait été accompagné, il aurait certainement été encore plus dans l'ombre, tel qu'il se connaissait. Il ignorait combien de temps il resterait. Ca pourra être une petite heure comme de nombreuses, il n'avait rien de programmé. Son train de vie était plutôt spontané mais pas irréfléchi pour autant.
La musique était douce, calme, apaisante, exactement ce qu'il était venu chercher. Une des raisons pour lesquelles il appréciait ce style de musique qu'était le jazz, sans parler de la mélancolie qui en ressortait. Quelqu'un chantait du Nina Simone d'une voix entrainante, ce dont il se délectait. Au moment où la chanson Feeling Good fut entamée, Salvador sursauta presque lorsqu'une voix féminine qui semblait s'adresser à lui le sortit de sa contemplation. Ses yeux trouvèrent la propriétaire, une femme qu'il devinait d'origine asiatique par sa silhouette ainsi que ses yeux bridés, les cheveux longs et noirs et à l'allure sophistiquée. Il ne saurait lui donner un âge mais ce n'était pas vraiment ce qu'il rechercha pour le coup. Elle se présenta comme étant la directrice de l'Opéra et répondant au nom de Sun Mi Kyo. Salvador ne réagit pas immédiatement, mais il accepta la pinte qu'elle lui offrait tandis qu'elle terminait de parler. Il échappa un petit rire étouffé lorsqu'elle fit allusion à ses traits et de possibles problèmes de vue à venir.
- Eh bien Sun Mi Kyo, sachez que votre initiative me réjouit fortement, ainsi que vos compliments. Je suis généralement plus vin que bière, mais un tel cadeau n'est pas de refus, loin de là.
Encore surpris que quelqu'un, et une femme plus encore, soit venu à sa rencontre lui offrir un verre déclenchait de multiples alarmes dans son for intérieur. Pas de panique pour autant, il était surtout déboussolé, n'y étant pas habitué. Il huma la boisson, habitude qu'il avait prise depuis qu'il avait commencé à consommer de l'alcool, afin d'obtenir un avant goût avant d'y tremper les lèvres.
"Je m'appelle Salvador et je suis détective privé." En général, il évitait d'indiquer son métier mais n'étant pas dans le cadre d'une affaire et en réponse à la présentation de cette nouvelle apparition, il se donnait la chance d'être lui-même pour ce soir là. "Je serais honoré d'apprécier le reste du concert en votre si bonne compagnie. Vous êtes une habituée de l'endroit ou c'est la curiosité qui vous y a amenée?"
Les douces sonorités de la musique qui accompagnait la chanson rendait cet échange agréable.

@Sun Mi Kyo

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Nous savons au moins déja une chose, c'est que l'homme est merveilleux, et que les hommes sont pitoyables. (la nuit des temps ; barjavel)

La solitude était une des ses compagnes favorites depuis presque deux décennies. À la côtoyer quotidiennement, on finissait par mieux la connaitre et ainsi l'apprécier. Et sa présence ne devenait plus ce fardeau qui avait pu tant faire souffrir dans le passé. Elle était des plus appréciables. Inutile de se confondre en excuse pour un léger retard, de s'inquiéter pour autrui quand son propre journal personnel se remplissait de ses troubles quotidiens et tant d'autres bénéfices qui avaient rendus une jeune femme que Sun Mi estimait trop fragile bien plus endurcie et apte à faire faces aux difficultés de l'existence. Toutefois, l'asiatique restait humaine et les simples relations professionnelles ne lui suffisaient parfois plus. Bien évidemment, ses amis auraient pu lui tenir compagnie mais déterminée à faire de nouvelles rencontres qui, sans nul doute, ne changeraient point son existence, mais pourquoi ne pas laisser place à la surprise ? Si la directrice de ballet aimait le contrôle, elle n'ignorait guère que tout ne pouvait se prévoir et le passé lui avait appris qu'une simple discussion anodine pouvait forger des amitiés durables. Alors pourquoi avoir choisit cet homme quand d'autres spectateurs étaient eux aussi venus seuls ? La raison était des plus simples. Elle le connaissait. Enfin, ce terme était un bien grand mot mais ils fréquentaient le même établissement où l'on pouvait se détendre en savourant du jazz et ses dérivés et cela lui suffisait. S'il ne l'avait aucunement remarqué, la quarantenaire si. Son verre à la main ou son carnet dans lequel elle notait toutes idées qu'elle jugeait intéressante, son regard observait la clientèle du "Mojo Blues". À force de se voir, certains la saluaient mais lui, cet inconnu dont elle avait pu remarqué sa présence régulière au pub n'avait pas été surpris de voir une asiatique aux vêtements plus colorés les uns que les autres. Et cela plaisait à Sunny. Avec la grande mode la Kpop, une bridée attirait souvent les regards et l'Orientalisme n'étant jamais réellement mort, nombre d'usagers du bar venaient la voir pour la fétichiser ou tenter de l'impressionner avec des bribes de sa culture qui se résumaient aux séries ou au chou pimenté et fermenté. Quant aux autres, ils l'ignoraient comme on ignore une étrangère lorsque l'on est en groupe ou que l'on désire simplement apprécier une soirée au calme.

Bien sûr, ce fameux homme aux airs hispaniques mais à l'allemand si parfait qu'il ne pouvait être que natif de ce beau pays, aurait pu la rejeter. Et Sun Mi n'en aurait eu que faire. Les deux bières auraient simplement été pour son gosier. Toutefois, la réponse agréable qu'il lui offrit la fit sourire de plus belle et ses yeux pétillèrent de cette étincelle si propre à notre amie. Plaisir, malice, espièglerie ou encore joie, de nombreuses émotions s'animaient toujours en elle à la moindre petite situation. On lui avait reproché son hypersensibilité, sa susceptibilité si souvent. À présent, ceux qui l'avaient tant incompris ne cessaient de l'ennuyer pour savoir si, elle possédait une certaine douance. Une autre tendance qui commençait à l'agacer. À les écouter, tous les êtres de cette planète étaient à présent haut potentiel intellectuel. Mais encore une fois, une part de son esprit s'égarait. Le soleil rayonnant en cette douce soirée étoilée qu'était Sun Mi avait trouvé une compagnie qui, et son instinct la trahissait peu souvent, lui serait en aucun doute agréable.

"J'ai supplié les vendeurs de me trouver une bouteille de Domaine de la Romanee Conti mais ils ont été si peu conciliants. Impossible de les faire céder à mon caprice et je ne peux donc que vous proposer le breuvage qui rend l'Allemagne célèbre." Affirma t'elle avec une ironie sans prétention. Si ce Salvador appréciait le vin, il n'ignorerait point qu'elle venait de lui citer le jus de raison le plus coûteux en ce bas monde. L'avoir goûter ? Son cercle d'amis ne manquaient guère d'argent mais la coréenne appréciait leur simplicité. Pour la plupart. "J'ignore ce qui m'impressionne le plus chez vous Salvador. Votre métier peu anodin ou qu'un germain puisse porter le prénom du grand marquis de Dalí de Púbol. Votre annulaire étant dénué de bague, je suis surprise de vous voir seul avec autant de qualités." Le charmer ? Ce n'était pas lors de ses soirées spectacles qu'elle espérait trouver un amant pour la nuit. Sunny, bien que crainte pour sa sévérité au travail, était une quarantenaire plus détendue dans ses loisirs. Son franc parler restait néanmoins. Tout en proposant d'un geste et d'une rapide parole à cet ami mélomane d'avancer pour se placer sous ce qui lui semblait être un jeune chêne, après tout elle n'était pas botaniste, elle continua la discussion "J'ai découvert le concept à Paris et j'ai été des plus heureuses d'apprendre qu'Hambourg proposait depuis quelques mois ces concerts à la bougie. C'est la sixième fois que je viens. Que l'on écoute Mozart, Nina Simone ou encore Hans Zimmer, ces moments sont remplis de magie et de féérie. Et vous ?" Même la sorcière du ballet d'Hambourg pouvait s'octroyer le droit de rêver.

» salvador cortez ♔ something in the way

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