De retour à l'école ~ Feat. Karsten & Steffen

Son gobelet thermos dans la main, l’épaule posée contre un des piliers qui longe l’établissement scolaire dans lequel il doit intervenir ce matin, Philipp se perd dans ses pensées. Il est venu assez tôt, une bonne heure avant l’ouverture comme cela était convenu avec la directrice, pour revoir avec elle les derniers détails. Il sait qu’il sera rejoint dans les minutes qui viennent par d’autres personnes proches du système judiciaire. Pas nécessairement du « bon » côté en plus, c’est ce qui lui plaît dans l’organisation de cette journée. Souvent, quand la justice va voir les élèves, c’est uniquement pour en présenter les métiers et tenter de provoquer des vocations parmi les plus jeunes. Mais cette fois, il a tenu à ce qu’un ancien détenu vienne parler de comment cela se passe vraiment en prison. Si cela peut faire un peu de prévention, le magistrat ne va pas cracher dessus.

Un mouvement dans son champ de vision le tire de ses pensées et le voilà qui se redresse doucement pour avoir une tenue plus professionnelle. Serrant la main aux deux hommes qui viennent de s’arrêter devant lui, il esquisse un petit sourire.

- Bonjour, messieurs… Il me semble que c’est la première fois que vous venez pour une telle journée, c’est bien ça ?

La question est plus rhétorique qu’autre chose, mais il laisse quand même le temps à ses interlocuteurs de répondre. Notamment l’ancien détenu qui a accepté de venir, ce qui peut être un peu particulier. Ce dernier hoche un peu la tête pour répondre, visiblement encore un peu mal à l’aise pour le moment. Philipp n’insiste pas trop et reporte son attention sur le seul des deux qu’il avait déjà rencontré avant cette matinée. Principalement, pour parler de l’organisation avec lui, de tous les intervenants, ils sont ceux qui auront sans doute le plus gros à expliquer. Il était donc normal pour le magistrat de voir certaines choses avec le commissaire en particulier.

- Et tu le martyrises pas trop hein ?

Tu regardes ton fils droit dans les yeux, te demandant s’il plaisantait ou non avant de le voir pouffer pour embrasser son petit ami sur les lèvres en guise de salutation. Tu soupires doucement, levant les yeux aux ciels. Tu ne fais pas de commentaire avant de te mettre au volant de ta voiture, attendant ton beau-fils venir côté passager pour prendre la direction de l’école où vous étiez invités à la journée d’intervention des métiers du système judiciaire. Tu te souviens encore de l’appel du magistrat qui avait fait appel à toi et quand il t’avait parlé qu’il voulait aussi un ancien détenu, évidemment que ton esprit s’était tourné vers Steffen.

Avec son accord bien entendu. C’est comme ça que vous vous étiez retrouvé devant l’école, toi en train de réajuster ton pistolet de fonction dans ton dos en sortant de la voiture, badge dans la poche arrière. Tu réajustes ta veste en cuir sur les épaules et laisse le quadragénaire te rejoindre avant de lui tapoter le dos.

- On respire. Ça va bien se passer.

L’exercice ne t’était pas bien inconnu après tout. Six enfants, cinq journées des métiers avec chacun d’eux, ça forge un peu. Plus les formations où tu interviens quelques fois pour les futurs policiers en fonction… Il y a de quoi faire. Tu aperçois au fil de la marche la silhouette de Phillipp, laissant faire les présentations naturellement. Tu serres la main fermement du juge en hochant la tête doucement.

- Bonjour à vous. Pas pour moi. Mais Steffen, oui.

Que tu réponds à sa question avant de faire signe à Steffen que ça ira, que tu n’es pas loin et gardes tes mains dans les poches de ton jean, pouce dehors, toisant le magistrat du regard.

- Quel est donc la démarche à suivre ?

Cela lui a fait plus que bizarre, quand Karsten lui a demandé de venir à une journée d’intervention dans un établissement scolaire. Faut dire qu’il ne s’attendait pas à devoir y retourner un jour. Surtout quand il en a su le nom. Il n’a rien dit, mais retourner dans son ancien lycée le stress, un peu. Au moins, vu son âge, il ne risque pas de recroiser un ancien prof… Sauf peut-être ceux qui étaient les plus jeunes à l’époque et qui ne serait pas encore à la retraite. Mais il tente de ne pas y penser et se dit qu’il a tellement été absent, pour ne pas dire qu’il n’y allait jamais, que sans doute, ils ne se souviendraient pas de lui. Puis il ne pense pas réellement pouvoir être utile à cette journée, bien qu’il n’ait pas refusé après en avoir parlé avec Andreas, qui d’ailleurs ne s’est pas privé de faire des menaces à son père quand ce dernier est venu chercher Steffen. Ce qui n’a pas manqué de faire sourire le quadragénaire.

Plutôt silencieux le long du trajet, il réfléchit à ce qu’il va bien pouvoir dire aux jeunes qu’ils vont voir. Heureusement que Karsten semble avoir vu son malaise et le rassure à sa manière avant d’arriver devant le magistrat qui les attend déjà. Steffen salue ce dernier poliment et hoche la tête quand son beau-père annonce que c’est bien la première fois qu’il participe à ce genre de journée.

Il reste un peu en retrait quand Karsten demande la marche à suivre et se fige un peu à la réponse du juge.

- Chaloupée… Pardon mon humour n’est pas forcément bon.

L’ancien détenu ferme une seconde les yeux, ne sachant pas trop s’il a vraiment compris la blague comme il le fallait et préfère ne rien dire pour éviter l’embarras. Il se contente alors d’écouter quand le magistrat explique dans les grandes lignes le déroulé de la journée, avant de les suivre dans les couloirs pour rejoindre la salle qui va leur servir de salle de pause.

Tu éclates de rire devant la réponse du juge et secoues négativement la tête. Ok, tu ne l’avais pas vu venir celle-là, mais sois. C’était toujours bon à prendre pour un peu détendre l’atmosphère de toute façon. Philipp tente d’ailleurs rapidement de s’excuser de cet écart de conduite et tu fais signe que tout va bien, que la blague est validée et appréciée.

- Ce n’est rien. J’ai des garçons avec le même genre d’humour.

Que tu réponds. Mais bon, en même temps, vu les énergumènes aussi. Ils ont grandi avec toi qui, parfois, n’as pas la langue dans ta poche et une mère donc le sarcasme pouvait atteindre le nombre fatidique de douze sur une échelle de un à dix. C’était alors évident qu’ils leur arrivaient de sortir parfois du sérieux pour faire dérider certains. Tu commences alors ensuite à suivre le mouvement, allant vers la salle où le café commence déjà à se faire sentir, qu’il y a d'autres collègues présents pour la journée et tu souris un peu.

Tu fais signe à Steffen de prendre ses repères, de se calmer, voir de prendre un café histoire de, lui tapotant le dos avant de te tourner vers le magistrat.

- Pardonnez-le. Il n’est pas à l’aise, mais ça devrait s’arranger après. Disons que c’était inattendu pour lui que je lui demande de venir.

Que tu dis en observant l’ancien détenu déambuler dans la pièce. Surtout que vu l’endroit, cela ne te surprenait pas qu’il sache plus ou moins où aller. Pas comme si le nom du lycée t’avait semblé familier, mais sans savoir avant de replonger dans le dossier du concerné pour voir qu’il l’avait fréquenté avant d’être incarcéré.

- Merci encore de l’invitation. Je pense que ça sera une bonne expérience pour tout le monde.