#17 knocking on heaven's door (lenzoria)

«Il a intérêt à ce qu’elle sache où sont les clés.» Tu croyais l’avoir pensé, mais à la réaction de la personne qui se tenait à tes côtés dans l’ascenseur, t'avais dû le penser à voix haute. Faut dire que si tu te retrouvais dans cette cage d’acier à bientôt 22h, c’est simplement parce qu’Adam, celui que tu considérais comme ton meilleur ami depuis bientôt trente ans, avait oublié de déposer les clés de ton appartement dans ta boîte aux lettres. Rien de plus désagréable après avoir été dans les airs pendant presque dix heures que de rester coincé dans le hall de l’immeuble dans lequel tu vivais. Si t’avais eu de la chance qu’Adam décroche, sa réponse avait été loin d’être celle que tu attendais et pour preuve, t’avais dû prendre ta voiture pour rejoindre le quartier dans lequel il vivait en colocation avec Victoria. Le pire dans cette histoire, c’est que t’avais senti à la voix de ton ami qu’il n'était pas forcément certain de l’endroit où il avait laissé tes clés, forcé alors de reposer tes espoirs sur sa colocataire que tu connaissais plutôt bien.

Pour tout dire, tu la connaissais même très bien, mais tu avais toujours pris le soin de garder tes distances avec elle, pas parce que tu ne l’appréciais pas, mais parce que t’avais fait la promesse à Adam que tu ne tournerais pas autour d’elle. Une bien belle bêtise à ton goût, car à mesure que tu voyais Victoria, il y avait toujours quelque chose qui semblait se passer entre vous. Tu ne saurais dire si c’était par le biais des regards que vous échangiez ou si c’était le silence qui s’immisçait parfois entre vous,  mais contrairement à tes habitudes, tu ne savais pas toujours de quelle manière te comporter avec elle. Parfois tu pouvais être distant, presque à l’éviter pour ne pas l’inciter à venir te parler et d’autres fois, tu allais vers elle, à t’intéresser à elle, à flirter sans jamais franchir les limites pour ne pas trahir cette foutue promesse faite à Adam. C’était frustrant dans un sens, parce que tu connaissais assez Victoria pour savoir que c’était une femme de caractère et qui aimait profiter de la vie, typiquement le genre de femmes avec qui tu aimais passer du bon temps. Aussi, elle dégageait un charme naturel, elle n’avait pas besoin de grand chose pour attirer ton attention faut dire, car son simple regard suffisait.

C’est en pensant à ses yeux que tu allais croiser incessamment sous peu que les portes de l’ascenseur s’étaient ouvertes, t’arrachant à tes pensées pour te rappeler que t’étais à la recherche de tes clés. Encore dans ta tenue de pilote, tu tirais d'une main le bagage qui contenait le strict nécessaire pour le vol que tu venais d’effectuer. En temps normal, t’aurais déjà pu te plonger sous une douche, te servir un café en te posant sur ton canapé et commencer à te détendre. Mais au lieu de ça, tu t’étais élancé dans ce couloir jusqu’à t’arrêter devant la porte du loft dans lequel vivait Adam et Victoria, espérant au fond de toi qu’elle serait présente, car tout comme toi, elle avait un goût prononcé pour les sorties tardives. Sonnant à la porte à deux reprises, tu retenais bêtement ta respiration pour entendre le moindre mouvement qui pouvait provenir de l’autre côté de la porte.

Tout juste sortie de la douche, à peine vêtue de son soutien gorge et d’un short de pyjama, elle se laisse tomber mollement dans le canapé du salon, attrapant la télécommande pour allumer Netflix, un saladier de popcorn sur les genoux. Ce vendredi soir, elle n’a pas prévu de sortir - pour une fois - seulement de rester tranquillement au loft, sachant qu’elle l’a pour elle toute seule une bonne partie de la nuit, Adam étant à un gala ou quelque chose comme ça avec sa patronne. Information à considérer, puisqu’il se pourrait, alors, qu’il ne rentre pas. Sait-on jamais s’il parvient enfin à séduire la demoiselle en question… Enfin, demoiselle… pour ce que la brune ne sait, la femme en question a plus de quarante ans, deux enfants et est du genre divorcée. Pas vraiment une demoiselle, donc, mais à en croire les dires d’Adam, elle pourrait passer pour l’être. Peu importe.

Elle attrape la couverture pour la glisser sur son corps, pose le saladier par-dessus, sur ses jambes en tailleurs et lance un film quelconque duquel elle est brutalement sortie une dizaine de minutes plus tard comme on toque à la porte. Elle fronce les sourcils et jette un regard à l’heure. Adam, déjà ? Elle ne voit pas qui d’autre, ce n’est pas comme si elle attendait de la visite. Son colocataire aura probablement oublié ses clés, ça ne serait pas la première fois. A moins qu’elle ait laissé les siennes sur la porte, de sorte qu’il ne puisse pas y glisser les siennes ? Elle se lève donc, avançant vers la porte et les coups sur celle-ci redoublent à ce moment-là.

"- Oui, oui, j’arrive !" lance-t-elle en cherchant ses propres clés qu’elle ne voit pas sur la serrure.

Merde. Elle les a mis où ? Sur le buffet dans l’entrée ? Non. Sur la table du salon ? Un regard par-dessus son épaule lui confirme que ce n’est pas le cas. Mais où, alors ? Elle pince les lèvres, consciente que son colocataire doit s’impatienter et qu’il va encore maudire son petit côté bordélique. Mais elle ne sait tout simplement pas ce qu’elle en a fa… sauvée ! Les apercevant sur le comptoir de la cuisine, elle s’en empare et les glisse dans la serrure.

"- T’avais qu’à pas oublier te…"

Elle ouvre et se coupe net. Ce n’est pas un Adam agacé qui se tient devant elle mais un Lenz au visage contrarié, tenant une petite valise cabine à la main, qui lui fait lever un sourcil comme elle ne comprend pas tout de suite ce qui se passe. Pourquoi diable le meilleur ami de son colocataire - et accessoirement l’un des hommes les plus sexys qu’elle avait eu à voir de sa vie - se trouvait sur le pas de sa porte ? Pourquoi s’y tenait-il, qui plus est, aussi contrarié et précisément un soir où Adam n’était pas là ?

"- Lenz ?" souffle-t-elle étonnée, perplexe, fronçant les sourcils. "Entre." l’invite-t-elle en s’écartant de l’encadrement de la porte. "Qu’est-ce qui t’arrives ?" souffle-t-elle comme elle la referme derrière lui, donnant deux tours de clés avant de poser celles-ci sur le vide-poche dans l’entrée, cette fois.

C’est fou à quel point le temps peut sembler long par moment, et c’est sans doute pour ça que t’avais insisté en frappant à la porte dans l’espoir qu’elle s’ouvre plus vite. Mais au lieu de ça, rien. Enfin, tu croyais avoir entendu la voix de la jolie brune derrière la porte mais avec la fatigue, t’étais pas certain que ce soit le cas, presque persuadé que tu entendais ce que tu voulais bien entendre. T’étais tenté de faire toquer encore une fois à la porte mais ton geste fut interrompu au moment où t’avais entendu des clés glisser dans la serrure. C’est presque instantanément que ton corps s’était détendu, soupirant longuement, comme soulagé de voir la porte s’ouvrir sur… Victoria, et sa tenue décontractée vu le simple soutien-gorge qu’elle portait en plus de son short. Dire que c’était la fatigue qui avait laissé ton regard s’attarder plus longuement que nécessaire sur sa tenue aurait été une mauvaise excuse. La jeune femme savait attirer ton attention, beaucoup trop facilement à ton goût en réalité et c’est pour cette raison que t’avais fini par poser ton regard sur le sien, faisant abstraction du reste. Surtout, le fait que Victoria soit surprise avait eu le don de te faire froncer les sourcils; Adam t’avait dit qu’il la préviendrait et au lieu de ça, elle semblait plus surprise qu’autre chose.

«J’imagine qu’Adam n’a pas été foutu de t’appeler?» c’est un peu sec et sur le coup tu ne t’en rends pas compte. T’en oublies même d’être poli, entrant dans le loft après qu’elle t’y ait invité. Ton regard s’aventure presque aussitôt sur les meubles à proximité de l’entrée, à la recherche de ton trousseau de clés. «Il a oublié de me rendre les clés de mon appartement, il m’a dit qu’elles étaient sûrement ici.» Ce ‘sûrement’ ne te plaisait pas, car t’avais le pressentiment qu’Adam avait cherché à apaiser la situation en t’envoyant ici dans l’espoir que tes clés y soient. Seulement il fallait que tu patientes, car étant donné la surprise que tu lisais sur le visage de Victoria, t’étais pas prêt de rentrer chez toi. Ça te tend encore plus et ça se voit sur ton visage, il y a cette étincelle dans ton regard, sûrement l’agacement mêlé à la fatigue et ce besoin de te poser.

C’est là que tu te rends compte que ton entrée en scène est plus que moyenne, tu t’en masses la nuque, l’air désolé, ou en tout cas t'essaies de t'en persuader. «Excuse-moi, c’est pas contre toi. Je pensais qu’Adam t’avait appelé pour que t’aies juste à me remettre les clés.» dis-tu en esquissant un semblant de sourire pour tenter de faire oublier le ton sec que t’avais utilisé en entrant. «Je dérange pas en fait?» demandes-tu en désignant d’un geste de la main sa tenue. Certes, elle t’avait proposé d’entrer mais peut-être qu’elle n’était pas seule. Mais en réalité, qu'elle soit accompagnée ou non, tu ne comptais pas partir d'ici sans ce trousseau qui te permettrait de rentrer chez toi et mettre cette péripétie derrière toi.

Bien que la jeune femme le laisse entrer, pour ne pas le laisser sur le pas de la porte, elle n’en est pas moins surprise par la présence du quadragénaire de ces heures, un vendredi soir, dans les parages. Non pas qu’elle soit particulièrement au courant de son emploi du temps, loin de là, mais pour qu’il débarque à l’improviste, si tard, alors qu’Adam n’est même pas là… C’est sûrement qu’il se passe quelque chose. Quelque chose qui ne l'empêche pas de s'attarder, un peu, lui semble-t-il, sur son décolleté, non ? Il semblerait. Cela lui arrache un sourire léger qui ne s'éternise pourtant pas sur ses lèvres. Elle est vite rappelée à la réalité de la situation.

Quelque chose échappe à la jolie brune. Seulement, elle ne sait pas quoi et, pour toute réponse, elle reçoit une attaque directe contre son colocataire qui a joué de malchance. Elle ne sait pas si Adam a essayé de l’appeler ou pas. Son téléphone est dans sa chambre, en train de charger, la batterie complètement à plat. Elle ne peut donc pas incriminer son colocataire pour son ignorance. Mais elle n’a pas le temps de le justifier comme Lenz lui apprend être coincé à la porte de chez lui, n’ayant tout simplement pas ses clés, puisque Adam ne les lui a pas rendu.

Elle se mord la lèvre inférieure, regardant autour d’elle. Adam est plus ordonné qu’elle, il devrait avoir mis ces clés dans un endroit logique, dans ce cas. Sauf qu’elle ne les voit pas. Pas du premier coup d'œil, en tout cas. Elle va devoir chercher. De préférence, avant que son interlocuteur ne perde patience, comme il semble être au bout du rouleau. De fait, Victoria évite de lui faire remarquer la rudesse avec laquelle il s’exprime. Il semble le remarquer néanmoins comme il s’excuse. Elle secoue la tête. Non. Et non, il ne la dérange pas spécialement. Juste en plein film de noël, rien de fou.

"- C’est rien. J’ai mon téléphone à plat, je ne sais pas s’il a essayé de me joindre. Je vais les chercher. Installe toi en attendant, je te sers à boire ?" propose-t-elle en l’invitant à faire comme chez lui. "Tu rentre de vol ?" suppose-t-elle, désignant la mallette.

Voilà qui expliquerait l’humeur massacrante de Lenz. Plusieurs heures de concentration, de boulot, pour piloter un avion et ramener tout le monde à bon port sont une bonne raison d’être contrarié à l’idée de rester coincé sur le pas de sa porte. Encore que n’importe qui le serait, même sans avoir passé une journée particulièrement stressante. Alors elle peut comprendre qu’il soit dans cet état.

"- Ok, je vais chercher. Tu peux me dire comment est ton trousseau ?"

Est-ce qu’il y a un porte-clé dessus, quelque chose d’assez gros ou au contraire elle va devoir ouvrir l’œil car les clés seront toutes petites et que ce sera un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin ? Elle ose espérer que ce ne sera pas le cas et que cette quête sera plus simple qu’il n’y paraît, mais c’est loin d’être une certitude.

Face à la situation, mais sans doute parce que c’est Victoria qui se tenait face à toi, tu tendais de prendre sur toi. Si ça avait été, t’aurais déjà commencé à faire le tour des lieux pour trouver tes clés. Tu connaissais suffisamment les lieux et t’avais passé de nombreuses soirées ici avec ton meilleur pote afin d’être suffisamment à l’aise pour fouiner là où tu pouvais. Mais au lieu de ça, tu restais sagement dans l’entrée face à la jolie brune, prenant ton mal en patience tout en cherchant à calmer un peu la situation pour ne pas qu’elle soit celle qui doive encaisser ton lot de frustration. C’était un cumul de plein de choses qui te rendait plus tendu qu’à l’accoutumée et ça se ressentait au simple fait que tu n’avais pas cherché à commenter la tenue décontractée de Victoria. Bien qu’elle soit chez elle, tu y serais allé de ton petit commentaire pour souligner son savoir faire pour accueillir les invités comme il se doit, car n’importe quel homme aurait apprécié pouvoir poser son regard sur ce corps qu’elle affichait sans gêne.

Seulement ce soir, l’humeur n’était pas à la séduction ou en tout cas, pas aux compliments bien tournés. Ta priorité résidait en un trousseau de clés que personne ne semblait connaître la localisation. Quand tu la vois se mordre la lèvre et commencer à regarder autour d’elle, en t’expliquant qu’elle n’avait pas son téléphone sur elle, ton premier réflexe est de te pincer les tiennes pour étouffer cette impatience qui grandit en toi. Alors quand elle t’invite à t’installer, t’acquiesces en retirant ton blouson et tes chaussures, profitant de desserrer ton nœud de cravate qui semblait t’étouffer. «C’est gentil, merci, mais j’irai me servir un café, ne t’embêtes pas avec ça.» réponds-tu calmement, l’incitant subtilement à partir à la recherche de tes clés et de son téléphone. Tu étais venu assez souvent ici pour être suffisamment à l’aise pour faire un peu comme chez toi, en tout cas lorsqu’il y avait Adam, c’est pas comme si tu venais ici tous les tremblements de terre. «Ouais, je suis rentré de Miami en début d’après-midi, mais le vol qui reliait Francfort à Hambourg a été annulé, donc j’ai dû me taper quatre heures de train.» Parfois tu te disais que tu devrais vraiment déménager à Francfort puisque c’était de là que tu décollais le plus souvent. Seulement tu avais beaucoup trop de repères à Hambourg, tu savais comment décompresser après des heures de vol et c’était un confort dont tu ne souhaitais pas te passer.

«Tu veux que je te serve quelque chose à boire?» demandes-tu lorsque tu te diriges vers la cuisine ouverte, observant Victoria poser son regard un peu partout, déjà à la recherche de tes clés. A sa question, tu esquisses pour la première fois ce qui ressemble le plus à un sourire sincère et ça te fait un bien fou, parce que t’as l’impression que ton dos se dénoue face à la tension qui était sur le point de le bloquer. «Premier indice, il est de la même couleur que ton soutien-gorge.» à ces mots, tu ne manques pas de regarder une nouvelle fois le sous-vêtement en question, ni même à le pointer du doigt. «Deuxième indice, il y a une clé qui a la même couleur que tes yeux.» ajoutes-tu en reposant ton regard sur le sien avant de lui tourner le dos et de faire couler ton café.

Il est contrarié, c'est une évidence et, comme il semble qu'il rentre tout juste de déplacement, c'est aisément compréhensible. Elle aussi aime être tranquille après une longue et dure journée de travail. Elle aime que les choses se passent sans accroc. Qu'il soit possible de se détendre, de prendre une bonne douche, de se poser avec Adam pour rire et déconner un peu. Elle aime pouvoir laisser les soucis derrière elle. Heureusement, avec son naturel plutôt positif, elle arrive même à s'affranchir des situations agaçantes mais ce n’est pas pour autant qu'elle est parfaitement étrangère à ce genre de sensations. Loin de là. Et le soucis… c'est qu'elle ne sait pas où sont ces foutues clés que son colocataire a gardé.  Elle n’est pas sûre de pouvoir rapidement mettre la main dessus, alors que le loft est plutôt grand et que son visiteur nocturne doit avoir sacrément envie de se reposer, du reste.

Elle propose quelque chose à boire et il décline la proposition, affirmant qu'il va juste se servir un café. Il sait où est la machine et il sait la faire marcher. Il est presque comme chez lui, ici, alors elle le laisse faire en acquiesçant et se lance à la recherche de ce trousseau dont elle ne sait pas grand-chose. Il confirme, pendant ce temps, qu'il revient bel et bien du boulot. En plus il a eu un problème entre Francfort et Hambourg, l'obligeant à prendre un train et repousser son arrivée en ville. Ne pas avoir ses clés… c'est la goutte d'eau. Elle imagine bien.

"- Euh ouai, j’veux bien. " acquiesce-t-elle comme il propose de lui servir à boire pendant qu'elle poursuit ses recherches. "La même chose que toi." dit-elle sans même savoir de quoi il s’agit.

Le trousseau ne semble pas sortir. En même temps, elle ne sait même pas ce qu'elle cherche vraiment. Alors elle le questionne, curieuse de savoir s'il y a des gri-gris ou ce genre de choses dessus, qui permettraient de le repérer plus vite. Ce serait un bon début de savoir si elle cherche quelque chose de gros ou de plutôt petit, au contraire.

La même couleur que son… elle baisse le regard et réalise alors dans quelle tenue elle se balade devant lui depuis quelques minutes. C'est loin de la déranger. Loin de la perturber. Elle ne cherche même pas à se couvrir et reste statique, la main dans un tiroir, soutenant le regard de l'homme dont elle est presque sûre qu'il s’attarde sur sa poitrine. Elle ne peut s'empêcher de lui offrir un sourire plein de sous-entendu alors qu'il donne un deuxième indice en soutenant son regard et, pleine d'aplomb, elle murmure.

"- Je suis surprise que tu te souviennes de leur couleur, quand ton regard s'égare ailleurs."

Elle déborde de confiance en elle, Vicky, c'est pas nouveau. Elle a toujours été comme ça. Toujours été le genre de fille qui ne se prend pas la tête, le genre qui sait ce qu'elle veut, qui ne rougit pas de son corps, ni d’elle-même. Elle assume, complètement, qui elle est. Ce qu'elle est.

Malgré ton attitude qui avait laissé à désirer, Victoria était restée calme et à aucun moment elle n’avait montré la moindre once d’agacement. Au contraire, elle n’avait pas vraiment tardé à partir à la recherche de ton trousseau pendant que toi tu t’occupais à te faire un café. En y réfléchissant, t’aurais peut-être pu l’aider, mais sans doute qu’être à deux pour un trousseau remettrait à mal ta patience, surtout si vous étiez incapables de mettre la main dessus. Le pire c’est que le responsable dans l’histoire était en déplacement, incapable d’aider en quoi que ce soit. La prochaine fois que tu reverrais Adam, tu t’assurerais qu’il passe un mauvais quart d’heure et qu’il comprenne son erreur. Avec lui, tu ne prenais jamais de pincettes, il te connaissait par cœur et t’étais prêt à parier qu’à cet instant bien précis, ton meilleur pote redoutait vos retrouvailles. T’essayais de chasser tout ça de ton esprit, essayant de te focaliser sur la situation actuelle, reposant tes espoirs sur Victoria à qui t’avais proposé à boire puisque tu allais te servir d’ici peu.

«Va pour deux cafés alors» dis-tu plus à toi-même qu’autre chose, attrapant deux capsules au passage tout en observant Victoria lorsqu’elle t’avait demandé des informations sur ton trousseau. Sa réaction te fait sourire lorsqu’elle baisse son regard sur ce qu’elle portait. C’est alors que vos regards se croisent pour ne plus se quitter cette fois-ci. Tu continues de la regarder quelques secondes, tes sourcils qui se froncent à sa remarque lorsqu’elle se dit surprise que tu te souviennes de la couleur de ses yeux alors que tu semblais plutôt regarder autre chose. «Que veux-tu, je suis un amateur des jolies choses et j’ai aucun mal à me souvenir de ce qui est susceptible de me plaire.» réponds-tu avec un brin de malice qu’on distingue dans le coin de tes lèvres. La confiance que dégageait Victoria ne te mettait en aucun cas mal à l’aise, au contraire, ça t’incitait à rentrer dans son jeu, comme tu aimais si bien le faire en temps normal.

Malheureusement, l’arrêt de la machine à café t’avais forcé à tourner le dos à la jolie brune pour retirer la première tasse, lançant alors le second café en sortant ton téléphone, au cas où ton meilleur ami avait cherché à te joindre, mais rien, aucune notification le concernant. «Je vais essayer d’appeler Adam, j’ai pas envie que tu perdes ton temps à chercher ces clés.» dis-tu en te retournant, le téléphone en mode haut-parleur sur le plan de travail, tandis que t’avais les bras croisés devant toi pendant que tu observais Victoria. Même pas une sonnerie que t’entendais déjà ce que tu redoutais; Adam n’était pas joignable ou alors il avait osé éteindre son téléphone pour qu’il ne t’ait pas sur le dos. «Putain mais il se fout vraiment de moi. Il va m’entendre à son retour, quel pauvre type!» lâches-tu agacé, rangeant ton téléphone dans ta poche pour finalement saisir les deux tasses de café que tu poses sur l’ilot central. Tu t’accoudes sur ce dernier, en reposant ton menton dans la paume de ta main, le regard balayant l’immense séjour, remarquant des popcorn sur la table basse et la télé allumée, l’image arrêtée. «T’avais prévu une soirée Netflix and chill en solo?» demandes-tu en reprenant ton calme, ton regard qui se repose sur Victoria, te focalisant cette fois-ci sur son visage, sachant qu’elle ne manquerait pas de te faire remarquer au cas où tes yeux s’égareraient à nouveau ailleurs.

Comme elle accepte de quoi boire, la même chose que lui, l’homme se lance dans la préparation de deux cafés tandis que la brune continue de chercher le fameux trousseau de clé égaré, dont elle n’a aucune idée d’à quoi il peut ressembler. Bien sûr, elle l’a sûrement déjà vu ce fameux trousseau mais pour être honnête… Hé bien, ce n’est pas vraiment ce qu’elle regarde lorsque Lenz est dans les parages. Elle aurait plutôt tendance à regarder le propriétaire du trousseau. C’est exactement ce qu’elle regarde, à vrai dire. Alors le trousseau… Elle n’a jamais fait attention à ses caractéristiques.

La même couleur que son soutien-gorge. Elle baisse la tête, réalisant effectivement qu’elle ne porte rien de plus en haut et relève le regard, croissant celui de l’homme qu’elle ne lâche plus alors. Forcément, cette information ne manque pas de la faire sourire. Mais c’est encore pire lorsque l’homme évoque la couleur de ses yeux. Avec une telle perche, elle ne peut pas s’en empêcher. Elle ne peut pas ne pas la prendre, ne pas la saisir. Elle ne peut pas ne pas faire la moindre remarque. L’occasion est trop belle pour qu’elle la laisse passer. Trop belle pour qu’elle ne la saisisse pas. Il serait peut-être même déçu qu’elle ne le fasse pas.

Aucun mal à se souvenir des choses qui lui plaisent. Amateur de belles choses. La demoiselle prend appuie contre le canapé derrière elle, posant ses mains à plat sur le dossier de celui-ci, ce qui a pour effet de mettre son buste en avant. Un sourire se dessine dans le coin de ses lèvres. Information intéressante qu’il lui offre là, même si ce n’est pas la première fois qu’il souffle le chaud. Pas que ça la dérange beaucoup, même si elle aimerait assez obtenir du plus concret.

"- Amateur d’art, hein ?" souffle-t-elle, amusée.

Il se détourne pourtant d’elle, perturbé par le bruit de la machine à café et la demoiselle quitte sa position, se remettant à chercher le trousseau égaré sur lequel elle ne parvient toujours pas à mettre la main, ce qui semble pour le moins agacer son visiteur nocturne qui, attrapant son téléphone, évoque l’idée de joindre son meilleur ami pour avoir des explications, une indication, n’importe quoi qui puisse leur permettre de mettre la main sur ces clés. Mais alors qu’elle glisse un oeil dans le buffet, elle se rend rapidement compte que l’appel n’est pas un franc succès, à entendre l’homme derrière elle qui vocifère, ne manquant pas de s’en prendre à son meilleur ami dans la foulé, pour ne pas lui avoir répondu. Quand il cesse de parler, elle entend distinctement le son du répondeur de son coloc. Pas de chance.

"- Euh… ouai." acquiesce-t-elle comme, se calmant d’un coup, l’homme s’intéresse à la soirée qu’elle avait prévue, alors qu’elle-même continue de chercher les clés. "Si tu veux te joindre à moi… Tu peux dormir dans la chambre d’Adam, la prochaine fois il évitera de paumer ton trousseau…"

Dit-elle alors que, de cet appartement, elle est sans conteste celle qui perd le plus de choses, n’étant pas des plus organisées.

L’esprit bien trop envahi par les péripéties que t’avais dû affronter aujourd’hui, tu ne te rendais même pas compte à côté de ce dont tu passais. Vos têtes-à-têtes avec Victoria n’étaient pas nombreux, Adam n’était jamais très loin à vrai dire car vous trainiez rarement l’un sans l’autre. Surtout, ta loyauté te rappelait cette promesse faite à ton meilleur ami concernant sa colocataire, celle qui t’empêchait de lui tourner trop autour, de ne rien tenter qui pourrait blesser cette jolie brune qui débordait d’une confiance en elle qui devait sûrement faire bégayer plus d’un homme. Pourtant ce soir quand tu la regardes, quand elle prend appui contre le canapé dans le seul but de t’offrir une vue imprenable sur elle, tu te laisses déconcentrer par la machine à café derrière toi, signe que t’es pas entièrement présent, que tes pensées sont ailleurs. Peut-être que ce n’était pas plus mal au fond, car il n’y aurait pas autant de distance entre vous, tu ne perdrais pas ton temps à t’occuper de vos cafés mais plutôt à saisir les perches qu’elle te tendait à son tour. Car Victoria avait tout d’une œuvre d’art, une œuvre à laquelle tu n’avais pas le droit de toucher, que seul ton regard pouvait caresser. Une occasion ratée à laquelle tu penserais sans doute demain, quand tes pensées seraient plus claires et débarassées de ce foutu trousseau de clés qu’Adam avait oublié de te rapporter.

T’essaies tant bien que mal de chasser ça de ton esprit, t’as même plus envie que la jolie brune cherche tes clés pour la simple et bonne raison que tu ne veux pas gâcher la soirée qu’elle avait prévu. T’avais débarqué de nulle-part avec une humeur massacrante, à la limite de la politesse. Tu ne te souviens même pas de lui avoir demandé comment elle allait, uniquement si tu la dérangeais. T’en soupires brièvement, les mains qui frottent ton visage, agacé par ton attitude mais aussi marqué par la fatigue. «Je sais pas, je suis pas trop d’humeur…» réponds-tu à sa première proposition. C’était pas contre elle, mais t’étais pas sûr qu’un film soit la distraction que tu cherchais ce soir. T’avais tes habitudes, celles qui consistaient à prendre une douche, à te servir un café et à t’allonger sur ton canapé avec de la musique en fond. Au lieu de ça, t’étais encore dans les habits que tu portais depuis bientôt un jour, dans un appartement qui n’était pas le tien. Tu souffles un coup et tu fais signe à Victoria de venir, désignant sa tasse de café tandis que tu prenais la tienne pour en boire une gorgée. «Arrête de chercher ce trousseau, c’est le problème d’Adam.» finis-tu par dire, après tout Victoria et toi étiez dans la même situation, incapable de savoir où étaient ses clés. Et si vraiment Adam les avait laissées ici, il les aurait mises en évidence.

«Est-ce que tu m’autorises à prendre une douche? Avec un peu de chance, ça va me détendre un peu, je serai sans doute moins désagréable et je me sens un peu crade.» glisses-tu en rigolant, bien que tu sois sincère sur le fait que t’étais loin de te sentir propre. T’espérais que ça te permette de souffler un coup et de profiter un minimum de la soirée puisque t’allais sans doute la partager avec Victoria. Autant mettre toutes les chances de ton côté pour conclure cette soirée sur une bonne note et passer un bon moment avec elle.

Comme elle propose de se joindre à elle pour une petite soirée détente devant la télé, faute de trouver ses clés, elle est confrontée au refus de son interlocuteur, même si elle lui propose de dormir dans le lit d’Adam pour la nuit. Puisque son colocataire ne répond pas et qu’ils ne parviennent pas à mettre la main sur les clés, c’est encore la meilleure chose à faire, selon elle. Se calmer, se détendre, se reposer, comme s’il était chez lui et se soucier du reste le lendemain, lorsque son ami sera rentré. Elle s’imagine bien que Lenz doit être fatigué après une dure journée de vol et qu’il a besoin de se détendre. Mais s’il refuse…

Elle se remet à chercher les clés, ouvrant un nouveau tiroir en espérant les y trouver, même si elle n’a pas vraiment d’idée d’endroit où Adam aurait vraiment pu les mettre. Si elles ne sont pas dans l’entrée, ce n’est pas bon signe. Elle ne voit pas pouvoir il les aurait mit dans le salon, dans le bureau, dans sa chambre ou dans n’importe quelle autre pièce de la maison, en réalité. Alors elle ne sait pas vraiment ce qu’il a bien pu faire de ces clés de malheur qui gâchent tant sa soirée que celle de Lenz.

Plongeant sa main dans un nouveau tiroir en soupirant, elle tâtonne dans celui-ci sans grande conviction, quand l’homme l’interrompt, semblant penser que ce n’est pas la peine d’insister. Si les clés étaient dans les parages, elle les aurait déjà trouvés. Adam ne les aurait pas mises n’importe où. Si elle ne les a pas déjà trouvées, c’est qu’elles ne sont probablement pas là. Où, alors ? Avec Adam ? Si elles ne sont pas ici, il n’y a pas beaucoup d'autres possibilités. Adam n’est pas le genre de type qui n’a pas la tête sur les épaules mais, de temps en temps, trop de responsabilités… Le rejoignant pour s’emparer de sa propre tasse de café et la porter à ses lèvres, elle rit intérieurement de la situation. Si on lui avait dit qu’un jour elle serait seule en tête à tête avec Lenz, en soutien-gorge, elle n’aurait définitivement jamais imaginé que le contexte puisse être celui-ci.

"- Oui bien sûr, vas-y, tu sais où c’est !" accepte-t-elle comme l’homme désire profiter de la salle de bain. "Je vais te sortir des serviettes, attends." dit-elle en reposant sa tasse de café, partant en direction de la salle de bain pour préparer à l’homme de quoi se sécher. "La salle de bain est libre !" annonce-t-elle en descendant l’escalier. "Tu veux que je te prépare des vêtements d’Adam pour t’habiller ou tu as des rechanges dans tes affaires, encore ?"