Just You and I | Will

" Franz ! Tu me remplaces ce midi je pars me faire écorcher vif.. " Rire partagé, mon second comprit rapidement que j'allais partir me faire tatouer, ce n'était pas la première fois après tout.. Il n'arrêtait pas d'en entendre parler de ce.tte Will, tatoueur.euse dorénavant connu.e d'Hambourg, son talent n'était plus à prouver et sa réputation plus que florissante.. Véritable oeuvre d'art vivante, je possédais plusieurs dizaines de ses dessins tatoués sur ma peau, jamais je ne pourrais changer, iel avait cette chose qu'aucun autre professionnel ne pourrait avoir.. Mes pensées se dirigeaient directement sur ellui, je ne savais pas pourquoi, ni comment, tout ce que je savais c'était que sa présence me rendait de moins en moins indifférent au fil des séances.. Son odeur, son sourire, son regard, cet ensemble qui m'intriguait, me plaisait, me déstabilisait... Le tatoueur et son tatoué, une proximité, ce contact physique en dehors de la douleur qui pouvait rendre fou, non c'était impossible, il n'y avait que Will qui pouvait me tatouer et nul autre personne. Vêtu d'un simple t-shirt blanc et d'un jean noir serré à souhait, mes tatouages débordaient, style à part, style assumé, je n'avais aucune gène bien au contraire, oui le genre de type à se foutre du regard des gens et ben c'est moi et nul autre.

Petit salon à la réputation grandissante dirigé un.e artiste hors pair, les vrais amateurs, passionnés, connaissaient cet endroit mieux que quiconque. Saleté de cigarette au bord des lèvres, fumée opaque se dissipant dans les airs, je replaçai les quelques mèches sombre qui tombaient sur mon visage avant de franchir le seuil de cette porte si bien connue.. " Comment vas tu Nicola ? Will termine ton tatoo, vas le.a rejoindre si tu veux iel est juste à côté" Petit sourire échangé, je ne perdis pas de temps avant de prendre la direction de sa pièce de torture tout en contemplant toutes ses plus belles œuvres, d'ailleurs malgré toute modestie, je reconnaissais quelques uns de mes tatoos exposés, j'étais toujours aussi flatté de faire partie de cette décoration somptueuse.. Pénétrant discrètement à l'intérieur de cette pièce intime, je pouvais observer Will assis.e finissant de calquer mon dessin qu'iel avait personnalisé à sa façon. Une rose transpercée par une lame, comme si toute chose aussi belle soit-elle avait une fin, ma mère, mes relations qui n'aboutissaient jamais depuis toutes ces années, à croire que je devrais tirer un trait sur ces belles courbes.. M'approchant pas à pas en direction de l'artiste, je penchai mon visage à côté du sien " Bonjour beau.lle gosse, j'espère que tu n'en baves pas trop avec mon dessin " Sourire en coin, je n'avais pas l'attention de lui faire peur, mais ses instants de concentration comme lorsqu'iel me tatoue font ressortir en ellui un visage des plus attirants, c'était dans ces moments que l'on pouvait remarquer la passion d'un tatoueur pour son travail.

Finissant par poser mon regard sur son calque j'observais les quelques modifications qu'iel avait apporté à mon idée de base, c'était presque devenue une habitude, j'aimais lui laisser libre cours à son imagination infinie et je devais avouer qu'à chaque fois Will réussissait à me surprendre.. Un.e génie plein.e de créativité, je me rendis compte que plus le temps passait, plus j'espérais en découvrir un peu plus sur ce personnage en dehors des normes installés. " Je te laisse terminé, je connais le chemin t'inquiète.. " Léger clin, je pris la direction de son fauteuil et n'attendis pas un seul instant pour me débarrasser de mon haut car oui mon but était de le dessiner sur une partie de mon pectoral gauche où il restait la place nécessaire pour le graver. La douleur que procuraient ces aiguilles n'était devenue qu'une simple habitude pour moi, il y avait bien sûr des moments plus durs que les autres mais rien que de penser au résultat final j'en devenais presque impatient..

PSEUDO & PSEUDO

Le regard rivé sur le dessin que je suis en train de décalquer, je passe une main dans la chevelure courte et violine qui est la mienne ces derniers temps, replaçant les mèches de ma frange sur le sommet de mon crâne pour dégager mes yeux. Un coup d'œil rapide à l’horloge et je poursuis mon travail, parfaitement conscient que Nicola ne devrait plus tarder à se présenter pour son rendez-vous. Un nouveau projet. Une rose perforée d’une lame, dont la poésie a motivé ma créativité ces derniers jours, me poussant à ajuster le motif jusque dans les dernières heures avant l’ancrage. J’ignore tout ce que ce tatouage peut signifier, tout ce qu’il peut transmettre exactement mais je décèle au travers de lui un message poignant, compliqué, la preuve même que l’âme de son porteur est plus tourmentée que son sourire ne le laisse paraître. Et quel sourire… La pensée de celui-ci fait se contracter mon ventre et une envolée de papillons semble agiter mes entrailles. Nicola Weiz n’est pas seulement le client que j’ai le plus recouvert de mes créations, il est aussi celui sur lequel et avec lequel je préfère travailler. Parce que ses idées sont belles, parce que son art et le mien s’accordent… Et sûrement parce que, même si je peine encore à me l’avouer, il a ce petit quelque chose en plus, ce je ne sais quoi, qui agite mon âme et la fait vibrer.

Je termine la décalque d’une feuille quand je sens une présence, un parfum, imprégner la pièce au point de la remplir toute entière. Il est là et, si je tends l’oreille, je peux entendre son pas qui approche, sentir le mouvement de son buste qui avance vers mon dos, deviner sa tête par-dessus mon épaule qui observe minutieusement le fruit de mon travail, de notre travail. Le résultat de la rencontre de son âme et de la mienne. Et, quand il prend la parole, quand sa voix découpe le silence de la pièce seulement perturbé du bruit de nos respirations, mes lèvres s’étirent en un sourire. Ma plus belle toile. Comment pourrais-je seulement en baver sur ses dessins ?

”- C’est toujours un plaisir d’en baver sur tes idées. J’imagine que tu me rends un peu masochiste…”

Plaisanterie murmurée, sourire qui s’élargit, je suis du regard son mouvement quand il rejoint mon fauteuil comme s’il était le maître des lieux. Il est passé si souvent sur celui-ci qu’effectivement, il connaît le chemin tout comme la procédure. Il n’a pas besoin que je le lui demande, d’ailleurs, pour retirer son haut et je sais, après dix ans à marquer sa peau, qu’il a appliqué à la lettre le protocole maintes fois répété, qu’il connaît par cœur. Aussi, abandonnant mon thermocopieur, j’approche de lui et prend place sur mon siège.

”- Pas trop stressé ?” demandais-je par habitude, tout en connaissant la réponse. Une sorte de blague entre nous, depuis le temps.

Appliquant le calque sur sa peau, j’ajuste l’emplacement, vérifie la taille du dessin, retire mon calque et inspecte la peau. Niquel, comme j’aurais pu m’y attendre. Reposant le calque soigneusement, je retire mes gants, en attrape de nouveaux, propres, et sort le matériel dont j’ai besoin et que je ne lui présente plus depuis le temps. Rasoir, désinfectant, aseptisant… Je m’ajuste sur mon siège et reporte mon attention sur lui, rasoir en main, prêt pour préparer sa peau.

”- Prêt ?”

Willola

Parfum devenu habituel pour moi, Will m'intriguait autant qu'iel me me plaisait, je ne pouvais finalement que l'avouer, à chacune de mes pensées tournées en direction de son visage, quelque chose en moi se passait, quelque chose de différent, un sentiment, une sensation que je ne connaissais pas vraiment.. Cette chose me trouvait autant que m'excitait, pourquoi son visage hantait parfois mes nuits ? Pourquoi son parfum envahissait il autant mes sens au point de me faire perdre tout bon sens ? Toutes ces questions qui n'avaient pour l'heure aucune réponse mais une chose était certaine, dès que ma présence se trouvait non loin d'ell.lui, je n'étais plus le même homme, Will sans s'en rendre compte, était capable de me faire perdre la tête, ce pouvoir qu'iel possédait et dont iel n'était pas encore au courant.. Sourire affiché au bord de mes lèvres, je pouvais passer des heures entières à l'observer travailler, contempler un passionné en pleine création était une chose d'admirablement beau à voir. " J'te rassure, on est tous un peu maso' à partir du moment où on franchit les portes de ton salon ! " Ma langue venant s'extirper doucement de mes lèvres par pur taquinerie, après tout le plaisir du tatouage passait d'abord et avant tout par une certaine douleur, certains la supportait totalement tandis que d'autres ne franchiront plus jamais le seuil d'un salon de tatouage.. Un art incompris mais de plus en plus à la mode à force des années, le tatouage était devenu un véritable style de vie, une mode que certains abandonneront avec le temps tandis que d'autres y resteront attachés jusqu'à la fin de leur vie..

Torse nu, je continuais d'observer l'espace de la pièce en l'attendant, une décoration très personnelle, n'importe quel connaisseur pouvait admirer un bout de la personnalité de sa propriétaire. J'adorais cet endroit, c'était comme visiter une partie de son âme, je pouvais y rester des heures avec de vrais yeux d'enfants. Sa phrase fétiche qu'elle sortait avant chaque séance, son sourire taquin que j'adorais observer, je ne pus m'empêcher de lâcher un léger rire avant de poser mes yeux sur l'artiste.. " C'es toi qui va finir par me stressé à force tu sais.. " Taquin tout comme elle, je pouvais sentir ses doigts se poser sur mon torse afin de déposer son calque, léger frisson indescriptible vint s'installer, sentant mes poils s'hérisser le long de mes bras, une sensation étrange et plaisante à la fois, je n'étais pas capable de comprendre pourquoi. Riant presque nerveusement en la voyant avec en main son fidèle rasoir, je repris alors tout en croisant mes mains sur mon abdomen. " Si jamais je pleure, gardes le pour toi.. " Souris-je avant de sentir son rasoir venir se frotter à ma peau histoire de retirer tout surplus, ces lames froides épousant mon torse, je ne pouvais m'empêcher de poser mes yeux sur Will. Je savais très bien qu'il y en aurait pour au moins deux petites heures et pourtant, bizarrement, j'aimerais y rester la journée entière en sa compagnie si plaisante est-elle. " Pendant que j'hurle à la mort comme un martyre.. Maintenant que ça fait quelques années qu'on échange quelques instants presque intimes.. " Dis-je accompagnée d'une magnifique fausse toux suivit par un rire presque taquin.

" Non sérieusement.. Et si on passait ce moment pour en savoir plus sur l'autre ? Joueur que je suis, transformons tout ça en un jeu si tu veux.. Une question, une réponse chacun son tour.. Joker peut être utilisé bien entendu " J'avais un sérieux problème à tout faire passer sous l'excuse d'un "jeu", je pouvais pas simplement dire *Hey Will, je sais pas pourquoi mais tu m'intrigues beaucoup plus que je le pense, j'aimerai mieux te connaître..* Voilà le genre de phrase tout à fait normal que n'importe quel être humain sur cette Terre pourrait sortir, mais moi non, toujours obligé de cacher certaines choses, certains sentiments que je n'avais l'habitude de ressentir. Mystérieux.se au visage captivant, Will, cet.te artiste qui sans le savoir était en train de défoncer le coffre enfermant cette myocarde solitaire.    

PSEUDO & PSEUDO

J’esquisse un sourire comme il affirme que tout le monde devient un peu maso en passant les portes de mon salon de tatouage. Il faut dire que pour beaucoup, la douleur fait partie intégrante du plaisir du tatouage. Que, sans elle, alors on a pas mérité le dessin ornant sa peau. Je n’appartiens pas forcément à cette école, conscient que la douleur est quelque chose de très fluctuant. Il y a ceux qui souffrent toujours beaucoup, ceux qui n’ont pas mal, ceux qui s’endorment pendant la séance, une fois le premier quart d’heure un peu charnière passé… Il y a ceux qui ont mal parfois, pas d’autres. Et selon les zones que l’on tatoue, aussi, il peut y avoir de grande variable. Je sais qu’il y a autant de manières de vivre son tatouage que de tatoués, autant de manières de le vivre que de tatoueurs, aussi. En ce qui me concerne, j’ai toujours eu plus ou moins mal mais je me passerai bien de cette douleur, quoi qu’elle reste supportable et, en tout cas, pas suffisamment dissuasive pour que je ne me précipite plus chez mes collègues en vu d’un tatouage - qu’il m’arrive de réaliser moi-même, selon les motifs et l’endroit de mon corps que je souhaite faire - car le tatouage est comme une addiction pour bien du monde. Une addiction dont on ne se débarrasse jamais.

J’abandonne mes machines pour rejoindre le fauteuil dans lequel s’est installé Nicola, prêt à commencer notre séance, non sans m’assurer d’abord qu’il ne soit pas stressé, une petite blague entre nous, depuis le temps. En dix ans de tatouage, je sais qu’il a l’habitude de tout ça, qu’il connait la procédure, les étapes, sur le bout des doigts. Je sais, de fait, qu’il sait parfaitement à quoi s’attendre ce qui, évidemment, réduit considérablement le stress. Ce n’est plus rien d’inconnu pour lui, bien au contraire. Il sait exactement ce qu’il en est.

”- Moi ? Je ne ferais jamais ça…” affirmais-je, sourire aux lèvres avant de poser le calque sur sa peau, vérifiant l’emplacement du tatouage.

Je prépare mes affaires puis attrape mon rasoir pour nettoyer la zone que je vais tatouer, m’assurant d’abord que mon cobaye du jour se sent prêt à démarrer, même si nous n’entrons pas tout de suite dans le vif du sujet ou, devrais-je dire, de son épiderme. Le consentement de ma clientèle avant le début de la séance et le contact physique est important. Ce n’est qu’une fois que je l’ai obtenu, qu’une fois qu’il m’a réitéré son accord, que je peux me lancer, posant ma lame sur son pectoral.

”- C’est promis…”

Je lui adresse un clin d'œil en commençant mon travail, rasant la zone prévue pour le tatouage en m’appliquant, l’écoutant parler comme il reprend la parole et me fait rire. J’ai besoin de tout mon contrôle pour éviter de laisser mon bras trembloter, au risque de créer une plaie, la dernière chose dont nous ayons besoin, puisque je ne pourrais plus le tatouer si tel est le cas. Je préfère penser que ce genre de tuile n’arrivera donc pas.

”- Evite de faire croire à tout le voisinage que je suis en train de t’égorger, ça m’embêterait beaucoup que les flics arrivent et m’embarquent, en laissant ton tatouage seulement à moitié fait !” lançais-je comme une petite blague, attendant qu’il poursuive et m’explicite le fond de sa pensée. ”Ça marche… Je te laisse l’honneur alors ? Après tout, c’est toi qui va te faire égorger comme un goret…”

Nouveau sourire dont je le gratifie avant d’attraper le désinfectant que je viens appliquer sur son buste, avant de passer à l’aseptisant. L’hygiène étant des plus importante pour éviter toute infection, je m’applique à passer sur toute la surface, repasse un coup sur chacun de mes outils que j’ai pourtant déjà lavé et stérilisé au préalable, reprend le calque et le pose précautionneusement pour entamer le transfert sur sa peau avant de retirer le papier que je repose plus loin. J’observe le tracé, m’en imprègne, puis attrape le dermographe, prêt à commencer.

"- Attention, je vais commencer..." préviens-je avant de me lancer.

Willola

  Le tatouage était bien plus qu'un simple art pour moi, je considérais ces nombreuses séances que j'avais passé comme de véritable thérapies personnelles, non pas que j'étais un grand fan de la douleur provoquées par ces aiguilles mais elle définissait le fait que l'on obtenait jamais rien sans un sacrifice aussi infime soit-il.. Dans la vie certaines personnes pouvaient tout obtenir rien que par un simple claquement de doigts, d'autres non, mais avec cet art tout le monde était logé à la même enseigne, chacun devait passer par la case souffrance un point c'est tout. J'observais sereinement Will appliquer cette même procédure comme à chaque.. Professionnel.le jusqu'au bout des ongles, sa concentration restait à son paroxysme tandis que je passais mon temps à le.a déstabiliser.. Et puis ce sourire qu'iel affichait constamment, je ne savais dire pourquoi, mais quelque chose, un " je ne sais quoi " se passait au plus profond de mes entrailles.. Sensation destabilisante, étrange mais presque plaisante se faisait de plus en plus ressentir au fil du temps passé à ses côtés. Etait-ce normal ? Je n'en savais absolument rien, comme si c'était quelque chose de nouveau, d'indescriptible, tel l'inconnu d'une équation je me prenais intérieurement la tête à tenter de comprendre la situation.. Je ne pus m'empêcher de lâcher un léger rire en écoutant le tatoueur.euse parler.. " Si jamais on te fout en prison, j'aurais une raison pour venir te rendre visite histoire de le terminer.. Mais j'avoue que ça m'embêterait de priver la ville de tes talents ! " Sourire affiché, je continuais de l'observer, ressentant la sensation froide du produit sur ma peau, un léger frisson parcouru l'entièreté de mon corps au point d'en faire hérisser les poils de mes bras.. " A force de parler d'égorgements, je vais finir par me sentir comme un animal prêt pour l'abattoir " Dis-je en riant avant de reprendre mon sérieux en voyant Will se saisir de son dermographe..

Ce son qui n'était pas des plus agréable était l'annonciateur du commencement.. Mes yeux rivés sur sa machine, j'attendis presque impatiemment que ses aiguilles viennent enfin au contact de ma peau. Les premières minutes étaient loin d'être les plus plaisantes, le temps que ma peau, mon cerveau puissent " s'habituer " à ce mal, ce n'était pas pour autant que j'avais oublié le petit jeu que j'avais décidé d'installer entre nous deux, un moyen peut être légèrement camouflé de lui montrer que je m'intéressais à iel.. " J'aurais du réfléchir à la question avant que tu commences ! " Dis-je en contrôlant mon rire histoire de ne pas gâcher son travail, rattraper un débordement n'était pas toujours si simple même si entre ses mains expertes je ne me faisais aucun soucis. " Alors... " Faisant mine de réfléchir alors que mes yeux se posèrent sur l'artiste " As-tu un tatouage qui te tient personnellement à coeur ? Enfin celui qui a peut être le plus d'importance à tes yeux.. Si oui tu es en droit de dire pourquoi celui là ! " Après tout, malgré un grand nombre de séance en sa compagnie, je ne le.a connaissais pas plus que ça , iel qui était toujours si concentré sur son boulot.. Il était peut être temps d'en savoir un peu plus sur la personne à qui je confiais ma peau.. Sourire aux lèvres, je levai toutefois mon index avant de lui rappeler cette petite règle qui avait toute son importance.. " Mais n'oublies pas, tu as le droit de ne pas y répondre, j'veux pas déstabiliser la personne qui est en train de me planter des aiguilles sur le torse.. " Mes yeux ne pouvaient s'empêcher de l'observer, comme attirés par l'artiste.. Etait-ce son parfum ? Son aura ? Sa façon d'être ? Sûrement un mélange de toutes ces choses.
 

PSEUDO & PSEUDO

”- Si je suis en prison, je ne suis pas sûr qu’on me laisse avoir accès à mon matériel pour finir le moindre tatouage, tu sais…”

Je ris, conscient du fait qu’il n’est pas le moins du monde sérieux. Je n’ose pas imaginer un instant qu’il le soit et encore moins les conditions dans lesquelles j’aurais à faire un tel tatouage, si cela arrivait. Un tatouage dans une cellule de prison doit être l’une des meilleures manières de se choper une infection, à mon sens. J’aime autant ne pas tenter le diable, encore moins avec mon œuvre d’art favorite. Ce serait un réel gâchis…

”- Mais n’oublie pas de m’apporter des oranges !” remarquais-je en riant. ”Les laisse pas m'affamer, je suis trop beau pour finir avec un visage émacié à la Sirius Black…”

Petit rire. Je connais mes classiques. Mais, blagues à part, j'espère bien ne pas en arriver là. Je ne suis pas fait pour les endroits clos, bien que mon atelier de tatouage ne le laisse pas vraiment paraître. Je suis fait pour les grands espaces. Pour la liberté. Pour sentir le vent agiter mes cheveux et entendre une moto rugir sur le bitume, en avalant des kilomètres. Je suis fait pour l'état sauvage, pour les road trip à travers les landes, les prairies et les chemins. Certainement pas pour les barreaux et l'obscurité d'une prison dans laquelle, du reste, une personne comme moi ne pourrait jamais se faire une place. Je n'ai pas honte de ce que je suis, pas un instant mais je sais que, en prison, il y a peu de chance pour que cette part de moi soit acceptée, encore au moins pour qu'elle soit respectée. J'aime autant éviter, donc, d'y finir ma journée.

"- Quelle chochotte…" je souffle, sourire aux lèvres.

Pour un animal en partance pour l'abattoir, je trouve tout de même que mon client a bonne mine. Pire encore, il est plutôt volontaire pour ce genre de traitements, puisque c'est lui qui revient encore et encore, sans cesse, dans mon salon. Pas que cela me dérange, bien au contraire. Il me reste bien assez de son épiderme à tatouer pour le laisser venir encore longtemps, là n'est pas le problème. Mais de là à dire qu’il est comme un animal au bord de l’abattoir… Il semble plutôt heureux d’y être, d’y venir, d’y revenir.

Se découvrir, se questionner, se rapprocher pendant que je le tatoue, telle est sa proposition et je hausse un sourcil. Ce n’est pas une mauvaise idée, du moment que ça ne le fait pas bouger, du moment qu’il est capable de rester tranquille et ne pas me faire dévier de mon trait. Alors qu’acquiesce, j’accepte, affirmant toutefois que je lui laisse l’honneur de démarrer, m’amusant sur le fait que ce soit lui qui soit sur le point de se faire saigner à blanc sous mon dermographe.

”- Moi qui pensais que tu avais tout prévu !” remarquais-je en riant, lui laissant un peu de temps pour réfléchir à tout ça.

Enfin, la question tombe et elle n’est pas vraiment anodine. Portant sur le tatouage, naturellement, je remarque que c’est une question assez profonde pour effectivement lui en apprendre un peu plus sur moi mais, en même temps, c’est aussi une question plutôt normale pour des passionnés de tatouages. Le genre de questions que l’on se pose souvent entre nous, à vrai dire, curieux de connaître les significations des tatouages, leur histoire… J’esquisse un sourire quand il souligne toutefois que je peux ne pas répondre.

”- Ce serait dommage que je dévie du trait hein ?” Je pouffe. ”C’est celui dans mon cou, le “And breathe…”” finis-je par dire après un moment de silence, pour me concentrer sur mon travail. ”C’est… celui que j’ai fait faire après avoir réalisé mon identité et mis des mots sur tout ça. Quand j’ai réalisé que je suis genderfluid..” finis-je par expliquer. ”Est-ce que j’ai le droit de poser la même question, ou c’est tricher ?”

Willola