En plein préparatifs - ft. Wolfgang

Il était presque dix heures et Philipp avait déjà bien amorcé sa journée. Réveillé à 5 heures, comme tous les matins, il avait commencé par un petit-déjeuner sain et copieux, avant d'aller nourrir les animaux de son ranch, à commencer par ses chevaux. Il n'y avait pas de répit pour lui, il travaillait beaucoup, mais il ne s'en plaignait pas. Il aurait pu faire un métier inintéressant, dans lequel il ne pourrait pas s'épanouir, aussi s'estimait-il chanceux d'être son propre patron et de côtoyer ces êtres vivants pour lesquels il éprouvait le plus pur des amours. Il les dorlotait, les cajolait, il ne perdait jamais une occasion de leur témoigner de l'affection et de la bienveillance. Il s'agissait de sa nature, il en allait ainsi depuis qu'il était enfant. Mine de rien, réapprovisionner l'eau et la nourriture lui prit deux heures. Quand il eut terminé, il retourna dans son ranch. Celui-ci jouxtait le centre équestre. Les premiers employés n'allaient plus tarder à prendre le relais. Philipp avait expliqué la veille qu'il serait indisponible sur la journée. La raison ? Son petit frère, Wolfgang, venait lui rendre visite. Oh, ça, il avait bien entouré le jour sur son calendrier, au feutre rouge.

Ils s'étaient revus, il n'y avait pas si longtemps, et le plus jeune lui avait annoncé qu'il allait se marier. Avec Felix, son ami d'enfance. Outre la joie qui traversa Philipp, il y eut aussi du soulagement que son futur beau-frère soit connu, identifié et gentil. Parce que Philipp ne souhaitait toujours que du bonheur aux gens. Il avait un fond gentil, que l'on ressentait de par son attitude souriante et paisible. Il était important pour lui que Wolfgang puisse compter sur quelqu'un de drôle, prévenant, tendre et sympathique comme l'était Felix. Parce que le cadet méritait d'être heureux et d'avoir une famille aimante. Ils avaient déjà parlé, par le passé, de leurs attirances. Philipp, en indécrottable romantique, racontait surtout les émotions qu'il ressentait, en occultant un peu l'attirance physique. Et pourtant, parfois, il avait eu des relations pour lesquelles il n'avait pas pu expliquer le fait de n'être attiré que par un corps. Ça lui était arrivé bien plus qu'il ne le pensait. On ne commandait pas le cœur, après tout. L'homosexualité de Wolfgang ne fut jamais un problème, tout comme sa bisexualité à lui. Ils considéraient cela comme normal, parce que ça l'était.

Il se sentait impatient ! Il voulait voir son frangin en costume, passer la bague au doigt de l'homme de sa vie. Il avait d'ailleurs commandé une quantité assez impressionnante de pellicule pour son vieux polaroïd, toujours en état de marche. Il rêvait de faire une collection d'albums photos de ce moment. D'autant que ça se déroulerait ici. Wolfgang avait accepté sa proposition de faire ça au ranch. Il y avait suffisamment d'endroits pour dormir, un cadre assez idyllique avec les chevaux, les poules, les canards, les cailles, les ânes et les chèvres. Et puis, la cerise sur le gâteau... Une jolie arche fleurie que Philipp avait commencé à bricoler. Les paysages permettraient d'immortaliser le moment. Il restait à organiser les préparatifs. Bon, ça paraissait simple comme ça, mais en voilà un sacré défi ! Là-dessus, Philipp ne voulait pas de montrer envahissant. Il laisserait son frère décider de ce qu'il voulait. Éventuellement, il lui donnerait quelques petits conseils, sans aucune prétention. De retour chez lui, il entreprit de faire un brin de toilette. Il doutait sincèrement que Wolfgang apprécie un câlin fraternel avec une odeur de transpiration matinale mêlée aux effluves des chevaux. L'odeur de fauve, ça n'était vraiment pas idéal quand on sociabilisait, il le savait !

Dans sa baignoire, remplie d'eau chaude et savonneuse, il se laissa doucement aller. Il se demanda si lui aussi connaîtrait un jour la joie de se marier à quelqu'un. Les années passaient et hélas, elles ne faisaient que conforter sa crainte silencieuse. Il allait se retrouver seul... Parce qu'il était bien incapable de garder une personne dans sa vie. Ça lui fendait autant le cœur que l'âme. Il ne voulait que ça, fonder une famille... Enfin, au pire, peut-être que Wolfgang et Felix adopteraient des enfants ? L'option de la mère porteuse était à exclure en tout cas, puisque ça restait toujours illégal en Allemagne. Quoique... peut-être qu'à allant à l'étranger, ça pourrait le faire ? Il n'avait pas parlé à son cadet de ce sujet-là. Voulait-il des rejetons ? Se sentait-il prêt à être papa un jour ? Il fallait s'appeler Philipp Fisher pour s'interroger ainsi sans formuler directement la question. Finalement, ça n'était pas important qu'il soit tonton ou non. Wolfgang prendrait la meilleure décision et il se laisserait porter par le cours de la vie. Voilà tout. Il n'irait pas s'immiscer là-dessus, parce qu'il était définitivement trop bienveillant pour ça. Ses paupières se fermèrent, et il fut entraîné dans un rêve agréable, où tout le monde venait manger ici et s'amuser.

Des aboiements joyeux le dirent sursauter subitement. Il se redressa dans la baignoire, donc la mousse avait complètement disparu. Il s'était endormi ! Et en regardant l'horloge, il se rendit compte qu'il était dix heures ! Philipp sortit en trombe, au moment où il entendit sonner. Wolfgang était là ! Et il n'avait rien préparé ! Il se sécha rapidement, enfila un peignoir et descendit les escaliers de bois, en manquant glisser à cause de ses pieds mouillés. Il ouvrit la porte, un sourire heureux sur le visage :

- Et le voilà ! Mon futur marié !

Avant même que Wolfgang ait pu faire ou dire quoi que ce soit, il le prit dans ses bras pour faire ce fameux câlin fraternel qui n'avait rien d'une légende, à en juger par les légers craquements qui s'ensuivirent. Il était plus petit que son frère, mais Philipp avait une carrure plus imposante. Merci le sport et la vie de ranch ! Quand il le relâcha, il lui passa une main dans les cheveux pour l'ébouriffer un peu.

- Entre, désolé, je me suis endormi dans le bain, je n'ai rien vu venir ! Installe-toi, je vais m'habiller et je reviens ! Venus, Thor, mes amours, soyez sages avec tonton !

Un message amusé, adressé aux deux chiens qui partageaient sa vie. Venus était un magnifique husky femelle aux yeux vairons. Thor, quant à lui, était un berger allemand mâle borgne, à la suite d'une malformation de naissance. Les deux toutous s'affairaient autour de Wolfgang en remuant la queue, prenant le relais de leur maître qui fila à l'étage s'habiller. Il engagea une conversation à distance :

- Alors, comment vas-tu ?