Theoliora ♔ Our fucking valentine's day

Our fucking valentine's day

La nuit avait été courte, plus que courte. Prévenue tardivement - ou matinalement, c’est selon le point de vue, après tout - du besoin du sénateur Wolf qu’elle l’accompagne tout le week-end pour un séminaire, Eliora s’était retrouvée à faire sa valise à une heure plus qu’improbable, un vendredi soir. Si, un peu plus tôt dans la soirée, elle avait pu se détendre sur son ordinateur tout en se régalant de quelques böreks et sirotant un délicieux verre de vin, la suite de sa soirée avait été un peu plus agitée, donc, pour être prête à temps le lendemain. Les sms de Theo, du reste, étaient le signe que le repos, ce week-end, ne serait guère au rendez-vous. Et la semaine serait probablement longue, de fait, jusqu’au prochain week-end. Peu importe. Elle a choisi cette vie. Elle sait que, parfois, son métier prend le pas sur sa vie privée. Ce n’est pas grave. Elle n’avait de toute façon rien de prévu ce week-end, si ce n’était de paresser un peu, rattraper ses heures de sommeil.

Couchée plus que tardivement et levée après une nuit d’un peu plus de quatre heures seulement, une bonne douche fraîche ce matin-là lui avait fait le plus grand bien, contribuant à la réveiller davantage, alors qu’elle n’avait que peu de temps devant elle pour réellement émerger et être prête. À huit heures tapantes, Theo Wolf serait certainement devant chez elle, au volant de sa voiture, bien décidé à ne pas faire attendre le député Meyer. Ils ne pouvaient pas se permettre d’arriver en retard chez ce dernier, même de quelques minutes et, quoiqu’il aurait certainement prévu large pour être sûr d’être à l’heure, Eliora gage qu’il serait réglé comme une horloge.

Sortant de chez elle pour traverser la rue, l'interprète gagne rapidement la boulangerie la plus proche, en ressortant à peine quelques minutes plus tard, un paquet de viennoiseries encore chaudes entre les doigts. Se hâtant, la brune rentre rapidement chez elle, se faisant couler un café fumant en même temps qu’elle réunit ses cheveux en une élégante queue de cheval parfaitement maîtrisée, qu’elle vient transformer en un chignon professionnel quoique volontairement pas trop strict. Un coup d'œil à son reflet dans le four. Parfait. Attrapant sa tasse de café fumante, elle souffle dessus distraitement en jetant un regard à son téléphone. 7h55. Elle donne un coup de chiffonnette sur la table, inspecte la pièce, son reflet de nouveau, avant de s’autoriser à avaler une gorgée de café qui brûle légèrement sa langue au passage. Elle grimace. Et la sonnette retentit. Déjà.

Sur le pas de sa porte, lorsqu’elle la fait pivoter, la brunette découvre bel et bien - est-ce étonnant - le faciès du sénateur qu’elle invite à entrer rapidement, sa tasse de café à moitié vide seulement encore en main. Elle n’était pas en retard. Presque pas.

”- Je m’étouffe avec mon café et je suis à toi !” assure la quadragénaire dans une phrase à double sens parfaitement choisie, maîtrisée. ”Café ?” propose-t-elle en l’invitant à entrer, sourire aux lèvres. Ils avaient peut-être quelques minutes, avant de devoir y aller.

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Our fucking valentine's day

Comme l’homme se plaint d’être devenu, à son tour, le second choix de la brune, passant après un café, cette dernière dessine sur ses lèvres un fin sourire. C’était bien lui qui, à l’origine, voulait emmener quelqu’un d’autre pour ce week-end. Lui qui l’avait prévenu à une heure improbable la veille de préparer ses bagages et se tenir prête à partir dès aujourd’hui. Lui qui n’avait initialement pas eu l’envie de venir ici avec elle. Alors le sourire de la brune s’élargit quelque peu et elle porte sa tasse à ses lèvres, celles-ci s’adaptant à la courbure de la porcelaine, défiant du regard l’homme qui lui fait face.

”- Un prêté pour un rendu, très cher ! Un prêté pour un rendu !” annonce-t-elle avant de rire, s’éclipsant en proposant un café à son interlocuteur.

Comme il accepte un café - à emporter - Eliora ouvre le placard, en sortant deux travels mugs dans lesquels elle fait couler du café chaud. L’homme, déjà, s’inquiète au sujet de sa valise et l’interprète lui désigne celle-ci, qui attend dans l’entrée que l’homme la porte jusqu’à son coffre, comme il se propose pour le faire. La brune lui adresse un nouveau sourire, comme le sénateur, attrapant la valise, s’inquiète désormais du contenu de celle-ci. Elle fait mine, alors, de réfléchir.

”- Voyons voir… Vêtements oui, brosse à dent c’est fait, tenue de soirée pour le cas où… et pyjama. Je crois que j’ai tout !” répond-elle, oubliant sciemment tout ce que l’homme lui avait demandé, quoiqu’elle ait bel et bien respecté la commande de ce dernier.

Lui décochant un nouveau sourire qui en dit long sur la réalité des faits - appréciant au passage la mine que tire son interlocuteur sur le moment - la quadragénaire récupère les deux mugs,, versant dans l’un d’eux le reste de sa tasse. Ce serait le sien. Les refermant consciencieusement, elle ajoute un peu de cellophane avant de les visser, plantant finalement une paille dans chacun des gobelets. Parfait. Attrapant un paquet de biscuits, elle glisse rapidement celui-ci dans son sac à main avant d’attraper les mugs pour emboîter le pas du sénateur.

Prenant place sur le siège passager, Eliora pose son sac sur ses jambes, glissant le gobelet destiné au sénateur dans le porte gobelet, tenant fermement le sien dans sa main, le portant à ses lèvres à intervalles réguliers. Son regard se fixe, lui, sur la route. Ils en avaient pour un petit moment devant eux. Si le silence n’était pas dérangeant en soit, le temps passerait sans doute plus vite avec un peu de conversation.

”- D’ailleurs tu ne m’as rien dis sur le thème du séminaire ?”

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Our fucking valentine's day

L'homme assurant qu'elle subirait les conséquences si d'aventure elle avait oublié de mettre dans sa valise ce qu'il lui avait expressément demandé d'emporter avec elle, la traductrice-interprète dessine sur ses lèvres un fin sourire comme elle remarque l'air qu'il arbore, le reconnaissant parfaitement. Un air qu'elle ne manque pas de s'amuser à attiser, comme elle s'appuie dos au mobilier de cuisine, levant un sourcil en même temps qu'elle le dévisage.

”- N'ayez crainte monsieur. S'il manque quoi que ce soit, je vous laisserai volontiers me donner une fessée.” souffle-t-elle avant de s'écarter du plan de travail, heureuse de son petit effet.

Prenant place dans le véhicule, la brune lui jette un regard comme l'homme s'installe au volant à ses côtés non sans enfiler ses lunettes de soleil. L'imitant, Eliora fait glisser les siennes sur son nez avant de reporter son attention sur la route, le paysage urbain qui défile. Si ce n'était pas pour le travail, ils auraient l'air d'un petit couple partant en vacances. Était-ce ainsi qu'on les voyait, depuis l'extérieur ? Peut-être. Même si c'était ridicule. Et faux. Évidemment.

”- Je vois. Les pays nordiques nous dépassent sur plusieurs points malheureusement.” remarque la brune, dépitée.

C'était aussi le cas dans le domaine de l'éducation. Les résultats allemands à l'international n'étaient pas des meilleurs. Les finlandais, pour leur part, étaient en tête du classement, cavalant dans les dix premiers à chaque évaluation PISA. Pour y remédier, les consciences devaient changer en Allemagne. Sur le domaine écologique également.

”- Crois-tu que nos compatriotes soient prêts pour cela ?” questionne-t-elle, passant une main dans ses cheveux pour replacer une mèche derrière son oreille. ”Je veux dire par là crois-tu qu’ils soient prêts à faire les efforts nécessaires pour la réussite de cette entreprise ?”

C’était tout Theo, ça. Bien qu’il soit sénateur à l’éducation et la formation professionnelle, il ne pouvait pas s’empêcher de s’intéresser à tous les autres domaines de la politique. Ce qui n’était, à vrai dire, pas un tort, d’autant plus que nombreux étaient les Hambourgeois désirant le voir occuper le poste de Premier Bourgmestre de la ville. S’il y parvenait, il serait nécessaire qu’il ait des avis et des mesures à donner et proposer sur tous les sujets préoccupants actuels.

”- Ne t’en fais donc pas, je sais à quoi m’attendre avec lui.” affirme-t-elle, portant de nouveau son regard sur la route. ”Fort heureusement, la majorité de la ville n’a pas confiance en lui non plus.” remarque Eliora. ”C’est toi qu’ils veulent.”

Et comme elle les comprend. Pour fréquenter le gratin de la politique Hambourgeoise, elle est de ceux qui savent, mieux que quiconque, à quel point le sénateur Wolf est un homme intelligent, efficace, respectable et dévoué à sa tâche. Un homme qui ne ménage pas sa peine pour atteindre ses objectifs et qui souhaite, sincèrement, améliorer les choses pour ses concitoyens. Il était de ceux qui ne pensaient pas à s’en mettre simplement plein les poches. Il faisait ainsi figure d’exception. Les Hambourgeois avaient sû le déceler, au moins partiellement.

”- Crois-tu que son épouse et son aîné seront présents ?” questionne-t-elle de nouveau. ”Il se dit dans les couloirs que la famille bat de l’aile. Il aurait perdu le soutien de sa compagne et celui de son fils aîné. Les histoires de famille ne devraient jamais interférer dans la politique, c’est vrai. Mais on ne peut empêcher nos concitoyens, toutefois, de le prendre en considération…”

Ce qui jouait en faveur de Théo. Les gens jugeaient vite un homme qui ne parvenait pas à “fédérer” sa famille autour de lui ou, pire, qui affichait un manque d’unité avec les siens. Les gens y voyaient une marque de faiblesse, habituellement. Dans le cas de Theo, la question ne se posait pas. Ce qui n’était pas non plus toujours une bonne chose, certains ayant parfois du mal à voter pour un candidat célibataire. Vestige du passé où il était de coutume que la présidence soit occupée par un couple tant le mariage était répandu alors et le divorce absent.

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S’il préfère ne pas répondre, la quadragénaire sait parfaitement que son interlocuteur n’est pas insensible à ses mots et elle peut même deviner, ou presque, les pensées et désirs soudains de ce dernier. Il n’était pas bien difficile d’imaginer que ses mots venaient de mettre le feu aux poudres des pensées de son chauffeur du jour, lequel devrait pourtant rester concentré sur la route malgré tout, comme ils sont attendus pour un petit week-end de travail. Et qu’il serait parfaitement dommage qu’un homme comme lui, aux ambitions politiques certaines, arrive en retard à un week-end. Eliora a donc parfaitement conscience du petit supplice qu’elle lui inflige, comme elle arrange sa position sur le siège passager, se débarrassant de son sac à main qu’elle pose élégamment sur ses cuisses.

Malgré tout, la discussion s’oriente rapidement sur un sujet des plus sérieux comme Eliora questionne l’homme sur le thème de ce petit week-end, les raisons de cette convocation de dernière minutes. Pour tenir parfaitement son rôle ce week-end et être tout à fait prête dès qu’elle sortirait de la voiture, la brunette avait besoin de plus d’informations, de pouvoir cerner de quoi il était question exactement, ce qui lui permettrait du reste de savoir comment aider Théo tout au long de ce séminaire et comment le soutenir, également. Opinant de la tête élégamment, elle l’observe donc en continuant de parler. Faire d’Hambourg des pionniers en matière d’écologie ne serait pas une mince affaire tant les pays nordiques avaient de l’avance sur le reste de l’Europe et du monde, plus généralement. Il était plus juste de penser qu’ils pourraient dans un premier temps surpasser le reste du pays, ce qui ne serait déjà pas une petite victoire, bien au contraire. Mais les ambitions de Théo, naturellement, visent plus haut. Elle en a parfaitement conscience.

”- Nous pourrions probablement envisager, d’ailleurs, des partenariats avec les pays nordiques en cas de victoire aux élections et peut-être même pendant la campagne, pour prouver tes engagements. Marcher mains dans la main avec des précurseurs en la matière ne peut qu’être bien vu par la majorité au vu des prises de consciences actuelles et peut te rapporter, je pense, pas mal de voix. Cela montrera que ce ne sont pas seulement des promesses de campagne mais bel et bien, déjà, des engagements sérieux. L’électorat sera plus facilement convaincu par un candidat actif que passif.”

L’éducation, elle aussi, était une thématique clé de la campagne tant le système nécessitait d’être remis en place, revu et amélioré. Ils le savaient parfaitement alors que les résultats aux derniers tests PISA n’étaient pas des meilleurs et que les pays Nordiques, mais également asiatiques, avaient largement pris la tête. Si, toutefois, les conditions de vies en étaient catastrophiques dans les pays à l’est du continent, le modèle Finlandais, lui, culminait en tête tout en permettant que les enfants soient épanouis. Ils étaient, sur ce point aussi, des exemples à suivre. Inutile de le rappeler, Théo connaît très bien le sujet, comme il s’intéresse quotidiennement aux choses de l’éducation.

”- Malheureusement ce qui importe pour le citoyen n’est pas tant de savoir comment il vivra plus tard mais bien de savoir, la plupart du temps, comment vivre aujourd’hui. Et peut-être est-ce la faute des politiques menées jusqu’ici, où l’on a pas songé à transmettre d’éducation financière à ces personnes. Il est vrai que nous n’avons pas les mêmes réalités qu’eux, qu’il nous est difficile de percevoir les choses pareillement.” objecte la brunette cependant. Peut-être que le projet pourrait se mettre en place avec une réorganisation du budget, pour commencer ? Prioriser l’écologie et l’éducation, la santé également, mais ralentir sur d’autres points ?” poursuit-elle. ”Etablir peut-être, aussi, des limites dans le recrutement de personnel de cabinet. Il n’est pas possible que des sénateurs emploient chacun cinq ou six assistants grassement payés, là où deux-trois suffiraient. Je pense que beaucoup de l’argent est gaspillé, ou ne revient pas aux bonnes personnes. Malheureusement, il faut aussi rester séduisant pour les plus fortunés, que ceux qui sont encore là n’aient pas l’idée de partir. Et régler le problème des paradis fiscaux. Trois fois rien, finalement…” tente-t-elle de plaisanter.

S’il perçoit de la flatterie dans les mots de son accompagnatrice il n’en est rien et cette dernière hausse les épaules. Elle ne faisait qu’exprimer la réalité des choses, au moins à l’instant T. Rien n’était encore joué et Théo devait tout de même faire ses preuves mais pour l’heure, les choses étaient en sa faveur. Eliora s’abstient toutefois d’insister là-dessus, reportant son attention sur leur hôte.

”- A condition bien sûr que son épouse ne lui mette pas de bâtons dans les roues en demandant le divorce prochainement…” remarque la brune, pensive. ”Auquel cas on préférera sans nul doute un célibataire endurcit à une personne ayant échoué à maintenir son mariage et dont les esprits étriqués penseront trop vite que cela démontre son incapacité à tenir ma ville.”

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