Like a bird set free ı Will

Sofia a passé la journée dehors avec sa fille, Leila. Les deux femmes ont été manger dans un restaurant et ont été faire une petite journée shopping. Pour la maman, c'est un réel soulagement que de pouvoir passer du temps avec la chaire de sa chaire. Longtemps par le passé, elle a culpabiliser à l'idée de ne pas pouvoir être présente pour sa fille et c'était difficile. Elle a loupé trop de moments de la vie de son enfant et ça lui met un sacré coup. Bien décidée à changer ça, elle songe toujours à se reconvertir afin d'être bien plus présente pour elle. Ne serait-ce qu'à partir bien moins souvent et de trouver autre chose à faire en ville. C'est une idée qui ne quitte pas l'esprit de So' depuis quelques semaines maintenant. Quoi qu'il en soit, elle a profité pleinement de cette journée en compagnie de la personne la plus chère à ses yeux. Alors qu'elles allaient rentrée, la benjamine avoue à sa mère qu'elle voudrait aller dormir chez l'une de ses amies. Entre elles, la confiance règle et Sofia a donc accepté la demande de sa fille.

C'est seule qu'elle rentre au logement qu'elle partage avec ses colocataires. Alors qu'elle entre, ça lui semble calme. Peut-être même un peu trop calme ? Elle ôte sa veste qu'elle accroche à un porte-manteaux, sa voix brisant le silence présent au sein de la villa. Il y a quelqu'un ? Demande-t-elle. Elle obtient d'ailleurs rapidement une question à sa réponse en voyant l'un.e de ses colocataires, Will. La trentenaire lui adresse un immense sourire, étant réellement contente de voir qu'il est là. Il faut dire qu'elle l'apprécie énormément, ayant pas mal de points communs avec ellui. Ah, je suis heureuse de voir que tu es là. Les autres sont partis ? Sa voix se fait douce. Sofía est une personne assez calme, tendre et posée sous sa carapace. Cette même carapace qui lui a tant servi à se protéger par le passé. C'est tout simplement plus fort qu'elle. Je vais poser mes affaires dans ma chambre et si tu le désires, on pourrait faire quelques chose, rien que toi et moi. Qu'en dis-tu ? Lance-t-elle comme proposition. Sofía est du genre à y voir l'opportunité d'y passer du temps ensemble. Bien évidemment, Will n'est en rien forcé.e à accepter sa proposition, libre à lui. Mais si jamais ça peut lui plaire, ils pourront voir ensemble ce qui les tente. Un repas ensemble, une soirée Netflix, un bon café ou autre, la trentenaire n'est pas bien difficile de toute façon.

En rentrant du travail, j'avais trouvé la colocation pour le moins calme. Et pour cause. Tous mes colocataires étaient encore absents, au travail ou en sortie after-work, me laissant les lieux pour moi seul. De quoi en profiter un peu pour sortir, comme régulièrement dans ces moments de calme, des feuilles blanches et mes crayons de papier, dessinant l’esquisse de tatouages à venir sur ces pages blanches. La quiétude de cet endroit familier, habituellement animé, avait souvent la capacité de me permettre la réalisation, sur le papier, de quelques créations à encrer sur des épidermes. J’y trouvais une source de motivation, quelque part. Ces murs étaient chargés d’émotions, d’histoire, de vie. Leur fantôme, leur vestige, venait noircir mes pages. Jusqu’à ce qu’on m’interrompe. C’est le cas aujourd’hui encore, comme la voix de Sofia se fait entendre, me tirant de mon génie créatif. Et je range mon matériel avant de me redresser du fauteuil, mon regard tombant bientôt sur la silhouette au visage bordé de boucles brunes.

”- Salut ! La petite n’est pas avec toi ?” m’étonnais-je, levant un sourcil en saluant ma colocataire. ”Je dirais surtout qu’ils ne sont pas encore rentrés. Certains au travail. D’autres… eux seuls le savent !”

Mais je ne m’en formalise pas. Les activités de mes colocataires ne me regardent pas le moins du monde. Si j’aime ma liberté et y tiens, il est normal que je laisse la leur aux autres et que je leur permette de préserver le même jardin secret que j’aspire à conserver. Loin de moi l’idée, du reste, de pouvoir sembler critique de qui que ce soit. Chacun est libre de vivre comme il l’entend, plus encore dans cette maison.

”- Ayleanna est en déplacement à New-York c’est tout ce que je sais, elle ne devrait rentrer que dans deux jours.” racontais-je. ”Avec plaisir. Je vais ranger mes affaires et je reviens !” acquiesçais-je comme Sofia propose de mettre notre solitude à profit pour faire quelque chose en tête à tête.

J’aimais nos grandes discussions, un verre ou une bière en main, au coin du feu. Parfois, nous refaisions le monde. parfois, nous discutions simplement de nous, de nos vies. Avec Sofia, comme avec les autres, j’avais la chance de savoir que je ne serai pas jugée, c’était libératoire.

Depuis le décès de son mari, Sofía a tendance à assez mal supporter la solitude. Quand elle est seule, elle a tendance a beaucoup trop réfléchir, un tas de questions et de doutes se bousculant dans son crâne. Et forcément, ça a tendance à faire remonter de mauvaises ondes, des sentiments qu'elle ne voudrait plus forcément ressentir, et beaucoup trop de doutes. D'ailleurs, c'est aussi justement pour ne pas être seule qu'elle a décidé de déménager en colocation. Bien-sûr, sa fille est présente et la maman est d'ailleurs chanceuse d'avoir une adolescente aussi adorable. Une chose est certaine, c'est qu'elle est particulièrement fière de la jeune femme qu'elle devient petit à petit. Lorsqu'elle rentre, il fait particulièrement calme... Peut-être même un peu trop ? Mais rapidement, la trentenaire réalise qu'elle n'est pas seule, Will étant là. D'ailleurs, elle l'apprécie réellement et trouvant toujours de quoi discuté lorsqu'ils se retrouvent rien qu'à deux.

Elle voulait aller dormir chez l'une de ses amies et j'ai accepté. Ce n'est pas comme si elle partait souvent et je me suis dis que ça lui ferait beaucoup de bien. Avoue-t-elle tout en gardant le sourire. Heureusement, elle sait qu'elle verra sa fille très bientôt, Leila n'était pas du genre à découcher pendant plusieurs jours sans donner de nouvelles. Les cachotiers ! Dans tous les cas, il n'y a donc que toi et moi... Souligne-t-elle tout en souriant. Evidemment, elle n'est pas déçue, au contraire. Pouvoir passer du temps avec Will est toujours un plaisir pour elle.

Evidemment, dire qu'ils sont cachotiers est plus une plaisanterie qu'autre chose. Être en colocation ne veut pas dire "ne plus avoir de jardin secret", de mettre au placard son intimité. Tout le monde a le droit de vivre sa vie et d'en profiter librement, et c'est aussi ce qui plait à Sofía. Elle aussi, elle aime sa liberté, le fait de ne pas avoir de réels comptes à rendre tant que le respect règne au sein de la colocation.

Ah oui, juste ! Pour les autres, on verra bien s'ils rentrent et quand ils rentrent, si c'est bien le cas. Tout comme elle, Will a aussi deux ou trois affaires à ranger donc ça tombe plutôt bien. Cela leur laisse le temps de tout remettre à leur place avant de passer du temps ensemble, à pouvoir discuter et même boire un petit quelque chose s'ils le désirent. La trentenaire file donc dans sa chambre afin de pouvoir disposer les quelques affaires qu'elle a pu acheter aujourd'hui dans sa garde robe. Ainsi, les nouveaux vêtements ne resteront pas froissés au fond du sac fourni par les divers magasins dans lesquels elle a pu se rendre. Ensuite, elle rejoint la cuisine tout en arborant un sourire.

Comme Sofia, l’une de mes colocataires, rentre à la maison, je remarque rapidement que sa fille n’est pas avec elle et, m’en étonnant, questionne sa mère sur cette absence avant d’opiner de la tête comme la brune m’informe que l’enfant passe sa nuit chez une amie ce soir. N’ayant pas classe le lendemain matin, la fillette pouvait se le permettre et ce d’autant plus que, comme le remarque sa mère, elle ne le demande pas souvent. Cette petite faveur ferait donc sans doute beaucoup de bien à cette petite puce que la vie n’avait, déjà, pas vraiment épargnée alors qu’elle avait perdu son père, six ans plus tôt.

”- Non c’est vrai, elle mérite bien une petite sortie et je ne doute pas que cela lui fera en effet beaucoup de bien. Et puis, tu sais qu’elle est sage et sérieuse, ce n’est pas comme si tu devais avoir des doutes ou des craintes à ce sujet.” remarquais-je.

L’enfant de Sofia, à vrai dire, je l'oublirai parfois. La petite fille pouvait être si calme par moment que je ne devait pas être le seul à ne pas toujours remarquer sa présence. Quand je l’entendais parler tout à coup, alors, il m’arrivait de sursauter. C’était une enfant charmante, comme beaucoup de parents aimeraient en avoir. Une petite fille bien élevée, du reste, ce qui n’était guère étonnant au vu de la mère qu’elle avait.

”- Que toi et moi, oui. Pour combien de temps, ça, c’est un mystère en revanche.”

Il y avait bien l’une de nos colocataires que je savais être en déplacement. C’était de toute façon une habitude avec Ayleanna. Elle partait toujours au bout du monde, sans arrêt. Avec son métier, il n’y avait rien de plus normal. Nous savions, dès le départ, qu’elle ne serait pas toujours là et ce parfois pendant des jours. Nous en avions pris l’habitude. Pour les autres, nous verrions bien quand ils se décideraient à rentrer. Cela nous laissait, en tout cas, l’opportunité d’un moment à deux elle et moi, comme nous aimions à le faire.

M’empressant de ranger soigneusement mes affaires dans ma chambre, je reviens dans le salon au bout de quelques minutes, migrant dans la cuisine pour sortir deux bières que je ne décapsule pas, au cas où, en attendant Sofia qui ne tarde pas à me rejoindre, tout sourire.

”- Une bière, ou autre chose ?” demandais-je, pour commencer. ”Alors raconte, comment était cette journée entre filles ?”

Depuis le décès de son père, Leila et sa mère se sont énormément rapprochées. Bien qu'elles étaient déjà proches et dans de bons termes, elles ont toutes les deux perdu un être cher et important pour elles. Plutôt que de se déchirer, elles ont su se serrer les comptes. L'adolescente sait qu'elle pourra toujours compter sur sa mère. Elle ne demande jamais grand chose mais ce soir, elle avait envie d'aller dormir chez l'une de ses amies que tu connais bien. Pas le genre de fille qui fait des conneries, elles s'entendent à merveille et Sofía est donc sereine lorsque sa fille dort chez cette amie. Lorsque sa progéniture le lui a demandé, elle n'a pas eu le coeur de refuser. De plus, comme Will le souligne à merveille, elle n'a pas de raison de s'inquiéter.

Je lui fais confiance. Je n'ai aucune raison de douter d'elle et je sais qu'elle ne découche jamais d'ici plusieurs jours. Elle sera de retour demain et je suis certaine que voir son amie lui fera un bien fou. Elles vont pouvoir s'amuser, discuter, elle le mérite bien. Surtout qu'elle est sage, pas du genre à faire les pires folies qui feraient peur à n'importe quelle mère.

D'ailleurs, la mère est bien heureuse de ne pas avoir une enfant surexcitée, qui ne tient pas en place et qui ressens ce besoin de dormir ailleurs tous les soirs. De plus, si elle part si peu souvent, So' aime se dire que cela signifie également que sa fille se sent bien avec elle, mais également à la colocation. Au départ, elle avait peur que cela chamboule la petite mais finalement, elle semble avoir pris la meilleure décision qui soit et ça la rassure, ça l'apaise.

Ce sera la surprise, écoute ! Au pire, si l'un des colocataires rentre, il n'aura qu'à nous rejoindre.

Dit-elle avec un immense sourire. Il s'agit plus de curiosité mais elle apprécie ses colocataires. Tant qu'ils ne sont pas là, les deux colocataires pourront dont profiter d'un moment seul, en tête à tête. Ce programme la réjouit, en réalité. Il faut dire qu'elle s'entend particulièrement bien avec Will. Une fois ses affaires rangées, la trentenaire ne tarde pas à rejoindre la cuisine où elle n'est pas seule. D'ailleurs, Will l'attend avec deux bières qu'il n'a pas encore décapsulé.

Une bière, c'est parfait ! Répond-t-elle avec un sourire. On a fait quelques achats, on a été manger ensemble... Honnêtement, ça m'a fait énormément de bien ! Et toi alors, que faisais-tu de beau ?

Si je n’ai pas d’enfant et n’en aurait probablement jamais au vu de mon âge qui avance, de ma ménopause qui s’approche et de mon ambivalence de genre, j’aurais aimé, si j’avais pu l’être, être un parent comme Sofia. Avoir une enfant comme Leila. Si ma colocataire a donné à sa fille l’autorisation de sortir ce soir, nous savons aussi bien elle que moi que cette sortie sera sans danger. Leila est une enfant sage, prudente, à laquelle sa mère n’avait aucune raison de refuser cette soirée et qui, surtout, ne devrait pas avoir de problème. Elle allait seulement, du reste, dormir chez une amie, ce que toutes les jeunes filles de son âge faisaient, en somme. Et venant de Leila, il ne devait pas être question d’un subterfuge pour rejoindre un garçon dans le dos de sa mère. Sans nul doute, si j’avais eu une enfant comme elle, j’aurais cédé de la même façon que Sofia.

”- Oui ce n’est qu’une soirée. Et entre copines, en plus, comment l’en priver ?” admis-je d’un hochement de tête.

Au vu de ce que Leila avait traversé avant d’arriver ici, avec sa mère, elle avait bien besoin, du reste, d’un peu de temps pour elle et de se changer les idées. Du haut de son jeune âge, elle avait déjà une histoire terrible. Une histoire lourde, à vous briser le cœur. Aussi jeune soit-elle, elle avait déjà perdu son père. Passer un peu de temps avec ses amies, alors, était bien la moindre des choses. Un peu de baume sur ce cœur meurtri d’avoir enterré, trop vite, le premier homme de sa vie.

”- Soirée improvisée, ça me va !”

Je ne sais trop qui sera là ce soir et, en même temps, ce n’est pas inhabituel. Nous ne savons pas toujours où sont les autres, chacun étant libre de vaquer à ses occupations du moment qu’il ne perturbe pas le reste de la maison. Une règle de savoir vivre élémentaire, simple. Pour le reste, tous avaient leurs habitudes, leurs projets, leurs raisons d’être absents, dont ils ne prévenaient pas toujours. Rien ne les y obligeait, de toute façon. Et je n’étais pas du genre à m’en mêler pour eux, préférant de loin que chacun soit libre. Nous verrons bien lorsqu’ils rentrent, s’ils se joignent à nous ou non.

Revenu dans la cuisine, j’attrape deux bières, en tendant une à Sofia qui ne tarde pas à me rejoindre dans la pièce et accepte mon offrande, en même temps qu’elle répond à mes questions sur la journée passée avec sa fille. L’ouvre bouteille en main, je l’écoute attentivement, hochant la tête en même temps comme pour affirmer mon écoute.

”- Le boulot. J’avais un gros encrage ce matin et cette après-midi c’était surtout des retouches. Et du dessin !”

J’avais travaillé toute la journée. Et j’en étais ravie. Là où pour certains, cela pouvait être un fardeau, j’étais pour ma part ravie de travailler. J’adorais mon métier, de sorte qu’aller au salon ne soit pas, pour moi, difficile ou contrariant.

Tu connais ta fille, et tu sais qu'elle respecte les limites. Contrairement à ta propre mère, tu n'es pas du genre control freak, à vouloir tout contrôler au geste près, tout comme tu n'es pas trop stricte. Leila et toi menez une véritable relation de confiance, basée sur la bienveillance et vôtre amour respectif. Surtout qu'elle est l'unique fille que tu as pu élever, même si tu n'en oublies pas pour autant ce premier enfant auquel tu as donné naissance et que tu ne pourras malheureusement peut-être ne jamais connaître. Maintenant, tu sais que tu n'auras plus d'enfants. Les premières fois de Leila ont été tes dernières et même si c'est très difficile, tu es heureuse de la voir grandir et évoluer tout en étant épanouie, bien qu'elle n'en oublie pas son défunt père pour autant. Il restera à tout jamais dans vos coeurs et vos esprits, mais tu essaies de profiter de chaque petit instant comme il aurait aimé que tu le fasses. L'idée même de te savoir malheureuse l'aurait rendu dingue, et tu le sais.

Exactement ! J'y serais allée aussi, à sa place.

Avoues-tu tout en riant, ne refusant jamais de passer du temps avec tes amis. Au contraire, tu l'as encouragée à y aller parce qu'avoir une vie sociale reste tout de même très important, surtout pour elle. Leila est très sociable et a donc besoin de ça, tu en as conscience et le plus important à tes yeux reste qu'elle puisse s'épanouir. Jamais, au grand jamais, tu ne t'opposeras à son bonheur.

Tout ce que j'aime, l'improvisation !

Selon toi, rien de tel. Parce que ça laisse énormément place à la spontanéité et ça rend le moment d'autant plus beau. Tu as toujours aimer ce genre d'imprévus, ayant parfois un peu trop l'impression que ta vie est planifiée à la seconde près... En même temps, d'un point de vue professionnel, c'est un peu le cas. Si les autres colocataires arrivent, ils pourront évidemment s'y joindre et si ce n'est pas le cas, vous profiterez tout autant ! Savoir qui sera là et qui ne le sera pas, c'est toujours un peu la question du jour, mais ce n'est pas ça qui te dérange. Tu aimes les moments un peu plus calme comme ceux où cet endroit est plein de vie. Lorsque tu rejoins Will, tu acceptes bien évidemment sa proposition. Rien de tel qu'une bière, même si tu n'es jamais difficile à ce sujet. Une bière, un verre de vin, un cocktail, tu aimes te faire plaisir de temps à autre. Face à ses propos, tu ne peux que sourire.

Ooooh et ça s'est bien passé ? Je suis assez curieuse de voir ce que tu as fais.

A vrai dire, tu aimes l'art sous toute ses formes et connaissant la passion de Will pour son métier, tu ne doutes pas un seul instant que ce sera merveilleux. Iel est passionné par son métier, tout comme tu peux l'être du tien et c'est probablement la plus belle chose qui soit.

Sofia avait bien raison de laisser sa fille sortir. Celle-ci était raisonnable, elle n’abuserait pas. Et cela lui ferait le plus grand bien de sortir. A sa place, Sofia serait sortie elle aussi. J’en aurais fait de même, assurément. Cette petite le méritait, au vu de tout ce qu’elle avait traversé ces derniers temps. Parfois, j’avais pour elle une forme d’admiration. Si j’avais vaincu plusieurs épreuves dans mon existence, aucune n’était comparable à la perte d’un parent et je touchais du bois pour ne pas connaître cette sensation avant très longtemps. Le plus tard serait le mieux.

”- Tu aurais eu bien raison.” affirmais-je.

En attendant, sans avoir besoin de sortir, nous allions nous organiser quelque chose de sympa, à l’improviste. Nos colocataires n’auraient qu’à nous rejoindre un peu plus tard si le cœur leur en disait. Nous voir déjà installé les motiverait peut-être. En attendant, nous passerons un bon moment. Parfois les moments les plus simples étaient les meilleurs. Une bière chacune et quelques petites choses à grignoter seraient parfaites.

Laissant Sofia aller se préparer, je profite de ce laps de temps de mon côté pour ranger mon bazar avant d’investir la cuisine, ne tardant pas à voir revenir ma colocataire à laquelle je sers une bière, son accord obtenu avant d’évoquer ma journée, assez classique. Encrage, dessin. Une journée de travail pareille à tant d’autres et si différente en même temps. Les gens que je croise, les projets, les histoires, ne sont jamais les mêmes. Si mes journées pourraient se ressembler d’un point de vue externe, ce n’est en réalité jamais le cas. Jamais vraiment.

”- Je pourrai te montrer si tu veux !” dis-je, sensible à ses mots.

S’il y avait bien une chose que l'on ne pouvait pas m’enlever, c’est que j’étais passionné. Investit. J’aime mon travail et j’aime à croire que cela se ressent quand j’en parle, quand je dessine, quand j’encre. J’aime à croire que l’on ne visite pas mon salon à l’aveuglette, parce qu’il est le premier résultat d’une recherche dans un annuaire, mais parce que mon art ne laisse pas la personne indifférente. Artiste, je l’étais indéniablement.

”- Et toi ta journée ?”

Tu t'es toujours refusée d'être aussi stricte que tes parents ont pu l'être avec toi. Toujours sur ton dos, à contrôler les moindres faits et gestes, à avoir des comptes à rendre constamment... Bien-sûr, tu ne laisses pas ta fille faire d'immenses bêtises mais tu ne veux pas non plus aller jusqu'à l'étouffer, à lui donner envie de te fuir dès que l'occasion se présente. Entre ta fille et toi, c'est une relation basée sur la confiance qui règne et c'est très important pour toi. Elle ne te cache rien de grave et Leila sait que, quoi qu'il arrive, elle pourra toujours compter sur toi. Tu seras toujours présente pour elle et rien ni personne n'y changera quelque chose. Surtout qu'elle a d'autant plus besoin de toi depuis le décès de son père.

Autant qu'elle en profite, elle est encore jeune et elle a la vie devant elle.

Ajoutes-tu suite aux propos de Will. De plus, c'est aussi l'occasion pour toi de profiter pleinement de sa présence, en tête à tête. Au sein de la colocations, les aller et venues sont fréquentes dans le sens où chacun a un métier plus ou moins prenant, le tien t'obligeant parfois à partir à l'autre bout du monde pour plusieurs jours. Passer du temps ensemble n'est donc pas toujours chose aisée mais puisque c'est faisable aujourd'hui, autant en profiter comme il se doit !

Avant de rejoindre Will, tu files simplement te changer afin de te sentir plus à l'aise, ce qui ne te fera pas de mal. Ensuite, tu rejoins la cuisine pour pouvoir retrouver sa compagnie. La bière servie, tu n'oublies pas d'en remercier Will avant d'en profiter pour boire une gorgée, ayant un peu soif. Face au récit de sa journée, tu te montres quelque peu curieuse. Tu as toujours aimé en savoir plus sur les autres, sur ce qu'ils peuvent faie.

Mais avec plaisir oui !

L'art t'intéresse énormément, surtout celui de Will. Bien que ce n'est pas ton domaine, que tu n'es pas une professionnelle ou quoi que ce soit, ça ne t'empêche pas d'apprécier pouvoir y porter un regard admiratif, d'être sensible à ce qui se présente sous tes yeux. Ensuite, c'est de ta journée qu'il faut parler, même si tu as l'impression que ce n'est pas particulièrement intéressant.

On a passé du temps ensemble, Leila et moi. On a été faire des achats, c'était une journée tranquille. Mais je dois admettre qu'être posée, sans avoir à courir d'un aéroport à l'autre, changer de tenue pour un défilé et ainsi de suite est presque étrange.

Mine de rien, tu as été habituée ainsi. Ta vie a souvent été constituée ainsi et dès que tu le peux, tu embarques ta fille avec toi. Mais là, tu es en fille depuis un moment maintenant et même si tu es appelée encore ici et là, c'est un peu plus calme en ce moment. Cela dit, ça te laisse amplement le temps de profiter de ta fille, des gens dont tu es proche et ce n'est pas une mauvaise chose.

Quand on est jeune, on a forcément envie de s’amuser, de profiter de ses amis. C’est important. En grandissant, on ne prend plus forcément le temps. Le rythme de la vie prend le dessus, nous éloigne de certains proches que l’on perd de vue. J’étais passé par là moi aussi, comme beaucoup d’autres, alors même que je pensais plus jeune que cela n’arriverait jamais. Mais la vie d’adulte et les responsabilités avaient eu raison de mes résolutions, me prouvant que nul n’échappe jamais au passage du temps. Si je ne pouvais pas me plaindre de ma vie, appréciant mon travail, mes colocataires et où je pouvais en être dans mon existence, je savais néanmoins que la vie avait sa part d’exigences. Que l’on ne pouvait jamais tout avoir. Aussi Leila avait bien raison d’en profiter. Comme le dit sa mère, elle a la vie devant elle et j’acquiesce d’un mouvement de tête.

"- Oui tu as parfaitement raison."

Leila avait la chance de ne pas avoir une maman trop sévère, trop exigeante, loin de là. Elle avait la chance que celle-ci la laisse profiter de ses propres expériences. Tous les jeunes n’avaient pas cette chance et je connaissais suffisamment Sofia pour savoir qu’elle soutiendrait toujours sa fille, contrairement aux parents des jeunes que man meilleur.e ami.e pouvait accueillir dans son association. Je connaissais des jeunes avec des histoires incroyables, des bagages douloureux, lourds et difficiles à porter. Dans le cas de l’adolescente, elle pouvait être sûre qu’elle n’aurait jamais ce genre de problèmes, tant Sofia était douce, notamment avec elle.

S’organisant une petite soirée en tête à tête en attendant le retour des autres, nous prenons bientôt place au salon pour discuter, une bière en main. Rapidement, je lui raconte ma journée comme elle me questionne, lui proposant de lui montrer un peu plus tard ce que j’avais pu dessiner. Sofia montrait toujours de l’intérêt, de la curiosité, à l’égard de mon art. C’était plaisant et j’avais alors plaisir à lui montrer ce que je savais faire. Mais j’étais également curieux de savoir ce qu’elle avait pu faire de sa journée en tête à tête avec sa fille.

"- Cela fait toujours un peu de bien de pouvoir se poser et pouvoir profiter de sa famille. Même pour Leila ce doit être très reposant..." j’acquiesce. "Tu sais déjà quand est-ce que tu vas devoir repartir d’ailleurs ?"