Le bal des anciens # Phil

Je ne suis pas quelqu’un de très sûr de moi, pour ne pas dire que je ne l’ai tout simplement jamais été. J’ai beau être sociable, cela ne m’empêche pas de douter de tout, de ne pas aimer me retrouver au centre de l’attention ou même de ne pas vraiment apprécier les endroits pleins de monde. Ce n’était pas fait pour moi et j’essayais de ne pas m’y rendre ou alors le moins possible. Bien évidemment, quelques exceptions existaient. Bien sûr, j’adorais aller passer des soirées avec mes amis et généralement, la soirée annuelle de mon ancien lycée, je ne la manquais absolument pas. C’était une occasion de plus de retrouver ceux qui faisaient toujours partie de mon cercle de proches. De mes amis très proches d’ailleurs, pour certains.

Mais cette année, tout le monde n’était pas disponible pour s’y rendre. J’étais bien moins impatient que d’habitude et toute la journée durant, je m’étais d’ailleurs questionné sur le fait que j’y aille ou non. A quoi bon se rendre dans un endroit dans lequel je ne serais pas avec mes amis ? Bien évidemment, c’était toujours organisé de façon que ce soit agréable pour tous, chaque année passant. Mais je ne savais pas, je n’avais pas franchement envie. J’étais débordé au travail, j’avais tellement de choses à faire… Pour pas assez de temps, bien évidemment.

C’est presque à contre cœur cette année que j’abandonne mes chevaux aux mains de mes employés pour rentrer chez moi. Bien évidemment, il est déjà tard, il ne fera aucun doute que je serais en retard. Douche rapide pour ne pas non plus enfumer le lycée avec une odeur équine, je prends à peine le temps de me coiffer, me contentant de glisser mes doigts dans mes cheveux. Simple jean sombre enfilé accompagné d’une chemise blanche, je ferme la maison et pars vers cet endroit où je me rendais en transport en commun, bien plus jeune.

Beaucoup de monde semblait déjà être présent. Le parking était plein et je fus contraint de garer ma voiture dans une rue adjacente pour terminer le trajet à pied. Tant pis, ou tant mieux, cela me permettrait de me faire marcher un peu avant de reprendre le volant, si jamais je consommais un peu trop d’alcool ce soir. Ou peut-être que je prendrais un simple verre, tout dépendrait de l’ambiance. Je n’étais pas obligé de rester pendant des heures si jamais je ne me sentais pas à ma place. Mais bon, il fallait que je cesse de me monter la tête alors que je n’étais même pas encore entré dans l’établissement. Je venais rapidement glisser mes doigts dans ma chevelure pour les démêler un peu et tenter de les mettre en place. Fallait dire que la brosse à cheveux ne s’usait pas franchement vite, avec moi.

Franchissant finalement les portes à ce moment-là, je saluais rapidement les organisateurs de la soirée avant de laisser mon regard passer sur les personnes déjà présentes. Il fallait dire qu’elles étaient déjà bien nombreuses et que, de vue comme ça, je ne voyais personne de mes connaissances. Tant pis. Je jetais un très rapide coup d’œil en direction de mon téléphone portable pour regarder mes messages. Rien. Bon, je me décidais finalement à braver la foule en échangeant des sourires avec des personnes que j’avais déjà pu croiser au détour de cette soirée, d’autres années. Petit sourire sur les lèvres, je vins récupérer un verre de bière au niveau du bar qui avait été installé. Si on pouvait appeler ça un bar. Bien vite, alors que je remerciais l’homme qui me servais, une voix que je ne connaissais que trop bien attira mon attention. Je fis quelques pas pour vérifier que rien ne me jouait des tours, que ce n’était pas un mélange de voix.

Quelle surprise, c’était comme si je voyais un fantôme. Je ne savais pas vraiment si j’étais content ou non, à cet instant. Il fallait dire que les derniers échanges que j’avais pu avoir avec Romy étaient assez animés, et pas de la meilleure des façons. Je n’avais pas eu l’occasion de la revoir depuis des années et mon côté curieux me poussa totalement à l’aborder. Je pris bien évidemment une gorgée de ma boisson, comme pour me donner du courage, avant de me lancer.

« Romy ? Et bah dis donc, je ne pensais pas du tout te voir ici ce soir… » dit-il sans savoir comment lancer un quelconque sujet, il adressa un rapide sourire à ses copines, qu’il n’avait pas forcément toujours appréciées mais il fallait bien être poli un peu et les saluer.

Retrouver d’anciennes connaissances n’était pas toujours quelque chose de mauvais, bien au contraire. Je devais dire que j’étais le premier à me réjouir de discuter avec quelqu’un qui avait pu quitter ma vie, quelques semaines ou même quelques années auparavant. J’adorais lorsque des anciens élèves venaient au centre, par exemple, qu’ils aient passé des années ou de simples heures sur les chevaux, c’était toujours plaisant de voir ce qu’ils devenaient, de les voir vouloir revenir vers l’équitation, bien souvent. Peut-être que je devais d’ailleurs me sentir vieux de me retrouver face à des élèves que j’avais pu voir dix ans auparavant, lorsque je n’étais encore qu’un simple employé. Mais non, je devenais vieux mais c’était particulièrement plaisant que de leur faire découvrir toutes les améliorations que j’avais pu apporter à l’endroit, le magnifique centre qu’il était en train de devenir.

Retrouver d’anciennes connaissances n’était pas toujours quelque chose de mauvais mais à ce moment, je ne savais absolument pas la façon dont nous allions pouvoir discuter, avec Romy. Je l’appréciais très grandement, des années auparavant. Mais comme chaque femme qui entrait un peu trop dans ma vie, elle avait piétiné mon cœur avec une telle hargne… J’avais cru que jamais je ne m’en remettrais. Et pourtant, j’étais là, debout face à cette femme qui avait partagé ma vie. Je ne souriais pas, ce qui était n’était pas franchement si fréquent. Je regardais Romy qui semblait presque figée dans le temps, comment est-ce qu’elle pouvait continuer de paraître si jeune alors même que je portais déjà les marques du temps sur le visage ? J’étais presque envieux. Presque uniquement parce que si l’adultère était le prix à payer pour rester jeune, je n’en voulais pas. Je lui en voulais encore très profondément. Je ne ressentais pas d’amour à l’égard de la jolie femme sur laquelle de nombreux regards se posaient ce soir. C’était toujours une très belle femme, oui, mais ça avait tout simplement disparu et je me sentais presque léger ce soir. Léger parce que je n’avais pas le poids de mes sentiments sur les épaules.

Je me souviens parfaitement de Romy lorsque j’étais au lycée. Si elle avait pu me bousculer dans les couloirs parce que j’étais dans son passage, elle l’aurait fait. Elle l’avait d’ailleurs très certainement déjà fait. C’était cette jeune femme sûre d’elle que bien des personnes admirent tandis que d’autres envient. Moi j’avais toujours fait partie de cette première catégorie. Pour l’adolescent que j’étais alors, cette fille en train de se transformer en femme était tout simplement une friandise que l’on agitait devant un chien. J’aurais pu lui porter son sac pendant des jours pour n’obtenir qu’un simple regard, même hautain. Quel idiot j’étais, quel idiot je suis toujours, d’ailleurs. Je m’attends à tomber sur cette femme, au milieu de personnes qu’elle pouvait connaître, malgré le fait que nous soyons adultes, tout le monde ne reprenait pas un peu sa place, ici ?

J’entends ce surnom qui me fait légèrement grincer des dents. Ce sont mes proches qui m’appellent de la sorte et proches, nous ne l’étions tout simplement plus depuis un bon moment. Et pourtant, plutôt que de grogner, je me contentais de lui offrir un léger sourire.

« C’est une occasion de voir mes amis alors tu me connais, je ne la raterais pas… » dis-je en détournant doucement le regard de ce regard toujours aussi hypnotique. Je me mets à observer un petit arbuste dans son pot, qui était posé, non loin derrière Romy. « Oui, merci… Toi aussi tu es très belle… » dis-je en me raclant la gorge. Ce n’étaient pas franchement des avances. Simplement, il fallait dire ce qui était, non ? J’avalais une nouvelle gorgée avant de partir en direction de cette conversation que tout le monde avait beaucoup trop souvent ici. Mais quitte à discuter, autant nourrir ma curiosité, non ?[b] « Alors, qu’est-ce que tu deviens ? Ca fait un sacré bout de temps. Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Tu as trouvé ton âme-sœur ? »

Le monde était particulièrement petit. De nombreuses années auparavant, je m’étais dit que je finirais bien par retomber sur Romy. Hambourg, ce n’était pas si petit surtout lorsque l’on connaissait plusieurs personnes en commun. Mais le hasard n’avait pas fait en sorte de nous revoir et j’avais fini par arrêter d’y repenser, par arrêter de me casser la tête à me demander si je pourrais réussir à rester calme si je la croisais et que nous entamions une discussion. Me prendre la tête, il faut dire que c’est une chose dont j’ai totalement l’habitude, je le fais pour tout et pour rien mais surtout pour être certain de ne pas contrarier les autres, quitte à peut-être un peu trop m’oublier derrière, à m’effacer.

Mes yeux s’attardent bien évidemment sur ce sourire charmeur qui faisait craquer presque tout le lycée à l’époque, moi compris dedans. Romy ne semble pas du tout avoir changé, bien au contraire. Et alors que je me remémore la raison de notre séparation, je ne peux pas m’empêcher de passer mon regard sur l’assistance pour voir si une personne peut-être un peu trop possessive ne se trouverait pas dans le coin. C’était peut-être très méchant de ma part bien que cela ne soit aucunement intentionnel mais en tout cas, je me dis que certaines personnes ont tendance à reproduire leurs erreurs. Et si ça m’a brisé à l’époque, je ne souhaite aucunement que cela arrive à une autre personne ce soir. Mes yeux retournent rapidement sur elle alors qu’elle me parle de sa forme et de ses rides. Je ne peux pas m’empêcher de rire, elle a la peau on ne peut plus lisse. « Arrête ça Romy, tu as à peine 32 ans, pourquoi tu parles de rides ? Tu es encore jeune ! » dit-il en secouant légèrement la tête. Il fallait arrêter d’idolâtrer les formes à peine formées des femmes de vingt ans. C’était assez amusant que je sois celui qui disait ça alors que tous les jours devant le miroir je soupirais en voyant ma tête fatiguée, ce qui accentuait largement les années qui passaient un peu trop rapidement à mon goût.

Elle me confit bien rapidement la joie qu’elle ressentirait à discuter un peu avec moi et je me perds quelques instants dans mes songes. De quelle joie pouvait-elle donc bien parler ? Pour le moment, nous étions tous deux en train de discuter ensemble. Elle a raison sur le point que, même si cela me dérangeait de discuter avec elle, je ne le lui dirais très certainement pas alors que, pourtant, nous étions bel et bien deux adultes tous les deux, que mes réactions pouvaient paraître enfantines. Mais je ne m’étais très certainement pas endurci avec le temps. Je secouais légèrement la tête en reprenant la parole. « Cet endroit est bien fait pour discuter avec nos anciennes connaissances, non ? C’est moi qui t’ai abordé Romy, crois-moi que si ça me dérangerait totalement, je ne t’aurais très certainement pas adressé la parole au départ… Puis nous sommes déjà en train de discuter là, non ? » demandais-je rapidement en laissant un petit sourire étirer mes lèvres. Peut-être que je jouais un peu trop sur les mots, oui, mais j’étais ainsi.

Dans ce genre de réceptions, soit les personnes se retrouvent en sautant presque de joie et commencent par discuter de souvenirs qu’elles pouvaient avoir en commun, soit ils passaient par des discussions un peu plus pompeuses et basiques, demandant à l’autre ce qu’il devenait. C’était pourtant parfois nécessaire pour pouvoir trouver des points communs avec une personne que l’on n’avait pas vue depuis des années ou alors pour en apprendre un peu sur ses valeurs et savoir si approfondir une conversation vaudrait le coup ou non. Je n’ai absolument aucune arrière-pensée lorsque je questionne Romy qui a pourtant était une partie assez importante de ma vie, si ce n’est cette curiosité dont je fais parfois un peu trop preuve. J’écoute ses mots en hochant légèrement la tête. On peut donc dire qu’elle a réussi dans la vie, contrairement à ce que disaient certaines personnes, qu’elle finirait par être l’une de ses femmes qui vivent au crochet de leur mari, à ne rien faire de leurs journées si ce n’était brûler les revenus de leur conjoint. Je dois avouer que je suis assez fier d’elle. Je connaissais la femme dépensière qu’elle était mais je connaissais aussi ce côté acharné dont elle pouvait faire preuve. Et être secrétaire de direction, cela ne devait pas être simple au quotidien, c’était un travail vraiment très admirable. Je n’avais aucun mal à l’imaginer bien habillée derrière son bureau. Ça m’amuse même, de l’imaginer. « Je suppose que c’est une grosse entreprise parce que ça me dit quelque chose… Ça doit être compliqué comme travail, bravo à toi. » dis-je en secouant la tête pour signifier que non, je ne connaissais absolument pas. Mais la conversation prend bien rapidement une tournure qui me plaît un peu moins. Il était certain que la conversation du couple que nous formions auparavant reviendrait un peu sur le plateau mais pas de cette façon-là. Mes yeux se font un peu fuyants alors que j’avale quelques gorgées de ma boisson maltée. « C’était avant qu’il fallait penser à ça Romy… » Je me racle légèrement la gorge en reposant le regard dans ses yeux, très clairement pas à l’aise par ce sujet, que je tente d’ailleurs de bien rapidement effacer en répondant à ses questionnements. Je crois bien que cela doit être la première fois que je me sens aussi pressé que cela de discuter avec de moi. « Moi… Je travaille toujours au centre équestre. Enfin c’est totalement le mien maintenant, il a énormément changé, si tu le voyais maintenant… » dis-je doucement. Je sais bien que ce n’était pas sa question, qu’elle préférait largement me demander si j’étais seul ou accompagné ce soir, tout comme dans la vie, comme elle ne manque pas de me demander très clairement par la suite. Je secoue légèrement la tête alors qu’il y a bien une jolie tête blonde qui passe dans ma tête, que je rêverais peut-être un peu trop de voir ce soir. Mais elle n’avait absolument aucune raison de se trouver ici. « Tu regardes toujours si les hommes ont une bague au doigt ? Oui je suis toujours célibataire… Pour le moment. »

Pour le moment, ce n’étaient pas les conversations de deux personnes qui aimaient passer un peu de temps ensemble bien que les mots sortissent tout à fait naturellement, qu’aucun de nous ne semble en train de se forcer à dire quoi que ce soit. On ne peut pas dire que cela était pareil pour toutes les personnes autour de nous, bien au contraire. Des bribes de conversations parvenaient à mes oreilles et elles paraissaient tellement platoniques que s’en était effrayant. Certes, bien des personnes ne s’étaient pas vues depuis de très nombreuses années mais c’était tout autant le cas pour Romy et moi et pourtant, nous ne retrouvions pas à discuter du temps qu’il faisait en ce moment, un peu trop chaud ou trop froid pour la saison. Si jamais ce genre de sujets devait arriver, nous ferions très certainement mieux d’arrêter de discuter.

Romy a raison et j’en ai plutôt conscience. Elle a les traits un peu plus mûrs que quand je l’ai quittée, sans lui donner un air strict non plus mais elle est très loin d’être marquée par les années. Elle est une très jolie femme que les hommes doivent toujours prendre plaisir à regarder, sans avoir des regards déplacés. Elle a toujours eu un très joli visage qui semblait s’illuminer lorsqu’elle souriait de façon franche ou qu’elle riait de bon cœur. Rien que d’y penser, je souris légèrement, j’avais été le premier à l’observer sans forcément l’écouter, à juste regarder ce sourire qui, si on y arrivait, pouvait se lire jusque dans ses yeux. Mes yeux partent derrière elle pour regarder ses amies au moment où elle en parle. Ces femmes devaient avoir pris quelque chose, c’était certain. Comment une personne en bonne santé pouvait ressembler à cela alors que dix ans auparavant, elle aurait pu être modèle pour des produits cosmétiques ? Bon, mon jugement était certainement un peu aidé par les mots qu’était en train de dire celle qui avait partagé ma vie pendant un petit moment. « Je suppose que ce n’est pas aussi important pour elles que ça ne l’est pour toi ? » dis-je sans jugement aucun. Je savais à quel point elle aimait prendre soin d’elle, Romy et il y avait certainement des choses qui ne pouvaient pas s’éteindre avec les années. Ses mots me dirent rire alors que je secouais légèrement la tête. J’aurais très bien pu mal prendre ses mots mais après tout, elle avait raison d’en parler, si c’était ce dans quoi elle travaillait, même si elle était secrétaire, elle devait en connaître un rayon. Même sans avoir à travailler dedans d’ailleurs, elle aimait ça alors elle devait en connaître des choses ! « C’est gentil de me le proposer mais tu me connais… Je ne prends souvent même pas le temps de me coiffer le matin alors c’est beaucoup m’en demander, de mettre quelque chose sur ma peau, je pense ! Mais je pense à mettre de la crème hydratante parfois, c’est mieux que rien, non ? » demandais-je doucement. C’était une question très sincère. Je travaillais en extérieur alors bien souvent, ma peau me tirait, agressé par le vent et la pluie. Alors j’avais pris l’habitude de mettre de la crème hydratante. Enfin, quand j’y pensais, bien évidemment ! C’était d’ailleurs bien souvent le soir que j’en mettais une couche, après une journée où j’avais besoin de cette crème pour apaiser les sensations de tiraillements.

Finalement discuter avec quelqu’un qui a déjà partagé un bout de notre vie, ce n’était pas si compliqué que cela, bien au contraire. Je me surprenais même d’ailleurs totalement à apprécier cela. Finalement, c’était comme si je me trouvais actuellement en compagnie de l’une de mes amies et que nous nous retrouvions à discuter un peu, sans en être au point d’en revenir à des souvenirs parfois un peu tronqués par les émotions que l’on pensait avait ressenties à un moment donné. Je ris doucement en entendant les mots de la jeune femme et d’ailleurs, c’est après un rapide haussement d’épaules que je dis, sur le ton de l’humour bien évidemment. « Oh, c’est sûrement car tu n’as pas encore réussi à attirer dans tes filets ta prochaine victime ça, je suppose ! » dis-je en souriant. Je ne me moquais ni de Romy, ni des femmes qui aimaient vivre aux crochets des personnes qui partageaient leur vie. Je partais du principe que tout le monde avait le droit de vivre comme il l’entendait. Mais de la façon dont Romy était en train de parler de tout ce qu’elle avait réussi à accomplir, de son travail, elle avait de quoi être fière d’elle, vraiment. Cette réussite, elle ne la devait à personne d’autre qu’elle-même et c’était d’ailleurs particulièrement beau d’avoir réussi à faire une telle chose, cela n’avait très certainement pas été chose simple. Puis le secrétariat, c’était une chose dans laquelle je n’avais aucun mal à l’imaginer. Dans une grande entreprise, elle devait très certainement pouvoir s’habiller avec des tenues très soignées, s’apprêter pour aller au travail. Et on n'allait pas se le cacher, elle semblait particulièrement aimer s’apprêter, même pour des personnes qui ne la connaissaient pas. Je n’avais pas du tout besoin de lui dire que oui, elle avait de quoi être fière. Elle n’avait pas besoin de moi pour savoir tout ceci. « Tu trouveras ton bonheur et celui qui te correspond, tant que tu t’ouvres un peu aux autres, je suis sûr qu’il y a beaucoup d’hommes gentils qui aimeraient bien faire un petit bout de chemin à tes côtés. »

Alors nous finissons par parler de moi et tout le monde sait que je n’aime pas particulièrement accaparer les conversations. Mais c’était le genre de choses nécessaires dans des retrouvailles, non ? Romy m’avait parlé d’elle, c’était à mon tour d’en faire un peu de même, de me dévoiler bien que tout soit évident de mon côté, que j’avais travaillé toute ma vie pour en arriver là où j’en étais actuellement. « Oui, j’ai parfois encore un peu de mal à réaliser quand je me lève le matin, je te l’avoue ! Je crois que je n’aurais pas pu espérer mieux pour vivre… Finir par te faire monter ? Tu n’as jamais voulu quand on était ensemble, je ne vois pas ce qui pourrait te décider maintenant, j’ai quand même beaucoup essayé avant… Je crois que si un jour tu monter sur un cheval, je ne vais pas en croire mes yeux ! » dit-il en riant. Il était vrai qu’à l’époque, il avait tout essayé. Même la faire monter devant lui, pour le laisser diriger, cela avait été impossible. Aujourd’hui encore il ne comprenait pas mais tout le monde devait avoir des animaux que l’on n’appréciait pas, non ? Même si cela était compliqué à se le dire, que quelqu’un pouvait avoir peur à ce point de ces jolis animaux qui ne demandaient rien de plus que de l’amour.

Romy me souhaitait de trouver celle qui ferait battre mon cœur et je ne peux pas m’empêcher de sourire doucement. Je ne réponds pas mais je n’en pense pas moins. C’est le joli visage d’une jeune femme blonde qui se glisse dans mes pensées et qui me fait un peu plus sourire encore. Ce n’était très certainement pas très poli de ma part d’ailleurs… Tant pis. Je me reconcentre rapidement sur Romy qui me fait une proposition. Je sors rapidement mon téléphone de ma poche pour regarder si mes amis m’ont donné signe de vie. Mais absolument rien, je laisse un petit sourire échapper à mes lèvres. Je n’aime pas particulièrement que l’on me pose des lapins, même si cela venait de mes amis, sans arrière-pensées aucune. Je finis alors par hocher la tête avant de terminer mon verre pour le reposer. « Tu connais des endroits sympas dans le coin ? » je demande doucement en me retournant pour lui présenter mon bras, que nous allions tous deux en direction de la sortie. Pourquoi deux amis ne pourraient pas se retrouver ensemble, après des années, à aller partager un petit verre ou deux ?