Aliéna * The show must go on

Il faut qu’elle joue son rôle, ce soir. Et qu’elle le joue à la perfection. Peu importent les problèmes que la quadragénaire peut avoir dans sa vie de couple, ce soir il faut qu’elle tienne son rang. Qu’elle soit simplement à la hauteur de l’événement. Parce qu’elle est à la tête d’un grand magasine et que ce magasine donne une réception pour présenter une nouvelle collection, suivie d’une vente aux enchères à but caritatif. La blonde ne doit pas laisser ses états d’âme et ses questions intérieures ternir cette soirée. Pourtant, quand elle jette un regard à son reflet dans le miroir, à cette longue robe bleu qui épouse ses courbes, à ses cheveux noués en chignon et son maquillage discret, elle ne se sent pas le coeur à la fête, Valentina. Loin de là. Soupirant, elle attrape sa pochette et descend, briffant rapidement son mari, sans réellement le regarder, alors qu’elle cherche ses clés de voiture en même temps.

«- Tu ne les couche pas trop tard même s’il n’y a plus école. Vingt-et-une heure maximum, pas une minute de plus, d’accord ? S’il y a un problème je suis joignable sur mon portable. Le dîner est prêt dans le frigo, il n’y a qu’à le faire échauffer au four quelques minutes.»

Valentina adresse un regard stressé à sa montre, alors qu’elle doit rejoindre les bureaux du magasine au plus vite pour régler les derniers détails, surveiller les derniers préparatifs. Mais elle n’en a pas finit avec son époux, continuant ses recommandations, comme s’il ne savait pas déjà tout ce que son épouse dit, comme s’il était irresponsable. La blonde s’inquiète seulement et, quand il s’agit de ses enfants, elle s’inquiète toujours bien plus que d’ordinaire. Son inquiétude est à l’image de son amour pour eux, inégalé et inégalable.

«- Ne m’attend pas pour dormir, tu sais que ce genre de soirées finit toujours tard.»

Elle dit ça par automatisme, mais ils ne dorment plus ensemble depuis des semaines, sauf en de rares occasions, comme la veille de leur départ pour europaparc avec les enfants. Valentina enfile ses chaussures, en même temps que ses clés cliquettent entre ses mains, sous l’effet du mouvement de ses doigts. Elle se hâte, la blonde et finalement, elle s’engouffre dans le garage pour ouvrir ce dernier et s’installer au volant de son impeccable véhicule blanc immaculée. Parce que ce qui l’entoure est nettement plus propre et plus ordonné que sa propre vie, ces derniers temps.

Elle file en direction des bureaux où une multitude de petites gens s’affairent pour terminer les préparatifs, tandis qu’en coulisse c’est l’effervescence pour maquiller et coiffer les mannequins. Il est presque vingt-heure quand tout semble en place et les portes s’ouvrent alors pour laisser entrer une flopée de convives qui prennent place sur les sièges bordant l’immense podium de la salle de défilé. Le show commence un peu plus tard et les mannequins défilent au grès des musiques qui s’enchaînent, avant de chlore la prestation. On annonce l’ouverture du buffet et comme d’un seul mouvement, tout ce petit monde se lève pour boire et se restaurer, avant que les enchères ne commencent.

Dans cette populace, Valentina repère un visage familier, comme bien d’autres, mais qui a la particularité d’appartenir à une brune qu’elle peut considérer comme une amie. Valentina appelle un serveur pour prendre deux flûtes de champagne et elle approche finalement d’Aliéna qu’elle salut.

«- Bonsoir. Le spectacle t’a plût ?»



@Aliéna Gunther

En apercevant Aliéna un peu plus loin, Valentina décide de rejoindre son amie pour discuter un peu, avant que les enchères ne commencent et savoir si cette dernière apprécie la soirée qu’elle passe. Cosmopolitan Allemagne n’a pas lésiné sur les moyens, comme toujours, pour offrir une soirée à la hauteur de la réputation du magasine et naturellement, Valentina a veillée points par points à la bonne tenue de l’événement. Savoir ce que les spectateurs en ont pensé est donc important pour la jeune femme, de sorte qu’elle puisse toujours s’améliorer en conséquence lors des événements suivants.

«- J’ai beaucoup aimé la Rose, je dois dire. La tenue était très délicate, très légère, très douce. Mais ma préférence va à l’églantine qui était plus douce, plus vaporeuse et plus délicate encore, presque fragile.» remarque la blonde.

Mais elle ne connaît pas grand-chose au langage des fleurs, elle non plus, même si contrairement à son amie, elle ne les fait pas toutes mourir en quelques jours, à ne pas savoir s’en occuper. Du moment que ce ne sont pas des fleurs trop fragiles, qui demandent trop d’attention tout du moins.

Aliéna demande si la blonde est venue seule et Valentina acquiesce d’un léger mouvement de la tête. Parce que son mari, en effet, ne l’a pas accompagné ce soir. La blonde ne lui a même pas proposé de le faire, alors qu’elle aurait put engager une nounou pour surveiller ses enfants ce soir. Mais le fait est qu’elle se sent mal à son aise auprès de son mari ces derniers temps et que ça ne va pas fort, entre eux. Malgré leur voyage pour l’anniversaire de l’homme et malgré les séances de conseiller conjugal. Il y a quelques chose entre eux qui ne fonctionne pas, qui ne fonctionne plus et cette impression de la blonde, qu’ils ne pourront jamais surmonter ça. Elle ne s’en sent pas la force, Valentina et sa vie la dépasse, aujourd’hui.

«- Il garde les enfants.» assure la quadragénaire, en se cachant derrière cette excuse. Et puis elle ajoute, la voix plus basse, de sorte que seule Aliéna puisse l’entendre. «Disons que je ne l’ai pas invité, non plus. Ça ne va toujours pas très fort.» avoue la blonde.

Elle s’en tient à ces simples aveux sans en dire plus comme elles sont en public et elle soupire, en portant élégamment son champagne à ses lèvres, grimaçant un instant au souvenir de l’état de sa vie. Ce qui cloche tant, dans l’idyllique tableau de son existence ? La blonde ne saurait le dire et ça la déstabilise bien d’avantage.

«- Ils vont bien, ils ne se rendent comptent de rien.» avoue Valentina. «Ils ne pensent actuellement qu’à ce qu’ils vont faire de leurs vacances ! Et ils nous pressent pour partir une semaine mais, comme d’habitude...» elle ne termine pas sa phrase : Aliéna comprendra qu’Owen a trop de travail et ne peut se libérer. «Personnellement non, mais l’une de mes rédactrices oui.» Elle adresse un sourire à Aliéna. «Tu sais déjà si tu souhaite enchérir sur une tenue ?»

Valentina adresse un sourire à son interlocutrice que la rose a visiblement séduite. Mais Aliéna ne partage pas son avis favorable quand à l’églantine qui ne semble pas l’avoir marqué, quand elle a probablement été la création préférée de la rédactrice en chef, en revanche. Mais Aliéna semble avoir, entre toutes, préférée la classe du Lys. Il est vrai que la tenue avait un petit quelque chose de sophistiqué, de raffiné, qui sied parfaitement à l’allure d’Aliéna et il semble que cette dernière n’aimant pas les fleurs, il faille féliciter les créateurs pour leur prouesse du soir. Valentina esquisse un sourire, c’est que le show est réussit, s’il aura réussit à ravir même celles qui ne sont pas de grandes amatrices de pétales et pistils. Les hommes ont toujours tendances à offrir des bouquets à ces dames, sans imaginer que certaines n’aiment pas du tout ce genre d’attentions, n’appréciant pas particulièrement les fleurs.

«- Je comprends. Dans ce cas on peut considérer que le spectacle est réussit, s’il a sût te faire apprécier quelque chose que tu n’aimes pas d’ordinaire.»

La jeune femme se raidit un peu comme Aliéna évoque son mari, après avoir parlé rapidement des enfants. Il est vrai que la blonde étant marié, tout le monde doit s’attendre à ce que son mari soit dans les parages pour une telle soirée. Mais Valentina ne l’a pas invité. Il surveille les enfants. Quoiqu’il doit probablement dormir de ces heures, au vu des heures interminables de boulot qu’il dit avoir eut au cours de la semaine. En même temps que la blonde explique que son mari surveille les enfants chez elle, elle se garde de dire que ce dernier doit désormais somnoler, épuisé. Mais elle confirme qu’il y a toujours de l’eau dans le gaz entre eux. Aliéna étant une amie, elle peut se permettre ce genre de confidences, elle l’imagine en tout cas.

«- Il aurait probablement refusé, de toute façon, si je le lui avais proposé. Il semble avoir énormément de travail en ce moment, il est souvent au bureau et quand il est à la maison, il travaille encore, le nez dans ses dossiers. Je ne serai pas surprise si, à l’heure qu’il est, il s’est endormi sur le canapé devant la télévision. A moins qu’il ne profite de sa soirée pour avancer encore un énième dossier.»

Elle soupire et scrute le visage de son amie. Sa situation n’est pas simple et elle espère en sortir rapidement, réparer son couple, pour que les enfants au milieu ne souffrent pas des bêtises de leurs parents ou des boulots de ces derniers. Mais ça la rend dingue, Valentina, qu’Owen ne prenne pas plus de temps pour sa famille sous prétexte qu’il a un poste à responsabilités. Elle en occupe un aussi, de poste du genre et pourtant elle s’organise pour trouver du temps pour ses enfants. Quand on veut on peut. Mais elle n’est pas sûre qu’Owen veuille. D’autant  plus qu’il est resté aveuglé longtemps sur leur problème. A ne rien voir. Valentina grimace.

«- Souhaitons qu’ils ne tombent pas, dans ce cas.» elle soupire. «Mais nous travaillons à arranger les choses et à faire réaliser à Owen le temps déraisonnable qu’il passe à travailler.» Elle esquisse un sourire en pensant à ses petits. «Non, forcément. Je leur ait pris deux semaines en colonies pour début Aout, pour qu’ils ne s’ennuient pas à la maison et ils passent une semaine chez mes parents, une autre chez ceux d’Owen. Mais Owen ne sait pas encore s’il pourra prendre une semaine de congés cette année, apparemment, ils ont des problèmes d’effectifs.»

Rapidement, la conversation se réoriente sur la soirée pour oublier les tourments du quotidien et Aliéna semble désirer acheter le numéro dans lequel figurera l’article pour voir si l’opinion de la journaliste reflétera, ou non, le sien. Mais elle n’achètera pas de robe, étant seulement venue pour voir le spectacle, apprécier la soirée… Et elle fait une remarque sur le piano, un instrument qui semble lui manquer. Valentina acquiesce, car effectivement, celui-ci est en accès libre pour le moment.

«- Tout à fait. Si les doigts te démangent, alors autant ne pas hésiter.» suggère la blonde.

Il semble un peu hâtif, apparemment, de dire qu’Aliéna a apprécié le thème de la soirée mais si cette dernière a apprécié le spectacle alors c’est déjà ça. Nul besoin de lui faire aimer les fleurs, tant que la banquière a passé un bon moment c’est tout ce qui compte en fin de compte et le côté spectacle, le côté show, semble avoir été au rendez-vous en tout cas, alors Valentina s’en ravis. Tant mieux. C’est tout ce qu’elle pouvait souhaiter ce soir pour ce grand rendez-vous dans les locaux de son magasine. Si le spectacle a été à la hauteur de ses promesses, de ce que les gens attendaient de lui, alors c’est le plus important.

«- Le principal est certainement que tu ai apprécié le spectacle et passé un bon moment. Nous ne sommes pas toutes contraintes d’apprécier les fleurs, après tout !» souligne la blonde.

Mais rapidement la conversation évolue sur un sujet bien moins léger et qui ne manque pas de contrarier fortement Valentina ces derniers temps alors qu’il est question de son mariage et de l’état de ce dernier, parce qu’elle avoue ne pas avoir invité son mari ce soir. De toute façon elle sait très bien que l’homme ne serait tout simplement pas venu à la soirée, comme il doit être mort de fatigue de sa semaine. Valentina soupire, elle peut sûrement en dire plus à Aliéna et confier un peu de ses interrogations et de son fardeau, tout en s’assurant de ne pas se révéler pénible pour son interlocutrice, venue ici pour se détendre, après tout.

«- Oui il me dit toujours qu’il va faire des efforts pour passer plus de temps avec nous, demander à avoir moins de charge de travail, se laisser moins marcher sur les pieds, en sommes mais il n’y a rien à faire, il ne tient jamais ses promesses et le temps passe alors sans qu’il ne voit d’avantage ses enfants qu’au début de sa promesse. Alors ma fois…» elle soupire.

Mais elle va espérer que tout se termine bien entre elle et son mari, qu’ils puisent régler leurs problèmes et reconstituer une vraie famille avec leurs enfants, développer un contexte de nouveau sain pour leur histoire… Elle verra bien ce que l’avenir lui réserve, la demoiselle, car pour le moment, elle n’a l’assurance de rien. Et tout ce qu’elle peut faire, c’est espérer que tout va bien se passer.

«- Oh, oui. On voudrait les en préserver mais évidemment, on ne le peut pas toujours. Ils se rendent comptes de choses plus petites parfois, mais sur ce point nous essayons d’être les plus discrets possibles pour ne pas les perturber, ne pas les inquiéter. Je ne voudrai pas qu’ils en discutent à l’école et s’alarment du discours de leurs petits camarades. Mais ils sont sûrement encore trop couverts. C’est naturel.» souffle la maman, non sans tendresse.

Ce sont toujours ses enfants, ses bébés et elle essaie de les protéger de la vie, tout en essayant de leur apprendre à affronter celle-ci, à ne pas se laisser faire. On essaie de pousser ses enfants à ne pas reproduire les mêmes erreurs que soi-même, après tout et c’est ce que la blonde tente de faire, elle aussi.

«- La colonie est à une demi-heure d’ici, Adeline voulait faire comme toutes ses copines et comme tout les ans, nos parents se les arrachent, puisqu’ils sont sur Berlin et ne les voient pas beaucoup en dehors des périodes de vacances scolaire. J’espère mettre l’absence des enfants à profit pour régler ceci entre nous, au calme, mais faut-il encore qu’il m’accorde le temps nécessaire.»

Valentina hausse les épaules, et l’attention d’Aliéna dévie sur le piano, après avoir confessé qu’elle n’achèterait rien de la collection, qu’elle profitait seulement du spectacle. En revanche, le piano en libre accès semble l’intéresser et elle se décide finalement à poser ses doigts sur l’instrument pour composer la bande son de Titanic, en direct. Valentina reste près du piano, en observant Aliéna jouer, comme quelques curieux. Non, en effet, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas et l’assistance semble d’accord avec cela.

Toutes les femmes n’aiment pas forcément les fleurs et Aliéna ne les aime pas. Soit. Mais elle a apprécié le spectacle et pour ça, l’objectif de la soirée est accompli. Parce que toutes les femmes, sous le prétexte qu’elles sont des femmes, ne sont pas forcées d’aimer les fleurs et si Aliéna ne les aime pas, c’est son droit, le principal étant qu’elle passe une bonne soirée à profiter du spectacle, ce qui semble avoir été le cas. Parce que ce n’est pas vraiment les fleurs qui ont un intérêt ici mais bien la mode et c’est une passion que les deux femmes ont en commun, il faut dire. Alors de fait, le spectacle a permis à Aliéna de passer un bon moment, et Valentina lui adresse un large sourire satisfait d’apprendre cela.

«- Oh pour la mode je sais, et comme je te comprends… Beaucoup trouvent ça superficiel mais quand on y pense, c’est une forme d’art et je sais bien que les vêtements ne sont pas ce qu’il y a de plus importants, que tant qu’on a quelque chose pour se couvrir, c’est l’essentiel, mais posséder une belle pièce fait toujours rudement plaisir.»

Et après tout, quel mal y a-t-il à admirer le savoir faire de grands couturiers ? Cette passion est pourtant quelque peu décriée, comme si elles faisaient quelque chose de mal. Mais ça ne les empêche pas de garder les pieds sur terre et un certain sens des réalités, dans un même temps. Tout du moins, en ce qui concerne Valentina. Il existe des choses bien plus préoccupantes et mauvaises, de toute façon. Comme ce qu’il se passe avec son mari et qui menace leur mariage. Elle confie ses tourments à Aliéna, Valentina et cette dernière tente de la conseiller, elle-même ayant déjà divorcé, sans jamais avoir eut d’enfants cependant. Mais Valentina est mère et cela change la donne à ses yeux.

«- Oui… Je sais» elle soupire. «Mais c’est tellement pénible et les enfants ne cessent de se plaindre de cette absence. Malheureusement le temps perdu ne se rattrape jamais et ils grandissent si vite tout les deux…»

Elle soupire, Valentina, car la situation est difficile. Aliéna aussi travaille beaucoup c’est vrai mais cette dernière n’a pas d’enfants. Forcément, ce n’est pas pareil pour elle et pour Owen, même si elle peut comprendre, évidemment, la position que l’on a vis-à-vis d’un patron. Valentina a la chance d’avoir très peu de monde au-dessus de sa tête et d’être sur le sommet de la pyramide dans sa boîte. Ouai, ça aide pas mal, quand-même. Moins de stress. Mais de hautes fonctions devraient donner quelques avantages et la blonde les voit tous filer entre ses doigts fins. Que son mari travaille plus ne leur amène rien. Sinon l’argent. Mais qu’est-ce donc que l’argent, sans les gens qui comptent autour de soit ? Avec qui dépenser l’argent trébuchant, si de temps on a pas ?

«- En effet, je ne veut pas qu’ils se méprennent et qu’à l’école, les autres enfants les inquiètent. Je ne peux, évidemment, les protéger de la vie, mais je peux au moins tenter de leur éviter de souffrir d’une situation qui pourrait s’arranger.»

Et peut-être qu’ils pourront mettre l’absence des enfants à profit, puisque leur aînée a voulu faire comme les copines et le cadet a suivit, si bien qu’ils partent tout deux en colonies, avant d’aller comme tout les ans chez leurs grands parents, désireux de les voir.

«- J’espère qu’ils vont pour leur part en profiter un maximum avant la mi-aout et la reprise de l’école !»

Le piano fait de l’œil à Aliéna et cette dernière finit par prendre place devant le clavier, pour poser ses doigts sur celui-ci et entonner une douce mélodie. Alors la musique s’élève et quelques personnes viennent tout autour de la banquière pour l’écouter jouer, appréciant les notes qui s’échappent de l’instrument sous ses doigts. Et quand elle termine, tous applaudissent, ravis, par la performance.

«- J’ignorais que tu jouais si bien !» souligne Valentina en la rejoignant.

Valentina ne voit pas le mal qu’il peut y avoir à collectionner de beaux vêtements, à avoir quelques belles pièces dans son dressing. Ce n’est pas plus dérangeant que les collections de timbres, de parfums, de chaussures ou de papillons, après tout. Mais certains voient cela d’un mauvais œil, jugeant les femmes qui apprécient la mode, les qualifiant souvent bien vite de femmes quelque peu superficielles. De fait il vaut mieux parler mode et avouer son petit plaisir coupable seulement avec d’autres amateurs, comme s’il fallait se cacher de son goût pour convenir à la société. Malheureusement, c’était toujours un peu le cas. L’homme passait son temps à critiquer les autres, sans regarder son propre palier et ses propres erreurs. Il y en avait toujours un, ou deux, pour ramener sa fraise et être dans le jugement.

«-Oui je vois ce que tu veux dire, ce n’est pas quelque chose que l’on dit facilement, si on ne veut pas être tout de suite cataloguée comme étant une femme superficielle.»

Mieux valait parfois se taire afin d’avoir la paix. Un peu comme dans un couple, finalement, quand on encaisse des années pour prendre soin du bonheur de tous, ne pas entrer en conflit… grignotant ainsi l’amour que l’on peut ressentir au fil des années, des fausses promesses, des désillusions et du temps qui passe. Comme cela avait été le cas pour Valentina et Owen  au fil des ans de leur mariage, les laissant aujourd’hui tout deux dans une situation délicate à ne pas être sûrs du lendemain, de la poursuite de leur histoire, du futur s’offrant à eux.

«- Tu as sans doute raison, les enfants lui disent parfois que papa leur manque, le montrent par leurs actions, mais il aurait peut-être besoin qu’ils le lui disent d’avantage, plus sérieusement, pour prendre conscience de leur manque, réel, de leur père. Il me promet sans cesse de faire des efforts avec eux et, s’il fait un effort deux jours, les bonnes vieilles habitudes reviennent toujours au galop assez rapidement.»

Elle voudrait protéger ses enfants Valentina, elle voudrait que la vie soit parfaite pour eux, comme n’importe qu’elle mère, mais ce désir est utopique, quand les enfants grandissent et découvrent de toute façon, tôt ou tard, comme la vie peut être triste, difficile, injuste. Elle voudrait les préserver de tout ça Valentina, avec son amour de mère, mais ce n’est pas possible et il vaut mieux qu’elle les prépare, aussi, à ce que la vie leur réserve. Leur apprendre l’échec, pour leur apprendre à se relever. La difficulté, pour l’affronter et se surpasser. Il est normal, cependant, que ces sentiments l’envahissent, qu’elle veuille ce qu’il y a de mieux pour eux.

«- J’espère de tout mon cœur qu’ils vont en profiter en effet, que cela contribuera à les préserver encore un peu de ce qui nous arrive.»

Et finalement, els deux femmes abandonnent pour ce soir les sujets fâcheux, au moins un temps, pour qu’Aliéna aille jouer un air de piano, profitant de celui qu’il y a en accès libre à deux pas. Valentina est surprise, ne sachant pas que son amie jouait du piano et elle lui en fait finalement la remarque lorsque la mélodie s’arrête, Aliéna revenant vers elle, avouant que son ex ne voulait plus qu’elle joue de cet instrument. Valentina en est surprise.

«- Comment ? Il ne voulait pas ? Mais pourquoi !? Il n’y a pourtant aucun mal à jouer du piano ?»

Malheureusement, on croit encore à tord que la société moderne est favorable aux femmes. Mais ce n’est pas le cas. Elle l’est seulement d’avantage que les sociétés qui l’ont précédés mais il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui encore, l’existence des femmes est limitée. Limitée par le plafond de verre, par exemple. Limités aussi par la discrimination à l’embauche, par les salaires qui changent aussi, selon que l’on soit un homme ou une femme. Limitée par l’insécurité dans les rues, et aussi, bien sûr, par la manière de considérer les femmes, comme le regarde si bien Aliéna en effet. Un homme avec beaucoup de conquête ne sera au pire qu’un charmeur. Une femme avec beaucoup de conquêtes sera une traîné et si le premier sera traité avec honneur comme le mâle alpha, la seconde, évidemment, sera pointée du doigts pour ses gestes.

«- Malheureusement… à qui le dis-tu. Les moindres faits, les moindres gestes, sont épiés. Les moindres faux-pas sont pointés du doigt. Ce n’est pas si facile que ça d’être une femme malheureusement et même si en effet la situation est mieux qu’il y a plusieurs siècles, on ne peut pas dire pour autant que ce soit suffisant. Encore que, les problèmes de jugements, touchent aussi pas mal les hommes. A croire que la société ne sait pas balayer devant sa porte en premier lieu.» remarque la blonde.

Non, la société critique toujours, tout le temps. Et si la blonde évoquait une idée de divorce, il y a fort à parier qu’on la jugerait. Parce qu’après tout, elle était mariée et patati et patata. Elle devait donc tout endurer au nom de cette maternité. Et son mari dans tout ça ? Rien. La société pourrait encore donner raison à ce dernier, pauvre homme, trop occupé à bosser pur maintenir le niveau de vie de leur famille. Des propos qui éluderaient tout à fait le boulot de Valentina. Mais qui cela dérangerait ? Mais peut-être après tout que son mari ne prend seulement pas conscience de son absence et du manque de lui dont souffre ses enfants, comme le souligne Aliéna.

«Je comprends ce que tu veux dire en effet, il ne prend peut-être pas la mesure du manque que les enfants peuvent ressentir. Je pourrai essayer de leur parler, les amener avec doigté à parler à leur père.»

En attendant les vacances dont ils allaient profiter leur ferait le plus grand bien. Ce n’était pas le moment de s’occuper de cela, Valentina repoussa alors tout cela pour la rentrée, songeant que ce serait le meilleur moment pour un nouveau départ tout simplement. Mais les hommes, décidément, ne rendaient pas la vie facile aux femmes et Aliéna ne manque pas de le savoir elle aussi, de le confirmer même par ses mots, si Valentina avait put avoir encore quelques doutes sur ces derniers.

«- En voilà un qui a vraiment l’air bourré de charme et d’égo...» ne peut s’empêcher de souligner Valentina face aux révélations d’Aliéna. Et les mots choisis ne manquent pas de provoquer son étonnement, autant que sa colère. La manière forte, qu’est-ce que cela voulait dire ? La jeune femme a peur de comprendre. «Tu veux dire qu’il te frappait, Aliéna ?»

Avec le temps, les années de mariage, l’indifférence de son époux pour elle comme pour les enfants ou les affaires de la maison, Valentina était devenue quelque peu amère, renfermée sur elle-même, enfermée dans sa position. Elle ruminait ses sombres pensées de plus en plus, s’enfonçant dans un état alarmant dans l’indifférence générale de ses proches qui ne voyaient pas les grimaces derrières les sourires, les verres de vin derrière l’éclat de ses yeux, toutes les fêlures de son âme qu’elle cherchait à masquer. Valentina hoche la tête comme son amie remarque que les temps ne sont pas plus faciles pour les hommes aujourd’hui alors que le féminisme s’en mêle et vient adresser de nombreux reproches aux hommes. Il est vrai que le jugement est omniprésent et beaucoup sont alors dans de bien peu enviables situations. Elle admet volontiers, Valentina, que les temps ne sont pas plus faciles pour les hommes. Mais son mari ne parvient pas à trouver grâce à ses yeux tant elle est déçue par l’attitude et l’absence de ce dernier, qu’elle ne parvient pas à raisonner. Elle a beau essayer de lui parler, beau essayer de le faire réagir il semble que son époux reste sourd à ses demandes, sourd à ses remarques.

«- Je suis bien d’accord. Comme je le disais justement, en matière de jugement nous sommes, hommes et femmes, logés à la même enseigne.» admet la rédactrice en chef.

Et elle était bien placée pour le savoir, quand son propre magasine avait parfois quelques interviews de féministes entre ses pages qui adressaient tout un tas de reproches aux hommes, s’abaissant alors ainsi au même niveau que ces derniers. Il y avait comme une guerre des genres ces derniers temps qui n’étaient pas bon. Et quelque part, par ses reproches à Owen, Valentina s’opposait à l’éducation que ce dernier avait reçut et appliquait à la lettre. Mais ses enfants souffraient de l’absence de l’homme et dans cette société où l’on accorde plus tant d’importance qu’autrefois aux tâches masculines et féminines, il est important que les hommes soient eux-mêmes impliqués dans l’éducation des enfants.

«- Qui sait, les enfants parviendront peut-être à toucher une corde plus sensible que la mère….» souffle la jeune femme en soupirant.

Son interlocutrice avise un piano plus loin, en accès libre et, éprouvant le besoin d’en jouer, elle abandonne finalement Valentina au profit de l’instrument dont elle sait parfaitement jouer. La rédactrice approche, comme d’autres, pour écouter la musique et se laisser porter par celle-ci, tant qu’Aliéna continue son morceau et finalement, cette dernière met un terme à son récital pour retrouver une Valentina subjuguée par ses talents de musicienne, curieuse d’en apprendre d’avantage à ce sujet. Une curiosité mal placée au vu de ce que révèle Aliéna et Valentina se sent mal d’avoir posé la question. Elle éprouve de la culpabilité et de la peine en même temps comme elle n’ose pas croire que l’on ait vraiment put frapper Aliéna. La jeune femme pâlit.

«- C’est horrible !» souligne la blonde contrariée par ces révélations. «Tu as pris la bonne décision en partant, heureusement que tu as put le faire, que tu n’ai pas resté avec lui… on lit malheureusement trop d’histoires de femmes qui n’ont pas le même courage que toi et qui finissent mal...» soupire Valentina. «Toutes ces violences conjugales, c’est à vous faire froid dans le dos !»

Ayant elle-même une fille, Valentina espérait bien, évidemment, qu’aucun homme ne lèverait jamais la main sur son bébé, sa princesse. Hors les statistiques en matière de violences conjugales n’étaient pas des plus rassurantes pour elle, malheureusement.