Le loup qui écoutait les secrets des gens..."Anthea"

LE LOUP QUI ECOUTAIT LES SECRETS DES GENS...

@ADRIAN MAYER  & @ANTHEA ZIMMERMANN

Ma journée de travail venait à peine de se terminer, il était plus de 23h00. Je venais de faire un marathon d’émissions et j’étais épuisée. En temps normal, je serai rentrée chez moi pour m’affaler sur le canapé mais en ce moment, je n’avais plus envie d’être chez moi. Chez moi me rappelait trop de mauvais souvenirs ou plutôt de bons souvenirs que je tentais d’oublier. C’est là-bas, pour la première fois, que Jonas m’avait fait sa déclaration et qu’il m’avait embrassé, la première fois qu’on avait fait l’amour et la première fois où je m’étais sentie la plus heureuse du monde… Mais aussi la plus malheureuse quand il dut quitter le lit douillet pour rentrer chez lui, retrouver sa femme… Alors, j’avais senti le poids de la solitude et le poids de la culpabilité, ces deux sentiments qui m’oppressaient le cœur depuis cette nuit magique. Et d’autres nuits magiques se sont succédé mais à chaque fois, la culpabilité et la solitude reviennent en force… Ce soir, je n’ai pas envie de rentrer tout de suite, je veux noyer mon chagrin et je compte bien le faire.

Je prends un taxi et me rends au Majora, un petit bar sympathique dans le centre-ville. J’aime bien l’ambiance de ce bar même si je ne m’y rends pas souvent. Je sors du taxi et, comme si je n’étais pas déjà assez pathétique comme ça, mon talon se prend dans un trou sur les pavés et je finis la tête la première sur le sol. Je me relève difficilement et personne ne m’aide, je frotte mes jambes nues et je remarque que je saigne un peu, je sors un mouchoir et essuie le sang, il n’y en a que très peu, juste une éraflure. Quand j’ai fini, je reprends la marche jusqu’à l’entrée de l’établissement. A l’intérieur, il n’y a pas autant de monde que je l’aurais cru, c’est mieux, c’est plus intime. J’aime bien quand il n’y a pas trop de bruit, qu’on puisse s’entendre réfléchir. Je vois qu’il y a des places de libre au bar et je décide de m’y installer. Aussitôt, le barman s’approche de moi et me sourit, il me demande s’il peut me servir quelque chose à boire. Je lui souris en retour et lâche :

«Vous avez quelque chose de fort ? J’ai besoin de tout oublier ce soir ! »

Je ne suis pas aussi ouvert aux inconnus d’habitude mais ce soir, j’avais besoin de discuter et ce jeune homme me mettait à l’aise, naturellement.

LE LOUP QUI ECOUTAIT LES SECRETS DES GENS...

@ADRIAN MAYER  & @ANTHEA ZIMMERMANN

Je sens bien que ce serveur me regarde, il doit se dire que j’ai l’air d’une pauvre fille. Et au fond, ne l’étais-je pas ? Détruire un mariage était loin d’être ce que je croyais faire un jour dans ma vie. J’avais toujours été droite dans mes basquets, et avec l’éducation stricte que j’avais reçue, c’était une chose interdite à mes yeux. Et pourtant, aujourd’hui, je suis devenue la maîtresse – certainement non régulière – d’un homme marié, un homme que tu avais aimé bien avant sa femme. C’était là toute l’injustice de l’affaire, je méritais son amour mais il était arrivé trop tard. Ma déclaration s’était faite attendre et je n’avais pas su lui avouer avant ce que je ressentais pour Jonas. Cet homme était celui que j’aurais dû épouser, celui qui aurait dû me rendre heureuse et finalement, j’avais fui. De toute façon, ces dernières années, je n’avais su que fuir : fuir mes sentiments, fuir le mariage de l’homme que j’aimais et ses préparatifs, fuir la femme que j’aimais aussi. Parlons-en de Daliah que j’ai laissé en plan à Copenhague pour détruire le mariage de l’homme de ma vie. Mon cœur était partagé entre deux : l’un aimait Jonas, l’autre aimait Daliah. Entre les deux, j’avais certainement fait le mauvais choix, celui de croire que j’avais encore le temps d’interrompre le mariage sur le point de se prononcer. Et bien non, j’étais arrivée trop tard…

Quand j’étais entrée au Majora, je savais très bien ce que je voulais : oublier tous mes problèmes et me noyer dans l’alcool. Une fois de plus, je n’allais faire que fuir ma réalité alors que ce que je devrais faire était de prendre mes responsabilités, une bonne fois pour toute. Impossible, je n’y arrivais pas, je n’y arrivais plus, je croulais sous les problèmes et sans le savoir, j’étais loin d’en avoir fini… Le barman me tendit une boisson rose bonbon qui me fit sourire, si je n’avais pas vu le regard insistant de ce barman, je pourrais penser qu’il tentait de me remonter le moral. Puis, il ajouta un peu de glace, de crème dont j’ignorais encore la composition et me le tendit en précisant qu’il s’agissait d’un cœur russe. Puis, il prit un shooter et expliqua qu’il y avait un supplément de bonbons de rose. Malgré mon humeur morose, je rigolais. Je prends le verre et fais semblant de trinquer avec lui, lui souriant avant de dire :

« Merci ! Vous savez comment remonter le moral d’une femme vous ! »

Puis, je pris une gorgée de cette boisson qui me piqua la gorge. Je n’avais jamais été une grande fan de l’alcool, je ne buvais qu’avec des amis et encore, je me limitais au vin. Mais, j’avais besoin de plus fort, je le savais mais la boisson eut du mal à passer, je sentais toute l’amertume de l’alcool.

« Wouah ! C’est fort ! Mais c’est bon ! »

Malgré l’alcool, le goût me plaisait, ça avait un côté acidulé qui me plaisait énormément. Quand je reposais mon verre sur le bar, il me demanda si je voulais en parler. Il s’était accoudé près de moi et me souriait, je me sentais en confiance avec lui, comme si je le connaissais. En réalité, sans le savoir, je le connaissais puisqu’il était le frère d’une de mes meilleures amies. Sauf que je ne le savais pas encore à ce moment-ci… Alors, je repris une gorgée et, totalement en confiance avec cet inconnu, je me lançais :

« Je crois que je suis devenue une maîtresse ! Alors que je ne suis pas une femme maîtresse ! Les femmes maîtresses sont des femmes horribles ! Est-ce que je suis une femme horrible ? »

Je rebus une nouvelle gorgée avant de rajouter :

« Désolée, je dis n’importe quoi, comme je fais n’importe quoi depuis deux ans. Tout allait pour le mieux jusqu’à ce que Jonas m’annonce qu’il allait se marier…. Alors même que j’allais lui faire ma déclaration… Alors, j’ai quitté Hambourg pour Copenhague où j’ai rencontré la femme la plus parfaite du monde ! Sauf que je l’ai abandonnée sans rien dire pour empêcher le mariage de se faire, un an après… Evidemment, le mariage avait déjà été prononcé mais j’ai quand même fait ma déclaration… Et après, j’ai revu mon Jonah et on a couché ensemble… J’ai couché avec un homme marié… ! »

Un homme près de moi me regardait, ne manquant pas une seule miette de mon histoire, je me tournais vers lui et dit :

« Ça ne vous gêne pas d’écouter les histoires des autres ? »

Pris en flagrant délit, il se leva et prit place au fond de la salle. Moi, j’attendais le commentaire du beau barman qui devait certainement me prendre encore plus pour une folle…